Discours de politique générale par Perrine Hervé-Gruyer lors de la séance plénière du 22 octobre 2012

PHG plénière 22-10-12_EELV-CRHN

 

 

A l’occasion de la conférence environnementale des 14 et 15 septembre derniers, le Président de la République et le Premier Ministre, ont rappelé l’impératif de la transition écologique et énergétique pour notre pays. Ils ont ainsi donné raison aux écologistes en affirmant que la crise économique et sociale que nous vivons ne se résoudra pas sans cette perspective.

Une « feuille de route » de cette transition est fixée, avec des orientations claires et déjà quelques avancées concrètes appréciables.

 

Dans notre région, nous nous réjouissons notamment du lancement d’ici fin 2012 d’un nouvel appel d’offre concernant le projet d’éolien offshore. Le plan de développement de l’agriculture biologique permettra peut-être à la Haute-Normandie de dépasser les 1% de surface agricole utile en bio….

 

Nous saluons les avancées qu’ont permis les débats. Nous nous félicitons de ces premières orientations qui nous éloignent, nous l’espérons, du spectre des effets d’annonce et du peu de suivi connus précédemment (notamment après le Grenelle).

 

Il n’en demeure pas moins que nous aurions pu aller plus loin.

 

Aller plus loin en annonçant :

– la suppression des niches fiscales favorables à ceux qui polluent le plus (22 milliards d’euros minimum de recettes) ;

– en faisant des choix clairs sur l’arrêt impératif de certains grands projets d’infrastructures néfastes à l’environnement comme aux finances de notre pays ; nous pensons ici aux évènements de mardi dernier sur le site de notre Dame des Landes ;

– en annonçant un objectif de zéro artificialisation des sols.

 

Au-delà du Plan Bio, il nous semble aujourd’hui essentiel d’aborder plus profondément les problématiques agricoles. Leur impact est fort tant au plan de la souveraineté alimentaire, des aspects sanitaires que de la création d’emplois et de dynamiques dans nos territoires. Et c’est encore une fois malheureusement l’urgence qui nous pousse à demander un changement profond de la stratégie agricole nationale. Une stratégie qui ne verrait pas l’agriculture uniquement à l’aune des chiffres de la balance du commerce extérieur !

 

Le contexte est grave : l’ONU vient en effet d’annoncer une crise alimentaire mondiale majeure pour 2013, due à une conjonction de phénomènes climatiques ayant entraîné des baisses de productions notamment dans certains pays exportateurs de produits de base, et de spéculation sur les marchés des céréales; la crise alimentaire mondiale n’est donc pas un scénario d’écologistes catastrophiste : elle est belle et bien devenue réalité ! Selon les dires des experts, nous entrons dans une nouvelle ère de hausse continue des prix alimentaires. Certains vont jusqu’à dire que « la géopolitique de la nourriture éclipse désormais la géopolitique du pétrole ».

 

Cette pénurie de produits de première nécessité et l’augmentation de leur prix va vraisemblablement mener tout droit à de graves troubles dans les pays les plus pauvres. Mais, fait nouveau ou plus impactant étant donné le contexte de mauvaises conjonctures multiples, cette crise alimentaire va également toucher gravement des populations des pays du Nord. Connaissant les menaces qui pèsent sur le Programme Européen d’Aide Alimentaire qui permettait jusqu’alors à nombre d’associations caritatives de se fournir en denrées de première nécessité, l’inquiétude est de mise.

 

Mais il ne s’agit pas ici de produire n’importe comment. L’agriculture industrielle et son interdépendance avec la spéculation a montré ses limites, puisqu’elle ne parvient pas à nourrir équitablement la population mondiale.

Dans notre région, la situation est préoccupante :

– 60% des agriculteurs partiront à la retraite dans les dix ans à venir ; et la transmission de leur exploitation est rarement préparée.

– on le sait, 80% de la production céréalière part à l’export.

– les différents scénarii tablant sur une redistribution des subventions de la PAC sont forts pessimistes pour la Haute-Normandie, avec une perte de l’ordre de 11 à 26% (selon les clés de répartition) des aides PAC pour les agriculteurs.

– la Haute-Normandie détient le triste record d’être l’une des régions les plus consommatrices de pesticides en France.

De fait, la qualité de nos sols, des eaux et la santé de nos concitoyens est en jeu (l’exemple de Bolbec nous interpelle).

 

Comment pouvons-nous dès lors tolérer ici même, en région, l’irresponsabilité de leaders d’instance agricoles faisant fi des mesures environnementales (notamment de la « directive nitrates »), alors que leur stratégie n’a pour but que de protéger les intérêts des producteurs les plus importants (ceux qui produisent notamment du blé pour l’exportation et ne se soucient guère de cultures vivrières), au détriment des moyens ou petits agriculteurs. Pourtant le changement est réalisable : un accompagnement technique adapté peut mener les agriculteurs vers des modes de productions respectueux de l’environnement, les plus susceptibles, à terme, d’assurer la viabilité économique de leur exploitation sans perfusion constante de fonds publics.

 

Vous l’aurez compris, pour recréer de l’emploi et de la dynamique dans les territoires, la promotion d’autres formes d’économies locales et la restructuration de filières est un passage obligé. Imaginez un instant que chaque commune de Haute-Normandie héberge ne serait-ce qu’une une ferme de cultures vivrières : c’est, a minima, 1420 emplois directs et autant d’indirects qui seraient créés. La tâche est d’ampleur, mais si une simple violette a réussi à déterminer une route, comment imaginer qu’ensemble nous n’y parviendrons pas.

 

Cependant l’orientation d’une économie aux prérogatives sociales et environnementales ne pourra se faire sans un acte III de la décentralisation ambitieux.

La réforme des collectivités en cours doit, entre autres ambitions, assurer l’autonomie financière des régions (par une réforme fiscale) et leur permettre de gérer directement les fonds européens (FEDER, FSE ET PAC). L’utilisation de la Banque Publique d’Investissement doit se faire réellement au service de la transition écologique. Il est souhaitable également d’adopter de nouveaux indicateurs de richesse pour répondre à l’objectif de transition écologique de l’économie : richesse liée à la biodiversité, à l’efficacité énergétique…

 

Ce qu’il faut, c’est garantir davantage d’efficacité et de clarté de l’action publique, d’égalité des territoires et de démocratie locale dont les piliers doivent être le scrutin de liste à la proportionnelle et le non-cumul des mandats.

Si les objectifs sont ambitieux, les premiers échos sont, eux, un peu décevants. Mais nous restons plus que jamais mobilisés.

 

Pour télécharger cette intervention en pdf c’est ici.

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