Notation extrafinancière de la Région Auvergne - Discours de Lionel Roucan
Par nicole rouaire le mercredi 25 septembre 2013, 11:23 - Voeux, discours, communiqués - Lien permanent
Les agences de notation financière sont trop souvent érigées comme
des références du champ politique.
Pourtant, leur indépendance de jugement, la nature des liens
qu'elles entretiennent avec de puissants acteurs boursiers, leur rôle, leur
fiabilité, la transparence de leurs méthodes, et leurs critères de notation
strictement financiers sont largement sujets à caution, d'où la proposition
d'ailleurs de plusieurs candidats aux élections présidentielles de 2012, d'Eva
Joly notamment, de créer une agence de notation publique
européenne.
Cette agence, transparente et indépendante, aurait bien sûr pour
ambition d'offrir une alternative à l'oligopole des agences de notations
Standard and Poor's, Moody's et Fitch, qui, rappelez-vous, ont très largement
alimenté et exacerbé l'instabilité des marchés dans le monde et dans la zone
euro. L'Affaire ENRON, la crise des sub primes, la crise Grecque, etc. sont
autant d'exemples peu réjouissants que nous devons garder constamment à
l'esprit, car c'est bel et bien aux politiques, élus par les citoyens, qu'il
revient de décider. C'est bien de leur responsabilité de voir uniquement dans
le travail des agences de notation une simple aide à la décision, et non un
pendule aux vertus prophétiques.
A l’instar du PIB, les notations financières n’intègrent aucun critère
environnemental ou social, et elles ne constituent donc en aucun cas le
résultat d’une évaluation globale. Par conséquent, la pertinence de leurs
conclusions ne peut pas nous satisfaire car il est indispensable d'avoir
recours à des éléments extra-financiers pour juger objectivement l'action
publique.
Voilà pourquoi le Conseil régional d'Auvergne a dans un premier temps engagé
un important travail d'évaluation autour du rapport de développement humain et
durable l'an dernier, un travail transversal qui a permis véritablement de
réaliser une dissection économique, sociale et environnementale de nos
orientations, de nos actions et de notre fonctionnement.
Voilà pourquoi également, le Conseil régional a souhaité ponctuer cette démarche par une notation extra-financière cette année, car la notation financière attribuée par Standard and Poors ne peut pas, ne doit pas, être l'alpha et l'oméga de nos orientations et de nos politiques.
La méthodologie
Pour établir la notation extra-financière de la Région Auvergne, un cabinet d'étude a été recruté pour travailler en étroite relation avec les services de la Région, ses élus et ses partenaires. Le cabinet retenu, FINEXFI, a alors utilisé comme base de travail un référentiel national, ministériel, à savoir le référentiel pour l’évaluation des projets territoriaux de développement durable, dont l’élaboration a été pilotée par le Commissariat général au développement durable.
Ce n'est pas la Région qui a construit son propre référentiel pour se tirer des louanges, j'insiste là-dessus, mais c'est bien à partir d'une grille d'analyse nationale, construite par les services du Ministère de l'environnement et du développement durable que nous avons travaillé.
Ce référentiel consiste à évaluer les politiques et les pratiques des
collectivités au regard :
=> de 5 finalités :
- Lutte contre le changement climatique et protection de l’atmosphère,
- Préservation de la biodiversité, protection des milieux et des
ressources,
- Épanouissement de tous les êtres humains,
- Cohésion sociale et solidarité entre territoires et entre générations,
- Dynamique de développement suivant des modes de production et de consommation
responsables
=> et de 5 éléments de démarche, de méthode dans le
fonctionnement du Conseil régional :
- Participation de la population et des acteurs,
- Organisation du pilotage,
- Transversalité de la démarche,
- Évaluation,
- Stratégie d’amélioration continue
Ce référentiel national bénéficie d’une personnalisation par l’ajout de
références et d’indicateurs propres à la Région Auvergne. Il fait également
l’objet :
- d’une pondération globale (prise en compte des 5 finalités pour 50 % de la
note et intégration des 5 éléments déterminants de la démarche pour 50 % de la
note)
- et d’une pondération aux finalités du développement durable en fonction de leur adéquation aux enjeux du territoire régional, de leur déclinaison possible dans les programmes régionaux, de leur caractère obligatoire ou non et de leur budget alloué.
La notation
La notation finale est la moyenne des 10 notes intermédiaires (une pour
chacune des 5 finalités et une pour chaque élément déterminant de la démarche).
Elle est présentée sur 100 et également sous une forme lettrée afin de
correspondre aux échelles utilisées par les différentes agences de notation
financière et extra- financière.
