La crise de l’eurozone n’est pas seulement une terrible secousse financière et économique. C’est une crise profonde de l’esprit européen qui a souligné les faiblesses et les limites actuelles de la construction européenne : marchandages intergouvernementaux entre égoïsmes nationaux, solidarité formelle et subie plutôt qu’active et réelle ; manque criant de légitimité démocratique…
La question du gouvernement économique de l’Europe est une question hautement démocratique. En l’état, les institutions européennes ont échoué à tracer la voie d’une sortie de crise à l’échelle continentale et ont abandonné l’initiative à des gouvernements dépassés. Trop peu, trop tard, toutes les solutions adoptées ne sont que demi-mesures arrachées à l’urgence et ne font que reculer l’échéance.
Seule une nouvelle formulation du projet européen nous permettra d’être à la hauteur des enjeux. Les écologistes veulent construire une Europe fédérale qui associe les citoyens et permette une véritable solidarité. L’Europe est notre réponse à la mondialisation.
1. Une Europe engagée sur la voie de la transformation écologique et sociale
L’Union européenne doit permettre d’engager notre continent sur la voie d’un nouveau modèle de développement. Il ne s’agit pas de définir les contours à minima d’une stabilité monétaire et financière, mais de mettre en place des politiques communes aptes à faire face aux crises.
C’est pourquoi les écologistes proposent de mettre en place :
- Un Pacte écologique et solidaire qui remplacera le pacte de stabilité et de croissance et les critères de Maastricht qui encadrent aujourd’hui l’économie européenne. Ce PACES engagera l’Union sur l’objectif de la conversion écologique de notre économie et sa transformation sociale. Il se traduira par l’adoption de nouveaux objectifs financiers complétés par des critères sociaux et environnementaux.
- Une Communauté européenne des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique chargée de préparer un futur 100% sobre, efficace et renouvelable, notamment en améliorant l’organisation institutionnelle et le suivi des politiques énergétiques. Cette Communauté remplacera le traité Euratom. Le financement de la recherche sur le nucléaire sera réorienté.
- Une PAC écologique révisée en 2013 qui s’appuiera sur deux principes : la régulation des marchés par une gestion de l’offre et de la demande, et la mise en place de critères environnementaux et sociaux forts pour accéder aux aides. La réorientation des aides favorisera les pratiques agroécologiques et l’accompagnement de la conversion vers l’agriculture biologique. Les aides devront être équitablement réparties et elles devront corriger les différences de soutien entre les zones les plus fertiles et les régions où la pratique agricole est plus difficile. La PAC sera redéfinie pour soutenir la création d’emplois plutôt que la surproduction. Elle devra permettre un rééquilibrage des relations Nord/Sud, notamment en s’appuyant sur le principe de marchés agricoles protégés à l’échelle de grandes régions.
- Un bouclier social européen incluant la mise en place d’un revenu minimum européen et d’un revenu maximum, un socle commun de droits sociaux, un moratoire sur toute nouvelle libéralisation des services publics ou d’intérêt général ainsi qu’une clause de non-régression sociale permettant une harmonisation sociale par le haut.
- Une politique commune de responsabilité sociale des entreprises (RSE) et le renforcement par la loi de la vérification du respect des engagements pris par les entreprises européennes. La consolidation progressive par la loi des avancées en matière sociale et environnementale de ces entreprises est également un gage d’amélioration des pratiques, d’éthique et de transformation des processus de production.
- Sauf accords particuliers, une préférence sociale et environnementale aux frontières de l’Europe sera instaurée. Les produits entrants seront taxés à hauteur de ce qu’ils auraient coûté s’ils avaient respecté les clauses environnementales des Accords multilatéraux sur l’Environnement et les accords de l’Organisation Internationale du Travail. Par ailleurs une TVA 0% sera mise en place sur les produits alimentaires de première nécessité et produits dans la proximité.
2. Une Europe fédérale, démocratique et citoyenne
L’Union européenne, cinquante ans après la constitution du Marché commun, doit franchir un nouveau cap, celui d’une co-souveraineté partagée entre peuples, États et citoyens. Le traité de Lisbonne est aujourd’hui dépassé et les institutions européennes dans leur forme actuelle, ne permettent ni le sursaut fédéral pour faire face aux marchés, ni une véritable appropriation démocratique par les citoyens.
