Budget primitif 2013 – Agriculture par Claude Taleb

Séance 10-12-2012_EELV-CRHN

Le VP à l’Agriculture chargé de rapporter ce budget est partagé entre l’espoir et l’ambition qui sont de mise lorsqu’on assume cette responsabilité dans notre belle région normande et les inquiétudes relatives à certaines tendances de fond qui fragilisent une grande partie des exploitations.

 

Il n’est pas facile de convaincre la profession de l’impérieuse nécessité de défendre l’élevage et les prairies, pour des raisons autant économiques qu’écologiques, quand la tonne de blé qui se monnayait à 80/90 € sur les marchés mondiaux en 2005, s’écoule aujourd’hui, pour des raisons liées à la spéculation qui affecte les grands marchés de l’alimentaire, à près de 250 €.

Ce n’est pas facile et c’est même vain dès lors qu’une partie de ceux qui tiennent les rênes de la profession sont invariablement bénéficiaires de ces cours et aussi de primes PAC qui sont déconnectées des prix, et payées à l’hectare sans aucun plafonnement.

80% des aides PAC vont à 20% des agriculteurs.

Cette réalité est anti-économique et pourvoyeuse d’inégalités. Il n’est pas certain que la prochaine réforme de la PAC change ces déséquilibres.

Ces privilèges, ces niches fiscales anti-économiques, anti-écologiques, ont toutes les chances de perdurer et passer entre les gouttes, au motif sinon qu’en période de renégociation de la PAC, l’union sacrée est requise pour préserver l’enveloppe totale, les quelques 9 milliards, 20% du montant total, dont la France est bénéficiaire.

 

Une autre difficulté majeure à laquelle nous nous heurtons dans la mise en œuvre de nos politiques de durabilité est la résistance d’arrière-garde qui est menée afin de retarder ou empêcher la mise en œuvre de la directive nitrates dans nos territoires. Alors que l’eutrophisation des nos cours d’eau et de nos rivières est un problème écologique et de santé publique établi par toutes les autorités compétentes en la matière, on assiste aujourd’hui à une concurrence délétère entre certains courants syndicaux qui revendiquent, au risque de faire condamner la France à de lourdes amendes, les uns, un moratoire sur l’extension des zones vulnérables alors que celles-ci doivent être révisées tous les 5 ans, à l’échéance du 31 décembre 2012, les autres, qui militent pour… l’abrogation de la directive en dénonçant la grande imposture de la pollution causée par les nitrates !

Il n’est pas nécessaire de s’étendre ici sur les conséquences extrêmement lourdes de telles postures… sur, pêle-mêle, la ressource en eau, la faune aquatique et… la ressource halieutique qui se renouvelle en Baie de Seine, sur notre santé à tous et, évidemment, sur les finances publiques de toutes les collectivités appelées à payer les dépenses de dépollution…

 

Heureusement, le paysage de l’agriculture régionale ne saurait se résumer à ces sombres mais nécessaires constats.

 

Un nombre croissant d’exploitants agricoles, installés, nouveaux installés, de plus en plus nombreux, pratiquent et défendent une mutation vers des modes à la fois plus respectueux de l’environnement, plus producteurs de produits de qualité à destination des marchés locaux, plus créateurs de valeur ajoutée, plus porteurs d’emplois agricoles…

 

L’agriculture biologique régionale a connu sa troisième année de croissance à deux chiffres. Des initiatives multiples sont en cours pour élargir l’offre de produits des terroirs locaux.

Les actions de la Région sont et seront demain plus encore exclusivement destinées à soutenir ces efforts et cette indispensable mutation :

  • Pour l’installation de producteurs engagés sur les cahiers des charges de l’agriculture durable et de l’agriculture biologique ;
  • Pour aider les élevages et rendre leurs modèles économiques plus robustes par la diminution des consommations et des coûts d’énergie et une autonomie alimentaire retrouvée ;
  • Pour accompagner les démarches de progrès dans les usages de produits fertilisants et phytosanitaires ;
  • Pour soutenir les démarches qualité et la structuration de filières régionales courtes.

 

Parmi les démarches nouvelles ou en voie de consolidation, je soulignerai :

  • Les soutiens déjà apportés ou futurs, aux initiatives privées et publiques en vue d’installations collectives de maraîchage biologique.
  • Une réflexion en cours, avec la SAFER, le GRABHN et Terre de Liens, sur des modalités d’un portage foncier adapté destiné à maintenir et convertir de nouvelles terres en bio ;
  • Le soutien, via l’Appel à Projets Energies, à la mise en place d’unités de valorisation des effluents agricoles par méthanisation. A l’issue d’une réflexion partenariale avec les acteurs concernés, et avec le soutien expert de l’Ademe, de Nov&Atech et de la filière Energies, nous avions élaboré un « cahier des charges » qui conditionne nos soutiens à l’efficacité énergétique des installations en lien avec les besoins propres des exploitations et/ou de réseaux de chaleurs existant en proximité, à des rayons d’approvisionnement de matières réduits, et, pour préserver la fonction alimentaire de l’agriculture, à l’exclusion de tout apport de matières issues de cultures dédiées.

 

La démarche de notre collectivité est une démarche de dialogue inclusif avec tous les acteurs professionnels, dans le cadre de ces orientations. La Région engagera dans les prochaines semaines, la négociation de contrats d’objectifs triennaux avec la Chambre régionale d’Agriculture, Le GRABHN et Interbio, les Défis ruraux, Terre de liens, dans le but d’élaborer des projets stratégiques partagés et avec l’exigence du respect mutuel des engagements.

 

L’année 2013 verra probablement une évolution sensible des responsabilités affectées, ou non, aux Régions en matière de développement agricole.

Cela dépendra notamment de l’acte III de la décentralisation et des modalités d’exercice de l’autorité de gestion annoncée des fonds FEADER.

Nous reparlerons dans un an de la suite au vu, également, de là ou sera mise le curseur de ce qu’on appelle le « verdissement » de la PAC…

Espérons que nous aurons alors l’opportunité de développer de nouvelles ambitions pour un modèle de « ferme normande » qui est aujourd’hui mis à mal.

 

Je souhaite pour conclure, saluer le travail accompli par mes collègues et compères Perrine Hervé-Gruyer et Valérie Auvray qui prennent une part très active à la popularisation des positions de la Région en matière d’agriculture bio, d’enseignement et de formation agricole, de développement de la qualité alimentaire et des circuits courts.

 

 

Pour télécharger cette intervention en pdf, c’est ici.

 

 

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