Quelle viande made in France dans nos assiettes ?
Stéphane Le Foll a défendu la viande « Made in France » lors du Salon de l’Agriculture, en plein scandale de la viande de cheval…
Bonne idée, Monsieur le Ministre, mais faut-il pour autant maintenir en vain une course sans fin à la compétitivité de l’élevage industriel au prix de précautions élémentaires et du fonctionnement même de notre écosystème ?
Les écologistes défendent proposent un autre chemin pour sortir l’élevage de l’impasse actuelle.
Il s’agit tout d’abord de reconsidérer notre politique alimentaire. Nombre d’études montrent qu’en moyenne nous mangeons en France trop de viande (et autres protéines d’origine animale), depuis un temps assez récent. La viande, symbolisant le régime des riches, a longtemps correspondu à une aspiration sociale. Il ne s’agit pas aujourd’hui d’en refuser à ceux qui ont peu de moyens, mais de diminuer globalement la quantité de viande dans le régime moyen, pour lui substituer une part de protéines végétales, que nous ne produisons pas encore en quantité suffisante.
Les arguments ne manquent pas pour légitimer ce changement de régime : trop de viande est cause de diabète, d’obésité, de maladies cardio-vasculaires, notre modèle alimentaire ne peut être étendu à toute la planète, produire de la viande demande beaucoup plus d’énergie et de surface que pour des céréales, l’élevage dominant actuel est principalement basé sur le tandem « maïs-soja » qui cause bien des dégâts environnementaux dans le monde.
Bref, si nous voulons des protéines « made in France », il faut produire plus de protéines végétales, consommer moins de protéines animales et certainement pas en produire plus là où il y en a déjà trop.
Moins de viande certes… mais une viande meilleure, provenant d’élevages de qualité !
Aujourd’hui porcs et volailles sont élevés selon un modèle hors sol inacceptable sur le plan éthique, source de pollutions, de graves menaces sanitaires (recombinaison de virus, antiobiorésistance due à l’usage irraisonné d’antibiotiques) et économiquement non rentable. Certes dans certains pays voisins, les élevages hors sols paraissent rentables sur le plan économique, du fait de coûts d’accès moindres à la matière première et de bas coût du travail d’abattage et de découpe, mais cette illusion économique est maintenue à coups de subventions et n’est pas sans impacts socio-économiques et environnementaux. La course à la concurrence voudrait que soient développés des élevages de ce type, toujours plus grands pour être plus rentables… face à des pays aux avantages comparatifs imbattables, comme le Brésil…
Finalement les plans de « modernisation porcs et avicoles » portés par les lobbys productivistes sont de nouveaux plans de concentration des productions qui ne disent pas leur nom, contraires aux attentes sociétales. Ces plans vont aggraver la disparition de l’emploi, détruire un peu plus l’environnement et aggraver notre dépendance en protéines.
Les écologistes proposent une autre voie, soutiennent qu’un autre type d’élevage est possible pour les volailles et les porcs. Il faut « déconcentrer » l’élevage monogastrique aujourd’hui confiné dans l’ouest de la France, et la seule solution pour obtenir l’assentiment des populations locales c’est précisément d’installer des élevages « acceptables » et notamment dans toutes les régions qui ont vu leur élevage disparaître au profit des « grandes cultures », et qui gagneraient à retrouver une complémentarité élevage-cultures.
Concernant les ruminants, il faut privilégier l’élevage à l’herbe dès que possible. Il faut mettre fin au retournement des prairies (40 000 ha en 10 ans pour la seule Bretagne), largement encouragé par la PAC actuelle, et hélas probablement à venir..
Dans l’agro-alimentaire il faut également rompre avec la logique des usines de masse produisant au plus bas prix, écrasées par la grande distribution, engluées dans une course sans fin à l’industrialisation, à la massification et aux conditions de travail déplorables. Non, des produits de qualité, issus de notre tradition alimentaire et gastronomique reconnue, de la variété et de la richesse de nos terroirs, des travailleurs et des entreprises fiers de leur savoir et de leur savoir-faire qui doit être connu, promu, identifié, tracé et contrôlé. C’est cela qu’il faut exporter, comme le montre le succès des vins français, et pas des produits de base à coûts de subventions qui ruinent les agricultures des pays importateurs.
Il ne s’agit évidemment pas de nier une part incontournable de productions de base mais de cesser d’en faire le vecteur de notre avenir, parce que ne résolvant rien des questions qui se posent à notre société, et nous entraînant toujours plus dans l’impasse sociale et écologique.
Ces propositions sont cohérentes avec celles d’une agriculture écologique généralisable à tout le territoire, créatrice d’emplois, travaillant avec et non contre son environnement. Le changement, c’est maintenant !
Joël Labbé, sénateur du Morbihan
José Bové, député européen
Danielle Auroi, députée du Puy-de-Dôme
René Louail, conseiller régional de Bretagne
Serge Morin, conseiller régional Poitou Charente