Contribution du groupe Europe Ecologie Alsace Plan de Protection de l’Atmosphère
Pour retrouver un résumé des mesures
Le groupe EEA ne partage pas la proposition de l’exécutif régional de donner un avis favorable avec réserves sur le PPA de Strasbourg. Il faudrait plutôt émettre clairement un avis défavorable car manifestement :
- ce PPA n’est pas, en l’état actuel, à la hauteur des enjeux,
- il réduit ses ambitions au regard du précédent PPA, alors qu’il aurait dû le renforcer,
- il n’a pas encore atteint un niveau d’avancement qui permette de formuler des mesures précises déterminantes,
- enfin, il paraît impossible qu’il passe le cap des exigences européennes (pour rappel, sur 16 PPA français, seul celui de Strasbourg n’avait pas été retoqué : un report d’application des valeurs limites lui avait été concédé parce qu’il prévoyait des limitations d’urbanisation dans les zones où l’air est le plus détérioré).
Le précédent PPA de 2008 n’a pas atteint ses objectifs (respect des valeurs limite pour l’année 2010): il y a eu certes des progrès pour le dioxyde de soufre ou le benzène, le dispositif de connaissance des émissions et des concentrations a encore progressé, mais il n’y a pas eu d’amélioration suffisante de la situation. L’agglomération de Strasbourg souffre toujours de dépassements des valeurs limites pour les particules et le dioxyde d’azote (même si les émissions se stabilisent voire régressent légèrement, la tendance ne permet absolument pas d’atteindre les résultats visés).
Ce PPA précédent a connu une élaboration poussive, une durée de vie très courte et un pilotage insatisfaisant : il faudra donc que le nouveau PPA soit conduit et suivi dans les conditions voulues et annoncées par la disposition 15 (présentation annuelle des réalisations et de leurs impacts au CODERST et à la commission de suivi du PPA afin de permettre réactivité, réorientation et renforcement). C’est nécessaire si on ne veut pas, par exemple, se trouver dans quelques années à constater à nouveau que la mesure sur les chaudières bois énergie est restée lettre morte, ou que les mises en place de limitations de vitesse sur le réseau des voies rapides ne s’est pas fait au rythme et avec l’efficacité envisagés.
Nous savons bien que tout n’est pas possible, que la problématique de la qualité de l’air est complexe et qu’il faudra bien plus que les dispositions d’un PPA pour y remédier. Les experts nous disent en effet qu’il n’existe pas de concentration de polluant en dessous de laquelle aucun impact sanitaire n’est observé : les dégâts sanitaires commencent dès les faibles doses. Autrement dit, l’exposition chronique au long cours a plus d’impact sanitaire que les épisodes ponctuels de « pics ».
Nous savons bien que l’exercice des PPA est limité. Les mesures PPA n’agissent que sur les émissions, alors que l’articulation entre les émissions locales de polluants et les concentrations mesurées est loin d’être linéaire. Toutes les estimations d’impacts des mesures PPA sur les concentrations futures sont donc extrêmement fragiles.
Ainsi pour les particules, il y a une part conséquente d’apports régionaux et internationaux (près de 75%). Ce sont sur de grandes distances des nuages qui se déplacent. Il y a notamment des dépassements printaniers dus aux activités agricoles à l’échelle nationale et européenne (il s’agit de nuages de nitrate d’ammonium issu des fertilisants). Au total, lors des pics de particules, de l’ordre de 70 à 90% des concentrations ne relève pas des émissions de l’agglomération strasbourgeoise.
Ainsi la pollution à l’ozone se joue à l’échelle régionale voire souvent continentale. D’ailleurs, d’une certaine façon, la pollution locale contribue à réduire l’ozone localement puisque le monoxyde d’azote de nos voitures et de nos camions piège l’ozone.
Ces problématiques ne peuvent être cependant prétextes à un relâchement des efforts de protection de l’atmosphère.
Ainsi, nous ne partageons pas l’option stratégique qui consiste à admettre qu’il faut reporter au-delà de 2020 des objectifs qu’on envisageait d’atteindre en 2010. S’il est certes hors de portée dans l’immédiat de mettre la totalité de la population strasbourgeoise à l’abri des dépassements des valeurs limites de qualité de l’air, on ne peut pour autant se cantonner à l’intention vague et non chiffrée d’amélioration progressive.
Le projet de PPA envisage des démarches, annoncent des études d’aide à la décision, mais ne fixe pas encore véritablement des mesures d’amélioration concrète permettant d’avancer le plus rapidement possible vers un respect des normes de qualité de l’air.
Ainsi, il faudrait, si l’on veut effectivement passer sous les valeurs limite à l’horizon 2020, décrire les pistes permettant de diviser par 2 d’ici là les émissions du trafic routier en dioxydes d’azote et en particules. C’est une chose de juger cela irréaliste à brève échéance, cela n’exonère pas pour autant d’y travailler résolument. Cela passera à la fois par des actions de réductions fortes du trafic, un basculement très important vers les transports collectifs et par des limitations effectives et différenciées de vitesse (selon le type de véhicule) et par des améliorations technologiques des motorisations (notamment la « dédiélisation » du parc).
Il est important de ne pas contrecarrer les efforts pour enrayer l’étalement urbain et l’artificialisation de notre territoire : il s’agit donc, dans la ville, notamment sur l’axe de l’avenue du Rhin, de conduire la densification urbaine en cours tout en s’assurant de la prise en compte des impératifs de baisse de la pollution, afin de ne pas augmenter le nombre d’habitants exposés au dépassement des normes de qualité de l’air.
Le groupe EEA déplore que la majorité régionale fige sa réflexion dans un regret du GCO dorénavant présenté comme la clé de la qualité de l’air pour Strasbourg. Cet argumentaire ne tient pas sérieusement. En effet, au vue de l’étude sur les incidences des baisses de trafic et d’émission sur la quantité de population exposée, on comprend qu’il faudrait une baisse conséquente du trafic routier et des émissions pour arriver à des résultats intéressants : cela montre donc le caractère particulièrement décalé et largement hors-sujet de la polémique sur le GCO. Celui-ci n’aurait concerné qu’entre 4 et 10% du trafic actuel, et l’impact de diminution des populations exposées à proximité aurait été négligeable au regard des ordres de grandeur du problème sanitaire. L’étude ASPA estime l’impact sur les concentrations d’une diminution des émissions par tranche de 20 à 25% : le GCO, selon même ces partisans les plus chauds, n’entrainerait absolument pas à Strasbourg de diminution de cet ordre. Ce qu’il faut c’est une action très vigoureuse de réduction des trafics routiers particulièrement là où axes importants et densité de population voisinent.
Le PPA dans son état d’aujourd’hui permet d’apprécier ses enjeux, il n’a pas tout à fait encore la stratégie nécessaire pour y répondre et ses mesures ne sont pas arrivées à maturité. S’il s’agit de juste reprendre les mesures immédiates du PDU de la CUS, c’est bien certes, mais quelle est alors la plus-value du PPA ? Des dispositions du PPA qui touchent à des enjeux essentiels, les 2, 3, 4 et 1 (poids lourds, restrictions dans certaines zones, avenue du Rhin, impacts des grands projets) sont encore des intentions imprécises, elles sont conditionnées par des études de faisabilité et d’aide à la décision qui restent à réaliser. Enfin, la dimension transfrontalière des enjeux de la qualité de l’air nous parait insuffisamment travaillée au stade de cet avant-projet.
Nous proposons donc de profiter du nouveau contexte qu’ouvre la conférence environnementale pour reprendre et renforcer ce PPA.
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