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Le Monde : Brigitte Allain, « travailleuse paysanne » à l’Assemblée

LE MONDE | 06.07.2012 à 10h42 • Mis à jour le 06.07.2012 à 10h42
Par Hélène Bekmezian


"Moi qui ai l'habitude de vivre au grand air, je suis plutôt contente." Le regard par la
fenêtre, Brigitte Allain contemple en souriant sa vue sur les toits du Palais-Bourbon, depuis
le dernier étage du 101, rue de l'Université, une annexe de l'Assemblée nationale. La
députée écologiste de Dordogne vient de poser ses cartons dans son bureau, qu'elle
voulait sans lit : "Je suis une rurale, j'avais peur de me sentir étouffée."
Pour autant, cette nouvelle élue de 56 ans n'a rien de la
paysanne naïve qui débarque dans la capitale. Elle a un
long passé de syndicaliste agricole derrière elle. Un milieu
dans lequel elle est "tombée étant petite". A 20 ans, plus
précisément quand, en 1976, elle reprend l'exploitation
familiale avec son mari.
L'année suivante, le gel saisit ses vignobles de Bouniagues (Dordogne). Les jeunes
mariés, avec d'autres viticulteurs alentour, se retrouvent pris dans le piège des prêts, des
remboursements et des prélèvements automatiques. Rapidement, la colère rassemble
la "poignée" d'agriculteurs en désaccord avec la Fédération départementale des syndicats
d'exploitants agricoles : les "travailleurs paysans"de Dordogne s'organisent. Ils rejoignent
en 1981 la toute nouvelle Confédération nationale des syndicats de travailleurs paysans,
embryon de la Confédération paysanne qui, elle, naît six ans plus tard.
JOSÉ BOVÉ EST "CONTENT QU'ELLE SOIT ÉLUE"
Tout en gérant son vignoble, Mme Allain participe à de multiples mouvements revendicatifs
et ne s'arrête jamais de plaider la cause du monde rural, qui, dit-elle,"va bien au-delà de
l'agriculture". Défendre cette part du territoire français, c'estsoulever la question des aides
à l'installation, de la relocalisation de la production ou de l'aménagement du territoire, mais
aussi celle de la disparition des servicespublics, des transports et le problème des déserts
médicaux... Le champ est vaste. Et elle le connaît dans ses moindres brins d'herbe.
"Elle est enracinée sur le terrain, elle part d'une réalité concrète. Elle peut parler des
conséquences réelles d'une phrase dans un règlement ou dans une loi,assure José Bové,
ancien porte-parole de la Confédération paysanne, bien content qu'elle soit élue." Le
député européen la connaît depuis qu'elle a rejoint le comité national de la Confédération
paysanne, au début des années 2000 et, surtout, depuis qu'elle lui a succédé au poste de
porte-parole, en avril 2004. Elle occupait conjointement cette fonction avec Jean-Emile
Sanchez, un éleveur du plateau du Larzac.
Aujourd'hui, depuis son bureau du Parlement européen de Strasbourg, on peut
l'entendre sourire au téléphone : "En tant que syndicaliste, elle a été confrontée au débat
législatif de l'extérieur. Maintenant, elle participera à la rédaction des lois."
Un travail réglementaire, technocratique, qu'elle ne connaît pas. Elle n'a jamais été élue et
même jamais encartée à un parti politique - elle ne l'est toujours pas. "Elle n'est pas du
sérail, reconnaît Bérénice Vincent, vice-présidente Europe Ecologie-Les Verts du conseil
régional d'Aquitaine. Mais c'est aussi un atout, ça permet debousculer les choses,
de donner un coup de pied dans la fourmilière. C'est une petite révolution quand même !"
Une petite révolution menée par une petite femme aux cheveux courts, presque rouges :
une "battante qui ne lâche rien", selon ses propres mots, "têtue pour faire aboutir ses
convictions", approuve M. Bové, "déterminée", reprend Mme Vincent,"et avec une grande
capacité d'écoute, à travailler collectivement et à faire vivre un accord politique".
"UNE RELATION CORDIALE"
L'accord EELV-PS est, il est vrai, plutôt bien passé dans cette 2e circonscription de
Dordogne malgré une candidate socialiste dissidente tenace qui a mené un combat
électoral "violent", selon un membre local du PS. Mais la collaboration a bien fonctionné
avec Christophe Cathus, son suppléant attribué par le PS, qui admet volontiers qu'il y a eu
un "feeling politique" et "une relation cordiale, de confiance et loyale".
Et d'ajouter : "Je ne la connaissais que de nom mais il se trouve que c'est bien tombé:
nous étions complémentaires." A lui, l'urbain, la ville de Bergerac ; à elle, les terres rurales,
les problématiques paysannes. "Une femme qui porte des valeurs, qui est honnête et qui
défendra ses idées jusqu'au bout", conclut-il.
Mais pour le moment, assise derrière son bureau, la main sur une pile de CV, MmeAllain
doit encore recruter ses collaborateurs, s'installer , trouver une solution pour la gestion
de son vignoble... La jeune grand-mère se dit prête pour la bataille qui l'attend : "Je n'aime
pas les luttes faciles. J'aime les défis, surtout quand ils sont compliqués."
Hélène Bekmezian