Non à une nouvelle centrale à cycle combiné en Bretagne
Texte de la question
Mme Brigitte Allain appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le projet de centrale à cycle combiné gaz à Landivisiau. Le pacte électrique breton signé le 14 décembre 2010 se décline en trois volets : mener des efforts importants de maîtrise de la demande en électricité, assurer un développement ambitieux de la production d'énergies renouvelables et enfin sécuriser l'alimentation électrique (production et réseaux). La construction d'une nouvelle centrale à cycle combiné gaz (CCCG) de 400 MW à Landivisiau dans le Nord Finistère vise à répondre aux exigences de ce dernier point, notamment du fait des risques de « black-out » liés aux pics de consommation électrique les jours de grand froid. Cependant, les élus Europe Ecologie les Verts (EELV) du conseil régional de Bretagne ont déjà fait remarquer que la programmation pluriannuelle des investissements de production (PPI) 2009 a fixé un objectif de 10 tranches au gaz à l'horizon 2012 en France, un objectif dépassé au 1er janvier 2013 puisque 13 groupes de CCCG étaient alors en activité. De même, ces élus expliquent que la centrale envisagée devra fonctionner au minimum 4 000 heures par an afin d'être rentable. Or un tel scénario apparaît peu probable alors que les CCCG actuellement en service fonctionnent en moyenne moins de 3 500 heures par an. Ce point n'est pas anodin puisque le contrat avec Direct énergie-Siemens prévoit un versement de 40 millions d'euros par an sur 20 ans, soit 800 millions, en cas de non rentabilité de la centrale. Une facture qui serait en outre payée par les abonnés au gaz de toute la France, par l'intermédiaire de la CSPE. Enfin, le collectif Gaspare a élaboré, en collaboration avec le bureau d'études et de conseil en écologie Horizons, un scénario électrique alternatif breton pour la période 2011-2025. Ce dernier démontre qu'il serait possible de satisfaire les besoins de la Bretagne sans nouvelle centrale à gaz. Fort du sérieux de ses travaux et d'une légitimité reconnue par le préfet de la région lui-même, le collectif appelle donc à la réactualisation des données du pacte électrique Breton afin de tenir compte des récentes évolutions de la croissance économique et de la consommation domestique. Au vu de tous ces éléments, les élus EELV du conseil régional de Bretagne ont appelé à la signature d'un moratoire sur le projet de construction d'une centrale à cycle combiné gaz de Landivisiau. Elle souhaiterait savoir quelle suite elle souhaite donner à cette requête.
Texte de la réponse
La mise en service d'une CCCG en Bretagne est nécessaire à la sécurité électrique locale. La part locale de la production d'électricité dans la consommation de la Bretagne est très faible (environ 12 % en 2013). La Bretagne est donc tributaire pour son alimentation en électricité des sites de production éloignés que sont les centrales nucléaires de la vallée de la Loire et des centrales thermiques de Loire-Atlantique. Cette région fait également face à une demande en électricité croissante (+2,5 % en 2013, selon le bilan électrique du gestionnaire du réseau public de transport d'électricité, RTE), du fait notamment de sa croissance démographique (+ 25 000 habitants par an) et de son dynamisme économique. RTE a alerté à plusieurs reprises les pouvoirs publics sur la nécessité de prendre des mesures spécifiques à la Bretagne de manière à garantir la sécurité d'approvisionnement de cette zone. Pour assurer l'avenir énergétique de la Bretagne, un « pacte électrique breton » a été signé, avec une importante concertation, par l'État, la Région Bretagne, RTE, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) et l'Agence nationale de l'habitat (ANAH), qui propose un plan d'actions équilibré selon les trois grandes orientations de la politique énergétique : - des efforts importants de maîtrise de la demande en électricité ; - un développement ambitieux de la production d'énergies renouvelables ; - la sécurisation indispensable de l'alimentation électrique (production et réseaux). Le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie, même mis en oeuvre de manière très volontariste comme le prévoit le pacte électrique breton, ne suffisent pas à répondre à la fragilité structurelle de l'alimentation électrique en Bretagne. Leurs effets s'inscrivent en revanche sur le long terme. Le renforcement et le maillage du réseau, indispensables à sa sécurisation, ne sauraient non plus constituer à eux seuls une réponse suffisante, sans puissance supplémentaire à injecter dans le réseau, en particulier quand ce dernier est fortement sollicité. L'implantation d'un moyen de production commandable dans la partie la plus vulnérable du réseau est donc indispensable pour garantir la sécurité de l'approvisionnement local. C'est pourquoi l'État a lancé un appel d'offres pour la construction d'une centrale à cycle combiné gaz (CCCG) dans la région