Bilan des courses: le Conseil Régional d'Auvergne obtient une note
globale de 70,4 / 100, ou plus simplement de 14 / 20.
Mais plus que la note, que faut-il vraiment retenir de cet exercice, qui sera reconduit l'année prochaine ?
Les enseignements
Parmi les points positifs soulevés dans le cadre de cette notation
extra-financière, on peut notamment retenir :
- que de nombreux programmes régionaux concourent à l'épanouissement des
Auvergnats
- que notre collectivité est bien engagée dans la lutte contre la précarité
et l'exclusion,
- qu'elle a su se mobiliser afin d'inciter des pratiques de production et de
consommation responsables,
- qu'elle est particulièrement impliquée dans la protection des espaces et
des paysages,
- qu'elle a entamé un travail important d'évaluation et d'autocritique
autour de ses orientations et de ses dispositifs,
- enfin, en matière de gouvernance, de concertation et de participation du
public, le rapport met en évidence que les partenaires du Conseil régional sont
bien impliqués en amont des projets.
Parce que tout ne peut pas être positif, et que ce rapport n'avait pas pour objectif de faire l'éloge de l'action et du fonctionnement de notre collectivité, permettez-moi désormais d'en venir aux marges de progrès, aux points de vigilance, identifiés dans le cadre de cette notation extra-financière.
Je crois que nous pouvons classer ces écueils en deux grandes
catégories :
- premièrement, le manque de transversalité, d'analyse et d'évaluation
multicritères dans nos prises de décisions. Si cette transversalité est de plus
en plus recherchée, nous n’échappons pas au quotidien à l’analyse et au
traitement sectoriel des dossiers et des enjeux.
- et deuxièmement, la difficulté de notre collectivité à généraliser
systématiquement une large concertation, à tenir compte de l'avis de toutes les
parties prenantes, et à communiquer sur les raisons de ses arbitrages. Il
ressort effectivement que nous avons besoin de co-construire davantage nos
politiques et de mieux communiquer sur nos méthodes et nos critères de
décisions.
Si nos partenaires sont souvent impliqués en amont des projets, lors de la
définition des orientations stratégiques, ils le sont beaucoup moins lorsqu'il
s'agit d'élaborer concrètement des plans d'actions et notre collectivité peine
à leur montrer que leur participation a été utile et intégrée dans les prises
de décision. Nous avons un devoir de communication important à ce
niveau-là.
D'autre part, la notation extra-financière fait également le constat
que les agents travaillant dans nos services pourraient également être
davantage impliqués dans le projet régional, même si plusieurs
rencontres ou initiatives sont déjà en place autour de l'Acte III de la
décentralisation par exemple, de l'Hôtel de Région et du Plan de déplacement
régional. Leurs voix et leurs avis doivent aussi compter davantage dans nos
réflexions. J'en profite d'ailleurs pour les remercier de leur participation
active à l'élaboration de ce rapport.
Enfin, en matière de communication, il semble judicieux d’après le rapport que la Région l’élargisse sur des politiques fortes et multipartenaires qu'elle ne met pas suffisamment en avant, et qui sont de fait trop méconnues du grand public : sa politique en matière de tourisme, d'économie sociale et solidaire, de protection de l'environnement, ses actions en faveur de la promotion et de l'accès de tous à la culture, etc. Il s'agit là d'actions concrètes, de terrain, renforcées par une animation territoriale qu'il convient d'inciter toujours plus, et la Région pourrait davantage en faire part aux Auvergnats.
En conclusion, Monsieur le Président, mes chers collègues, s'il y a bien une chose à retenir de ce rapport, c'est que notre collectivité dispose des fondamentaux d'une démarche de développement durable, que sa capacité d'amélioration est bonne, si tant est que l'implication politique en faveur du développement durable soit collective et poursuivie, si tant est que nous poursuivions nos efforts de co-construction de nos politiques et notre recherche de transversalité, si tant est enfin que notre manière de communiquer soit plus pédagogue et plus ouverte.
L'intérêt d'un tel rapport, vous venez de le voir, c'est de s'interroger en permanence et d'évaluer, d'objectiver toutes nos politiques, toutes nos orientations à l'aide de critères extra-financiers. Un travail primordial, d'autant plus à l'approche des premières discussions budgétaires, un travail global, critique, qui reflète la réalité de notre fonctionnement et l'intérêt de nos politiques au-delà du prisme des critères financiers et budgétaires, bref, un travail qui permet de prendre du recul, d'ouvrir les débats et le champs des possibles, autrement dit un travail que les agences de notation financière sont incapables de faire, et peut-être même de comprendre !