30 mars 2012 – aéroport de Strasbourg / Entzheim –
Intervention de Jacques Fernique
Monsieur le Président, chers collègues,
Oui, Strasbourg a besoin d’une desserte aéroportuaire, un aéroport justement calibré et adapté à sa vocation européenne, un aéroport intégré au réseau des 12 autres aéroports existants à 240 km autour de Strasbourg l’Européenne.
Non, nous ne considérons pas comme un drame le transfert modal de voyageurs qui ont abandonné l’avion pour le TGV. Nous ne voulons en rien revenir en arrière. Certes, nous ne sommes pas, vous le savez, des adeptes du TGV à n’importe quel prix et dans n’importe quelles conditions : mais nous savons combien il est bien préférable à l’avion pour les trajets de moyennes distances.
Oui, sur les fronts de l’énergie et du climat, ce transfert modal est une excellente évolution.
Oui, nous avons pris, nous, au sérieux, les engagements du Grenelle de l’Environnement, oui nous attendons la taxe sur le kérosène augmentant le prix des trajets aériens desservis par une ligne ferroviaire à grande vitesse : ce texte du Grenelle, validé par le gouvernement, les entreprises, les syndicats, les associations, les collectivités, citait explicitement le trajet Paris-Strasbourg et le trajet Paris- Londres pour cette taxe annoncée sur le kérosène. Oh c’était un autre temps, celui où la perspective d’une hausse de 2° de la température planétaire ébranlait les décideurs. Et bien, nous, nous ne renonçons pas et nous n’oublions pas que le Grenelle entendait « supprimer toute forme de subventions publiques destinées à attirer les compagnies à bas coûts » : ces low-cost dont le coût environnemental est désastreux et qui pèsent tant dans l’augmentation si rapide des émissions des gaz à effet de serre du secteur aérien.
Alors, bien sûr, on ne peut ignorer les conséquences en termes d’emplois et la plate-forme d’Entzheim est en mauvaise passe depuis des années. Il nous faut donc travailler la transition sociale. Les personnels de l’aéroport ont droit à un langage de vérité et d’anticipation, ils ont droit à un contrat « sécurité de l’emploi, formation, reconversion ».
Bien sûr les distorsions de taxes et de redevances dans notre espace frontalier sont particulièrement perturbatrices : nous sommes résolument européens et sommes persuadés que c’est ce bon niveau européen, plutôt que des bricolages locaux, qu’il faut actionner pour y mettre de l’ordre. Et c’est d’ailleurs bien la résolution de la feuille de route de la Commission Européenne, le livre blanc de 2011, je cite en vrac : « éliminer les distorsions fiscales, y compris les subventions préjudiciables ; remanier les tarifs et les taxes pour que la charge globale supportée par le secteur reflète le coût total du transport, y compris les coûts d’infrastructure et les coûts externes, notamment environnementaux ; établir le cadre juridique et financier permettant de soutenir la politique du Ciel unique européen ; mettre en place, et cela nous concerne directement dans notre espace frontalier, un cadre de coopération permettant d’étendre à nos voisins immédiats, par exemple la Suisse, notre politique ; faire en sorte que pour 2050 la majeure partie du trafic de passagers à moyenne distance s’effectue par le train ». Voilà la feuille de route européenne : le moins qu’on puisse dire, c’est que votre plan de relance n’est pas tout à fait européen.
Alors non, nous ne comprenons pas pourquoi la Région verserait plus de 2 millions d’ici 2015 pour mener la bagarre du dumping fiscal entre aéroports du même espace transfrontalier : ce n’est aucunement de sa compétence (j’entends encore Hubert Haenel nous assurer que, à de nombreuses reprises, que dès que possible, la Région concentrerait ces moyens sur sa seule compétence ferroviaire, où nous avons tant fait et où il reste encore tant à faire).
Non, nous n’admettons pas que la Région soit la principale, et d’ailleurs la seule vraiment perdante, de ce dispositif : alors que l’affaire serait à coût constant pour le Conseil Général, la CUS et la CCI puisqu’ils verraient se réduire parallèlement leur contribution financière aux lignes en obligation de service public, rien de tel pour la Région puisqu’elle ne contribue pas aux financements de ces lignes. Autrement dit, les 420 000 euros dès cette année et si je calcule bien les 2 millions 250 000 en tout jusqu’en 2015 seront totalement pour nous des dépenses supplémentaires.
Oui, nous avions bien lu votre budget transports pour 2012 : nous n’y avions pas trouvé trace du début du commencement de l’annonce de cette possible dépense. Au contraire, vous y parliez je vous cite « d’avoir une approche ciblée, sans encourager ni servir de catalyseur au développement des trafics » (des trafics que vous voudriez contribuer à doubler en injectant plus de 2 millions d’ici 2015). Et, toujours dans votre document budgétaire 2012, vous parliez, je cite toujours, de ne traiter pour l’aérien que « les trafics pour lesquels ce mode est encore indispensable et sans alternative, c'est-à-dire les trafics aériens de longue distance non concurrents du TGV ». S’il y a longue distance, c’est celle qui sépare vos principes annoncés et votre vote d’aujourd’hui.
Oh certes, on nous avait laissé entendre qu’il y aurait un plan d’action en 2012 pour l’aéroport de Strasbourg. Mais qui aurait pu deviner qu’il serait aux antipodes de la stratégie qu’annonçait votre autre rapport, celui que nous avons adopté il y a un an au moment de la création de la Société d’Exploitation Aéroportuaire ? A l’époque, on ne parlait pas de la nécessité absolue de retrouver un trafic de deux millions de passagers annuels permettant à la plateforme de fonctionner de façon économiquement efficace et rationnelle. Et non, on s’appuyait au contraire sur le scénario bas (stagnation du trafic à 1M de passagers en 2020), scénario élaboré par le gestionnaire de l’aéroport lui-même. « Ce scénario est viable financièrement » écriviez-vous il y a trois mois. Et quand vous évoquiez la participation de la Région, c’était pour affirmer que la Région Alsace ne devrait plus dorénavant être sollicitée.
Alors non, nous ne pouvons pas accepter de naviguer à vue en découvrant au dernier moment la nouvelle politique du jour et les nouvelles dépenses, nous ne pouvons pas accepter d’être ballotés ainsi au gré des coups de vent. Sur le front des transports, les enjeux et nos responsabilités nous obligent à la constance politique, à la cohérence et à l’efficacité. Nous vous invitons donc à ne pas participer à ce plan de relance coûteux, illusoire, contraire au Grenelle, contraire aux orientations européennes