Rencontre avec Valérie Cabanes, porte parole du mouvement citoyen mondial End Ecocide on Earth
La rencontre a eu lieu en marge des Rencontres Internationales de Résistance aux OGM qui se sont déroulées à Lorient du 28 au 29 Avril 2017. Valérie Cabanes y est venu pour parler du combat qu’elle porte depuis plusieurs années déjà : faire reconnaître le crime d’Ecocide devant la Cour Pénale Internationale.
Valérie Cabanes est juriste en Droit International spécialisée dans les Droits de l’Homme et le Droit humanitaire. Elle a passé plusieurs années à diriger des programmes internationaux dans le domaine des droits humains, de la santé, des femmes et des enfants exploités et victimes de violence, des enfants de la rue et des réfugiés. Ces expériences l’ont convaincue que la guerre et la pauvreté sont intimement liées à la surexploitation des ressources terrestres.
Entre 2006 et 2009 dans le cadre d’une thèse d’anthropologie juridique, elle se retrouve au contact d’un peuple amérindien au Québec puis, en 2010, en Amazonie avec la tribu Kayapo et son célèbre chef Raoni. Ces deux peuples autochtones bataillent contre des projets de réalisation de barrages hydroélectriques. Valérie prend fait et cause pour ces peuples et leurs combats en leur apportant un soutien juridique.
Elle a pu constater que les modes de vie des peuples autochtones sont les plus à même de préserver la planète. Ils savent répondre à leurs besoins en exploitant les ressources sans jamais les épuiser car ils se reconnaissent eux-mêmes comme un simple maillon de la chaîne de vie. Elle a également constaté que les droits internationaux ne permettaient pas une efficace protection des espaces naturels et des écosystèmes associés.
Elle se lance alors dans le combat pour faire reconnaître la notion d’Ecocide. L’écocide c’est tuer notre maison commune, celle qui rend notre vie possible. Ce terme a été utilisé pour la première fois pour qualifier la guerre du Vietnam et l’épandage de défoliant, l’«agent orange», par l’armée américaine sur les forêts vietnamiennes. Des manifestations avaient alors eu lieu aux États-Unis pour que l’écocide soit reconnu comme un crime contre la paix. Mais les tentatives ont toujours échoué, notamment à cause de la pression d’États comme la France, qui y voyait un risque pour le nucléaire.
En 2012, Valérie participe au lancement d’une initiative citoyenne européenne proposant une directive européenne sur le crime d’écocide, cette initiative soutenue par des eurodéputés écologistes a eu un certain succès, particulièrement en France mais sans atteindre le nombre de signatures suffisant permettant de l’imposer à l’agenda européen. En 2015 elle travaille sur une proposition d’amendements au Statut de la Cour pénale internationale portant sur le crime d’écocide. Elle a participé à l’organisation de deux tribunaux citoyens, l’un portant sur les droits de la nature durant la COP21 avec NatureRights et la Global Alliance for the rights of nature, l’autre sur les activités de Monsanto à la Haye en octobre 2016 avec The Monsanto Tribunal Foundation.
Actuellement un ensemble d’actions et de conjonctions de décisions de tribunaux vont dans le bon sens et commencent à permettre de défendre les milieux naturels, les animaux et les hommes qui en dépendent. C’est le cas récemment en Nouvelle Zélande où une rivière a été reconnue comme une entité juridique (avec donc la capacité à attaquer ou se défendre en justice), en Uttarakhand, un état indien, qui a fait de même pour l’ensemble des écosystèmes himalayens sur son territoire et en Colombie pour une rivière.
Par ailleurs, un ensemble de mouvements, individus, ONG œuvrent à des initiatives permettant de défendre une nouvelle hiérarchisation des lois internationales s’inspirant des modes de gouvernance des peuples autochtones : Droit de la nature comme droit souverain, ensuite les droits humains et seulement après le droit des États et le droit privé (l’inverse du fonctionnement actuel).
Lors des rencontres internationales de résistances aux OGM, Valérie a pu rencontrer Blandine Sankara : petite sœur de l’ancien président du Burkina Faso. Le Burkina sous la pression des mouvements citoyens a décidé de rompre son contrat avec Monsanto et a pris conscience que faire valoir le crime d’écocide est une solution pour faire face aux multinationales. Blandine Sankara travaille à organiser une rencontre entre une partie du gouvernement du Burkina, la juge sénégalaise qui a participé au Tribunal Monsanto, des membres de End Ecocide on Earth afin que le Burkina Faso soit le pays qui fasse la demande de porter à l’agenda de la prochaine Assemblée Générale de la Cour Pénale Internationale cette demande de rajouter ce crime à ceux déjà existants (4 actuellement).
C’est donc tout l’intérêt de ce genre de rencontre que de mettre en relation des sociétés civiles du monde entier afin de pouvoir coordonner les actions et permettre de faire bouger les décideurs.
Le politique a un rôle primordial pour faire avancer ces droits afin de rendre efficace le combat contre ceux qui détruisent de la nature. Ce sont les États qui peuvent modifier les réglementations nationales et internationales. Les Verts Français, Européens et Mondiaux se sont engagés à mener la bataille pour faire reconnaître l’Ecocide comme crime à la Cour Pénale Internationale.
Élu, j’agirai pour faire reconnaître ce crime par la France, afin de faciliter, aider, encourager les acteurs, ONG qui agissent en ce sens et afin de permettre à ceux-ci de se mettre en lien pour permettre enfin que ce nouveau droit pour notre planète puisse enfin exister.
Valérie Cabanes a écrit un livre paru en 2016 : « Un nouveau Droit pour la Terre » Collection Anthropocène, Editions du Seuil