Afin de renouer avec le projet fondateur d’une Europe qui dépasse les frontières et de donner forme à une nouvelle étape du progrès européen, l’Union doit se doter de nouvelles institutions.
Les écologistes proposent :
- Un nouveau processus constituant. Une Assemblée constituante sera élue en 2014 au suffrage universel – en même temps que le Parlement européen – et disposera d’une année pour rédiger une Constitution, validée par un référendum européen, le même jour dans toute l’Union, avec un résultat à la double majorité qualifiée des citoyens et des Etats membres.
- Elle devra doter le Parlement européen d’un droit de co-décision généralisé, d’un droit d’initiative législative ainsi que de l’élection de la Commission européenne et du pouvoir de la renverser à la majorité simple – permettant ainsi un véritable contrôle de l’exécutif par le niveau législatif.
- Le “Conseil de l’Union européenne” (dit des Ministres) sera redéfini comme une véritable seconde chambre représentant les États, ses membres devant être des personnes identifiables par les citoyen-ne-s, dédiées exclusivement à cette mission et siégeant à temps plein. En outre, la réunion des chefs de gouvernemens, dont les décisions sont bridées par la règle de l’unanimité, doit revenir à son rôle d’instance de débat, d’analyse et de prospective de haut niveau.
- Le pouvoir exécutif européen devra être confié, sans ambiguïté, à la Commission rebaptisée Gouvernement européen, élue par le Parlement européen sur une majorité politique claire et respectant le principe de la parité femmes-hommes, les commissaires étant proposés sur la seule base de leurs compétences, sans considération de leur origine nationale. Elle devra aussi être dotée d’une véritable administration de terrain, agissant dans les régions et pas uniquement au niveau fédéral.
- Les deux comités consultatifs européens verront leur légitimité renforcée : les membres du Comité des Régions (CdR) seront désignés au sein des associations nationales d’élus régionaux, tandis que les membres du Comité économique et social européen (CESE) seront désignés par les grandes fédérations européennes syndicales, professionnelles et associatives.
- Une élection transparente et européenne afin de permettre une meilleure lisibilité des institutions européennes, une « transnationalité électorale ». Nous proposons qu’à partir de 2014 un tiers des députés européens soient élus sur la base de listes transnationales, dont les têtes de listes correspondraient aux candidats des partis européens à la présidence de la Commission. Dans l’attente d’un accord européen sur cette réforme, la France devra supprimer le système d’élection par eurorégions et revenir à un mode de scrutin national.
- Une justice qui protège les droits et libertés des citoyens en élargissant leur possibilité de saisine directe. Un Procureur européen sera mis en place. Il visera à faire respecter sur l’ensemble du territoire de l’Union les droits et libertés garantis au niveau européen. Ce pôle de justice sera doté de moyens opérationnels conséquents pour apporter des délais de réponses rapides aux citoyens. Cela s’accompagnera d’un contrôle démocratique et citoyen de l’ensemble des organes de coopération de police et de justice afin de vérifier que ceux-ci respectent bien les libertés publiques et ne contribuent pas à construire une Europe forteresse.
- Un véritable budget et la levée d’un grand emprunt. Le budget de l’UE deviendra un instrument crédible pour la stabilisation des finances et la transformation écologique de l’économie européenne. Cela suppose une réforme radicale du cadre financier pluriannuel. Nous voulons la mise en place d’un système de ressources propres de l’Union pour remplacer les contributions nationales des États membres. Ces ressources propres seraient : une TVA européenne, une taxe européenne aux frontières sur le carbone et un impôt sur les transactions financières. Le budget actuellement inférieur à 1% du RNB continental (et plafonné à 1,24% de ce RNB) verra son montant apprécié au regard des seules nécessités stratégiques du moment, avec pour objectif à court terme d’être porté à 5% du RNB.
