Le poisson scotché dans votre dos ce matin pourrait s’appeler lingue bleue. Si c’est le cas, il aura fait un très, mais alors très long voyage jusqu’à votre échine…
Depuis le fond des océans, son habitat naturel, la lingue bleue est une des espèces qui fait la joie des chalutiers européens qui pratiquent la pêche en eaux profondes. De pêche cette activité n’en a que le nom. Il s’agit plutôt de racler les océans à l’aide d’immenses filets trainés par des usines agro-alimentaires flottantes. A 1000 voire 1500 mètres de profondeur, la richesse des fonds marins est détruite d’un simple coup de balai. Une fois remonté, plus de 90% du contenu des filets est jeté. Seules 3 espèces de poissons sont conservées. Inutile de dire que dans cette logique de terre-brulée, la gestion des ressources halieutiques et la biodiversité n’ont pas droit de cité.
10 bateaux pour un désastre écologique
La flotte française est composé d’une petite dizaine de chalutiers, propriétés de grands groupes agro-alimentaires qui amortissent leurs investissements. Car précision importante, cette technique de pêche n’a aucune rentabilité et n’est rendue possible que par des subventions publiques. Face au diktat des distributeurs et des lobbies, les poissons des abysses, sabres et autres grenadiers voient leurs populations s’effondrer. En face, les bateaux des industriels, Mousquetaires de la distribution en tête, continuent leur massacre. Face à la contestation, ces derniers se sont pourtant engagés au mois de janvier à ne plus descendre au-delà de la barre des 800 mètres pour faire trainer leurs filets. C’est encore bien trop bas pour ne pas anéantir définitivement l’héritage naturel.
L’Europe manque le coche, la France applaudit
Pendant ce temps Bruxelles fait la sourde oreille avec l’aval de la France. Le 10 décembre dernier, le Parlement Européen réuni en plénière ne s’est pas résolu a voter en faveur de l’interdiction du chalutage profond. Sur ce dossier, Paris plaide depuis des années pour un statu quo législatif. Mi-mars, la France persiste et signe en envoyant un courrier à la Commission Européenne. Il stipule les « lourdes conséquences socio-économiques » qui pourraient survenir en cas d’interdiction du chalutage. Si on se penche sur les chiffres, la pêche en eaux profondes se révèle pourtant être un vrai gouffre financier. L’argument en faveur de l’emploi n’est lui aussi pas recevable, le secteur entier ne concerne que 200 travailleurs alors que d’autres techniques de pêche artisanale, plus pourvoyeuses d’emplois, sont délaissées.
Pour un 1er avril réussi, préservons les fonds marins, interdisons le chalutage profond !