Budget primitif 2013 – ESS par Claude Taleb

Jérôme Bourlet

 

En matière d’économie sociale et solidaire, le retour de l’Etat, parmi les acteurs publics agissant en faveur de son développement, est, et restera, l’évènement de l’année 2012.

 

A l’initiative du tout nouveau Ministère de l’ESS, les Régions de France participent depuis plusieurs semaines, aux côtés des acteurs privés, à la concertation exemplaire d’un projet de loi-cadre dont on nous dit qu’il sera à l’agenda parlementaire, courant 2013.

 

Les enjeux de cette nouvelle politique publique sont considérables.

 

Après l’arrêt brutal du soutien de l’Etat à l’ESS en 2002, la décennie écoulée fut celle des expérimentations, de la pédagogie de l’entrepreneuriat social, de l’essaimage et de l’ancrage des projets et des pratiques solidaires, dans les territoires.

Nous y avons activement contribué dans notre région, j’y reviendrai.

 

Je ne pense pas être seul dans notre majorité, dans cet hémicycle, à estimer qu’il faudra plus, qu’il faudra mieux, que le seul « choc de compétitivité », pour retrouver le chemin de l’emploi, de la réduction des inégalités et de l’éradication de la pauvreté.

 

L’économie sociale et solidaire c’est l’économie qui se préoccupe de ses finalités, de son utilité sociétale et de son ancrage territorial, l’économie qui consacre la démocratie dans l’entreprise et accorde la primauté à la ressource humaine, l’économie qui affecte en priorité ses résultats à sa pérennisation et à son développement, qui limite sa lucrativité… et non ses résultats, qui plafonne les revenus de ses dirigeants tout en réduisant les écarts de salaires.

 

Lorsque Benoît Hamon dit que l’économie sociale et solidaire doit dans les 10 prochaines années « changer d’échelle », je comprends qu’il considère qu’il faut démultiplier les créations d’entreprises sociales et solidaires, et aussi, que ses modes de faire et bonnes pratiques sont appelées à infuser dans l’ensemble de l’économie. Pourquoi pas en effet ?

Devant le congrès des sociétés coopératives et participatives (Scop), qui sont en plein essor, il y a deux semaines, à Marseille, il a annoncé que son Ministère travaillait à une batterie de mesures destinée à créer ce qu’il appelle un « choc coopératif ».

 

« Choc de compétivité », « choc coopératif », « choc de solidarité », la concurrence des  chocs souligne, me semble t-il, la nécessité de sortir des sentiers battus et de la routine. Indéniablement, l’économie solidaire et coopérative, comme la conversion écologique de l’économie en général, seront des éléments de solution, de sortie des crises par le haut, à l’heure où le changement de monde s’opère sous nos yeux.

 

 

Notre collectivité, à l’instar d’une moitié des Régions françaises, a entrepris, en 2004, au terme d’une concertation avec la diversité des acteurs qui a duré six mois, de mettre en place des outils adaptés aux besoins de cette économie en émergence.

A l’issue d’une montée en charge pragmatique, ponctuée d’adaptations successives, je ne crains pas de le dire, notre Région est sans doute aujourd’hui la mieux outillée des Régions de France, pour agir de l’amont à l’aval.

 

–        Depuis 2006, nous avons grâce à l’appel à projets Eco-région solidaire, apporté un appui décisif à l’éclosion de plusieurs dizaines de jeunes pousses dans des filières diverses : production transformation et commercialisation alimentaire, efficacité énergétique, services aux personnes et aux entreprises, recyclage…

–        Notre Agence de développement, l’ADRESS, qui bénéficie du soutien du 276 et de ses adhérents, est aujourd’hui reconnue pour son expertise en matière de caractérisation et de pré accompagnement des projets, de professionnalisation des acteurs. Un travail suivi de promotion et de conseil des techniciens comme des élus des territoires lui vaut aujourd’hui d’être renforcée de l’adhésion de plusieurs communautés d’agglomérations et pays.

–        L’ARESS, aide régionale à l’ESS, soutient les entreprises solidaires en création et en développement, pour leurs besoins de conseil, leurs recrutements, leurs investissements.

–        Région coopérative, parachève l’édifice afin de soutenir efficacement tout projet de reprise ou de création d’entreprise en Scop ou Scic, sur le principe d’abondement d’un Euro région pour chaque Euro souscrit par un associé co-entrepreneur.

 

Le cas de l’entreprise Hisa dont nous avons récemment accompagné la transmission, a attiré l’attention du grand public et, je l’espère, de nombreux prescripteurs.

Je crois que nous pouvons y voir un cas d’école, tout à fait emblématique.

Voilà une PME en bonne santé, aux carnets de commandes bien garnis, que son propriétaire a souhaité transmettre en Scop pour la protéger « d’investisseurs spéculateurs »  et parce qu’il considère que ceux qui sont les plus fondés à posséder mais surtout à pérenniser l’outil de travail sont ses salariés.

 

Compte tenu du coût de rachat, l’aide de la Région a été décisive.

Compte tenu de l’enjeu pour l’économie régionale et du nombre des emplois concernés, ils sont 135, je crois que l’on peut dire que c’est un bon investissement.

 

Un bon investissement pour cette entreprise… qui en appelle d’autres : on sait à quel point l’enjeu de transmission est prégnant en Haute-Normandie.

J’ajouterai que la sauvegarde de nos emplois industriels, la réindustrialisation, se joue aussi, et peut être d’abord, dans ce tissu de PME à haute valeur ajoutée professionnelle, économique… et sociale.

 

La négociation qui a conduit jusqu’à la transformation en Scop a duré six mois a fait l’objet de l’accompagnement spécialisé de l’Urscop que nous avons choisi en 2011 d’aider à créer une antenne haut-normande.

 

L’avant projet de loi cadre prévoit des avancés dans plusieurs domaines décisifs :

–        la définition des spécificités propres des entreprises et des entrepreneurs de l’ESS et la création d’un agrément qui facilitera le fléchage des aides ;

–        le rétablissement d’un pilotage Etat-région de l’ESS dans chaque région ;

–        l’inscription de l’entrepreneuriat solidaire dans les enseignements d’économie ;

–        un fort coup de pouce au mouvement coopératif via l’instauration d’un droit de préférence des salariés pour la reprise d’entreprises et la création un nouveau statut de scop permettant aux associés d’être majoritaires en voix tout en montant progressivement en puissance jusqu’à devenir majoritaires en capital.

 

Vous la savez sans doute, 500 millions des fonds de la BPI seront destinés à l’ESS.

 

C’est au vu de ce nouveau contexte et sur la base du chef de filat promis en matière de développement économique nous allons pouvoir travailler à renforcer nos interventions. En mettant un soin particulier aux futures contractualisations afin qu’elles engagent les territoires de projet à valoriser toutes les opportunités et potentiels de développement local de l’ESS.

 

Nous préparer à prendre notre part, active, au changement d’échelle qui nous est proposé. C’est l’ambition des actions qui sont soumises à votre approbation au titre des programmes 019. « Emergence de nouveaux modèles économiques et économie sociale et solidaire »   et 018 : « soutien aux réseaux d’entreprises » opération 9, qui concerne « l’animation et le soutien à l’ESS ».

 

Pour télécharger cette intervention en pdf, c’est ici.

 

 

 

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