de Brest, en application de l'article L. 311-10 du code de l'énergie. La Programmation pluriannuelle des investissements (PPI) en électricité précise explicitement qu'elle « ne fixe pas d'objectif de développement des centrales à cycle combiné gaz (CCG) » mais « retient comme hypothèse la réalisation d'au moins dix CCG à l'horizon 2012 ». En revanche, la PPI préconise « d'autoriser, au titre de la loi électrique, les projets des investisseurs qui contribueront à la sécurité d'approvisionnement électrique ». À ce titre, l'appel d'offres pour la CCCG de Landivisiau, dont l'objectif est justement d'assurer la sécurité d'approvisionnement en électricité en Bretagne, est parfaitement compatible avec la PPI. La procédure de mise en concurrence, qui a conduit à sélectionner le consortium Direct Energie - Siemens, permet de minimiser le soutien public au projet, destiné à couvrir les seuls surcoûts liés à la localisation. L'éventuel faible nombre d'heure de fonctionnement et la baisse de rentabilité consécutive pour l'exploitant n'aura aucune influence sur le coût supporté par la collectivité. Par ailleurs, la prime ne sera pas payée par les abonnés au gaz mais via la Contribution au Service Public de l'électricité (CSPE), qui est acquittée par les consommateurs finals d'électricité. Le scénario alternatif élaboré par le collectif Gaspare se base sur des hypothèses discutables. Le collectif prévoit ainsi une capacité installée en Bretagne en 2020 de 177 MW de cogénération, alors que le pacte électrique breton n'en prévoit que 77 ; de 150 MW d'hydrolien, alors que le pacte électrique n'en prévoit que 10 ; ou encore de 550 MW de photovoltaïque, alors que le pacte n'en prévoit que 400. Les hypothèses utilisées par le collectif sont excessivement optimistes et il ne serait pas raisonnable de se fonder uniquement sur son scénario pour assurer la sécurité d'approvisionnement en électricité, qui est un bien de première nécessité. Par ailleurs, comme l'a rapidement souligné le préfet de Bretagne, la publication, sur le site Votreenergiepourlafrance. fr, du scénario du collectif Gaspare, ne peut être considérée comme une validation du scénario du collectif Gaspare. La ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a souhaité, au travers de ce site, montrer la richesse des réflexions sur l'énergie dans les territoires, et la diversité des engagements et des actions sur cette thématique, sans freiner l'expression d'idées parfois contradictoires. La centrale de Landivisiau s'intègre dans le cadre de la transition énergétique régionale. Le projet de CCCG à Landivisiau s'intègre dans le cadre du nouveau modèle énergétique voulu par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte. Il constitue l'un des volets d'un plan d'actions équilibré qui soutient la maîtrise de la demande et le développement des énergies renouvelables. À titre d'exemple, la Bretagne est une région pilote pour le développement des effacements de consommation d'électricité, favorisés par une expérimentation menée depuis l'hiver 2012-2013, et par les campagnes de communication « Ecowatt » qui alertent les consommateurs lors des épisodes de tension sur le réseau. Le projet participera d'ailleurs directement au développement des économies d'énergie. Par exemple, le lauréat développera sur la commune un réseau de chaleur urbain à haute performance énergétique qui utilisera la chaleur issue des gaz de combustion du cycle combiné. Il participe à la mise en place d'un mix électrique plus équilibré, respectueux de l'environnement. Le gaz naturel, technologie de production thermique la moins émettrice de gaz à effet de serre, complétera le fioul et le charbon utilisés par les moyens de pointe existants. L'installation sera conçue avec les meilleures techniques disponibles, établies dans le cadre du respect de la directive IED sur les émissions industrielles. Pour l'ensemble des rejets (NOx, CO, SO2 et poussières), le lauréat de l'appel d'offres s'est engagé à respecter des niveaux plus bas que ceux imposés par la réglementation. Le site retenu est une zone agricole éloigné des zones naturelles protégées, à 1 km du centre-ville de Landivisiau, et présente une exposition favorable aux vents dominants. Il résulte d'un travail de concertation important mené par les acteurs du territoire et s'intègre dans une vision partagée des enjeux énergétiques régionaux. La stratégie du pacte électrique breton est le résultat d'un travail approfondi mené par les services de l'État, les élus et représentants des collectivités territoriales, les organisations syndicales et patronales, les acteurs du monde économique et professionnel, et les experts techniques. Le choix de construire la centrale de Landivisiau ne s'oppose pas au développement des énergies renouvelables et des économies d'énergie, mais participe à la mise en oeuvre d'un pacte électrique breton équilibré, qui permettra d'assurer la sécurité électrique de cette région.