Défragmenter la société
Pour qu’un groupe humain fonctionne bien, il lui faut des objectifs communs, de la fluidité et de la compréhension dans les relations interpersonnelles, et la reconnaissance de la contribution de
chacun. C’est loin d’être le cas de notre société, bloquée par des antagonismes sociaux et culturels, où l’on cultive l’entre soi comme un précieux jardin. La récente visite d’un EHPAD par le candidat Fillon en fut un exemple caricatural : aucune empathie, aucune compréhension du mal être du personnel dévoué quotidiennement aux patients. Comment trouver de bonnes solutions si on ne comprend pas les problèmes ?
Chacun imagine l’autre mieux loti, alors que presque toutes les catégories sont confrontées à des difficultés mal reconnues :
- L’employé du secteur privé, stressé par l’exigence d’une compétitivité toujours plus forte et le risque du chômage, écarté des décisions de l’entreprise
- Le chef de TPE à la maigre couverture sociale, mettant en jeu son patrimoine personnel comme garantie bancaire, travaillant sans compter ses heures
- L’enseignant dénigré, qui passe autant de temps en préparation de cours et corrections qu’en face des élèves, qui doit faire face à une démobilisation de ces élèves à cause d’une pédagogie inefficace pour trop d’entre eux et d’un contexte social et culturel dégradé
- Le fonctionnaire qui a vu depuis des années son pouvoir d’achat fondre, des perspectives de carrières limitées, une hiérarchie anonyme au management illisible
- Le demandeur d’asile, déraciné, exposé à la haine de certains
- Le travailleur indépendant, asservi à la variation de son volume d’activité, socialement mal protégé malgré d’importantes cotisations
- Le chômeur, qui accumule les réponses négatives à ses demandes d’emploi, et désespère
- L’étudiant, avec la pénurie de logements abordables, son stress dans la compétition, ses difficultés financières qui l’amènent à emprunter pour payer ses études
- Le retraité dont le niveau de sa pension ne lui permet pas de vivre
- Le paysan, déboussolé par des cours volatiles et des subventions incompréhensibles, à qui il arrive de travailler à perte
- …et tous les autres
Pour faire de la diversité une richesse et un ingrédient de notre unité il faut commencer par être curieux de l’autre, se mettre à sa place.
Ensuite, comme législateur, il faut mettre en place les outils du ciment de la société : une sécurité sociale généralisée, un régime de retraite unique progressivement mis en place, la confortation de
l’enseignement de l’économie en classe de seconde pour comprendre le contexte du monde du travail, la juste répartition des fruits et des efforts du travail, une école gratuite et garante de la
diversité, la participation des employés à la gestion de l’entreprise, une culture abordable et accessible sur tout le territoire…
Les égoïsmes catégoriels peuvent aussi être dépassés par la compréhension qu’un monde meilleur est un monde où il fait bon vivre ensemble, où toutes les voix comptent. Que nous avons devant
nous l’enjeu fédérateur d’inventer des solutions pour faire face aux défis des décennies à venir : le réchauffement climatique, l’effondrement de la biodiversité, la raréfaction des ressources, la révolution du travail. Le XXème siècle a été le temps de la compétition. Le XXIème siècle doit être celui de la coopération, pour une Terre plus belle, un monde plus juste.