Discours de politique générale par Véronique Bérégovoy
8,5 milliards d’euros, vous imaginez tout ce qu’on pourrait faire avec 8,5 milliards d’euros dans ces temps difficiles que nous traversons, dans ces temps où de plus en plus de citoyens s’appauvrissent, dans ces temps où la facture énergétique fait basculer une partie de la population dans la précarité?
8,5 milliards d’euros, c’est une dizaine d’années de budget de notre Région.
Pas cher, bon marché, rentable, économique… Plus de 50 ans qu’on nous rabâche la même propagande mensongère.
Jusqu’où allons-nous aller? Même le Figaro parle de dérive financière et reconnaît qu’à un moment donné il faudra vraiment se poser des questions… C’est le moins qu’on puisse dire!
Vous connaissez beaucoup de projets, soi-disant rentables, qui voient leurs factures triplées, en milliards d’euros, en 7 ans, et dont la mise en route est loin d’être effective ?
Est-ce vraiment sérieux de penser que le nucléaire peut encore jouer sa partie dans la transition énergétique que nous devons engager au niveau national et international ?
Est-ce vraiment sérieux de penser que le nucléaire est une filière d’avenir alors même que l’ensemble de ses coûts n’est pas du tout intégré dans le prix du kilowattheure?
Est-ce vraiment sérieux de penser que le nucléaire est une filière responsable, quand ni la recherche en amont et en aval de la filière, ni le démantèlement des centrales, ni le stockage des déchets ne sont pris en compte dans le coût total?
Ce sont déjà 190 milliards d’euros de dépenses publiques qui ont été engloutis dans cette filière depuis 1945. Va- t’on encore continuer longtemps ?
Cette filière est un vrai boulet! Elle nous plombe d’un point de vue économique, industrielle, énergétique, sociale, environnementale. Tout l’argent investi dans cette filière ne va ni à la maîtrise des consommations d’énergie, ni à l’efficacité énergétique, ni au développement des énergies renouvelables, qui pourtant doivent être une priorité.
Et elle est encore moins une solution à la problématique des émissions de gaz à effet de serre, puisqu’au niveau national elle ne produit que 17% de l’énergie totale et 2,4 % au niveau mondial. C’est donc bien sur les autres leviers qu’il faut agir pour vraiment répondre à la problématique du réchauffement climatique.
D’autant qu’il commence à y avoir urgence et que les décisions ou plutôt les non-décisions du dernier sommet international à Doha sont très inquiétantes. Il n’a permis que de prolonger Kyoto 1, excluant de fait toujours les plus gros pollueurs. Ce n’est pas du tout à la hauteur des enjeux ! Alors que l’action coûterait beaucoup moins cher que l’inaction, comme le préconise Stern dans son rapport que vous connaissez tous.
Or jamais l’humanité n’a brûlé autant de pétrole, de gaz ou de charbon qu’en 2011, affirme l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Les émissions de gaz à effet de serre (GES) en lien avec les hydrocarbures ont donc atteint un record l’an dernier à 31,6 gigatonnes, en hausse de 3,2%. C’est en moyenne 4,5 tonnes par habitant. Même au sein de l’Union européenne, après 5 années consécutives de baisse, ces émissions ont recommencé à augmenter entre 2009 et 2011. Les chiffres sont là :
En 30 ans, la surface de glace qui recouvrait l’Arctique a diminué de 47%.
Les forêts, poumons de notre planète, dépérissent, environ deux tiers des arbres seraient concernés selon une dernière étude internationale.
Un rapport récent de la Banque Mondiale intitulé « Pourquoi il faut absolument éviter une élévation de 4°C de la température de la planète » précise que si l’on se contente de poursuivre les efforts de limitation d’émission de GES au niveau actuel, nous atteindrons un réchauffement global de plus de 3,5° C à la fin du XXIème. Pourtant, les experts du GIEC ont bien montré quels effets désastreux et quels coûts gigantesques cela signifierait pour la population mondiale : hausse du niveau de la mer, acidification des océans, perte de biodiversité très forte, catastrophes climatiques de plus en plus fréquentes,… sont les effets les plus connus. Par la voie de son Président Jim Yong Kim, la Banque Mondiale confirme que ce serait des décennies de développement qui pourraient être anéantis. Le niveau actuel d’émissions de CO2 ne permet pas du tout d’atteindre les objectifs internationaux qui sont de contenir le réchauffement du globe de 2° C.
Au-delà des phénomènes naturels, ce rapport confirme bien que le réchauffement sans précédent actuellement en cours est bien de la responsabilité de l’homme. Par conséquent, la Banque Mondiale recommande l’intégration du changement climatique dans toutes les politiques de développement.
Il y a donc urgence à entreprendre des actions. Les investissements qui seraient consentis dans les deux décennies à venir auraient un effet très important pour limiter les effets climatiques dans la seconde moitié de ce siècle et le suivant. Ainsi, de manière tangible, notre génération a-t-elle directement la responsabilité d’une grande partie du bien-être des deux générations suivantes. Jamais la définition du développement durable n’aura revêtu autant de sens concret « un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs ». Il dépend donc de nous, aujourd’hui, de financer les dépenses nécessaires, utiles pour laisser un monde viable à nos propres enfants et petits-enfants.
Il y a urgence à agir dans la bonne direction, c’est-à-dire à accompagner et soutenir la transition écologique et énergétique de notre économie par des mesures fortes qui répondent réellement aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Oui, changer le curseur de façon significative, ce n’est pas une lubie c’est une nécessité!
Et cela à tous les échelons : international, national et local, chacun devant prendre ses responsabilités, tels sont nos défis !
Changer de curseur, c’est par exemple avoir le courage d’arrêter immédiatement des projets, coûteux, inutiles, polluants, mettant en péril la biodiversité et qui ne répondent en rien au défi climatique, mais accélère au contraire le processus de dégradation de la situation.
L’EPR, l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, la LGV Lyon-Turin, le contournement Est de Rouen pour ne citer que ces quelques projets emblématiques ne sont pas des projets d’avenir mais bien du passé !
Comment peut-on nous faire croire que ces projets pensés, réfléchis, initiés il y a 40 ans dans un contexte tout autre, pourraient répondre aux enjeux d’aujourd’hui? Force est de constater que cela n’a aucun sens et est complètement irresponsable.
Il est temps de réorienter les engagements financiers de ces projets pour inverser la tendance. De développer massivement les investissements nécessaires pour promouvoir la sobriété énergétique, développer considérablement les énergies renouvelables, soutenir efficacement les entreprises aux projets innovants, vertueux respectant l’environnement et créatrices d’emplois durables.
A ce sujet, j’ai eu le plaisir de représenter la Région, à la remise des trophées du développement durable organisé par le réseau GRANDDE, aux entreprises qui œuvrent de façon exemplaire dans ce sens et je les ai félicitées avec force, car elles nous prouvent tous les jours que nous pouvons agir, produire, consommer différemment. Que nous ne pouvons plus aborder le développement économique que par le seul prisme de la performance mais qu’il est essentiel d’avoir une vision globale et de concilier protection et mise en valeur de l’environnement, développement économique, progrès social et démocratie participative.
Oui cela est possible, oui nous pouvons construire ensemble ce nouveau modèle durable où le bien-vivre et le bien-être seront une réalité. Encore faut-il y croire sincèrement et tout mettre en œuvre pour ce noble défi !
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