- Un impôt afin de financer la solidarité fédérale et accompagné par une harmonisation européenne fiscale rendue possible par l’application du mécanisme de codécision en remplacement de l’unanimité actuellement requise en la matière. Il viendra en substitution de l’essentiel des contributions nationales et aura pour assiette les bénéfices des sociétés multinationales, les revenus financiers, les transactions financières et les activités polluantes (taxe “carbone”, taxe sur les déchets, y compris nucléaires, etc.). Le processus budgétaire devra être rendu transparent et démocratique, associant pleinement le Parlement, notamment en lui donnant le pouvoir de codécider des recettes. Par ailleurs, un grand emprunt européen devra être levé pour financer directement la conversion écologique et garantir la stabilité sociale et la solidarité face à la crise. Nous agissons aussi pour l’introduction d’une assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés pour réduire la concurrence fiscale entre les Etats membres. Il s’agit, pour chaque entreprise présente dans plusieurs États membres, de se conformer à un seul régime fiscal au sein de l’UE pour calculer son résultat imposable, plutôt qu’aux différents régimes propres à chacun des Etats membres dans lesquels l’activité est exercée.
- Une remise à plat du statut de la Banque centrale européenne dans le souci de renforcer son contrôle démocratique et la cohérence de ses interventions. Elle pourra, en cas de tension ou pour financer uniquement des investissements nécessaires à la conversion écologique de l’économie, prêter directement aux États et racheter des bons du trésor national.
- Une solidarité entre États et une garantie de la dette. Comme c’est le cas dans toute fédération politique, la gestion de la monnaie sera revue en étant garantie par un meilleur contrôle du Parlement et avec l’obligation de respecter l’ensemble des objectifs du PACES, et pas seulement des objectifs financiers. L’évolution des règles internes de la Banque sera fixée par la loi européenne et ne demandera pas une révision des traités. Une agence publique de notation européenne sera créée pour évaluer les dettes souveraines. C’est pourquoi nous voulons en outre une mutualisation des dettes par un marché obligataire européen des Eurobonds, et la création d’une Réserve Fédérale Européenne pour les gérer et superviser la convergence fiscale des Etats membres ainsi que la réorganisation de la Commission européenne. Un ministre européen des Finances présidera l’Eurogroupe et sera à la tête d’un groupe de Commissaires responsables de la mise en œuvre de la gouvernance économique au moins pour l’Eurozone. La désindustrialisation européenne n’est pas une fatalité. Nous proposons la création de pôles industriels européens. Ces pôles seront les premiers projets financés par les « Project bonds » – c’est-à-dire avec un financement européen mutuellement garanti et un pilotage supranational.
3. Une Europe solidaire
L’approche nationaliste et sécuritaire des gouvernements conservateurs a enfermé le projet européen dans une vision répressive et repliée sur les frontières. Le cœur du rêve européen doit au contraire dépasser l’étroitesse du cadre national pour donner du souffle à une mondialisation humaine et solidaire. Fidèle à sa vocation initiale, l’Union doit faire naître une Europe de la paix qui agit de manière exemplaire pour une organisation mondiale qui respecte les valeurs et principes humanistes.
La fin de l’Europe forteresse, en sortant de l’ornière du Traité de Schengen, doit permettre une révision complète de la politique de contrôle des frontières. La directive Retour doit être abrogée et l’interdiction de réadmission supprimée.
Il faut fermer les camps de rétention installés aux portes de l’Europe et ouvrir au niveau européen une agence d’accueil aux frontières qui garantisse au contraire l’exercice des droits des migrants. De la même manière, un Office européen du droit d’Asile devra être créé, indépendant administrativement et financièrement, pour veiller à l’application des conventions européennes et internationales relatives à la reconnaissance des réfugiés.
La France ne doit plus participer au dispositif « Frontex » et impulser une renégociation des accords européens dits « Dublin II » afin de permettre aux réfugiés de choisir leur pays d’accueil. L’Union sera un moteur pour faire respecter au niveau mondial les textes et conventions de l’ONU, de l’OIT et de la DUDH et agira pour un monde de paix, pour faire respecter les droits humains en exigeant l’application des clauses dans l’ensemble des accords qu’elle passe avec les pays tiers.
Un dispositif européen crédible luttera contre les paradis fiscaux pour mettre fin au secret bancaire, l’évasion fiscale. Il gèlera les actifs placés dans les paradis fiscaux par les ressortissants de tous les Etats membres dont le budget est menacé par les fraudes massives, comme la Grèce. Une clause “paradis fiscaux” sera introduite dans les marchés publics.
Une politique extérieure et de défense autonome doit prendre corps avec la construction d’une force de défense européenne militaire comprenant un service civil. Le système d’espionnage électronique Echelon sera fermé.