Accueil à l'Assemblée étiquetage des animaux nourris aux OGM : Chronique d’une déception annoncée

étiquetage des animaux nourris aux OGM : Chronique d’une déception annoncée

Chronique :

Alors que la campagne "Consommateurs mais pas cobayes" bat son plein, plus de 100 000 personnes ayant déjà signé la pétition en ligne, j'ai déposé un amendement demandant l'étiquetage des aliments issus à partir d'animaux nourris aux OGM, lors du débat sur la transposition de la directive "OGM à la carte".

De nombreux responsables écologistes ont soutenu cette démarche : José Bové, Emmanuelle Cosse, Julien Bayou, Joël Labbé, Danielle Auroi, Michèle Rivasi... Nous l'avons exprimé dans un communiqué de presse.

Malheureusement, dans l'hémicycle, cette semaine de mi-septembre 2015, malgré le soutien d'un député de l'UDI, les députés n'ont pas adopté cette mesure.. Le Gouvernement souhaitant prendre cette décision au niveau européen. J'en suis profondément déçue, même si je ne me faisais pas d'illusions, l'étiquetage relève en effet de la compétence européenne. Mais nous devons prendre les devants quand des scandales pareils perdurent encore. 80% des animaux sont nourris avec des OGM !

Le texte reviendra le 26 octobre au Sénat. Nous avons une seule et dernière chance, car le texte a été déclaré "urgent" et donc ne passera pas par la navette classique.

 

Sélection d'articles résumant les débats :

Lire l'article du Figaro

Lire l'article de Reporterre : "Les députés ne veulent pas étiqueter les aliments issus d’animaux nourris aux OGM"

 

Vous retrouvez ci-dessous ma déclaration générale dans l'hémicycle, et le débat sur l'amendement plus bas.

Déclaration générale :

Mme Brigitte Allain. Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure, mesdames et messieurs, je souhaite consacrer quelques minutes à la transposition de la directive dite des « OGM à la carte ». Cette directive européenne ouvre une brèche dans l’application uniforme de la politique de l’Europe dans son espace et laisse désormais à chaque État membre le choix d’adopter ou de refuser la culture des OGM sur son territoire.

Pour les députés écologistes du Parlement européen et du Parlement français, cette option n’était pas acceptable. Les semenciers, quant à eux, sont pleinement satisfaits.

Pourtant, partout dans le monde, un nombre croissant d’exemples montrent les dangers environnementaux et sanitaires liés à la présence des OGM. On constate ainsi la transmission des résistances à des plantes non-OGM et, par conséquent, l’augmentation des doses d’herbicides nécessaires pour les éliminer, mais encore la montée en puissance des affections sanitaires des populations exposées dans les zones de culture et la pollution de notre environnement – eau, air, sol – par des plantes mutées qui contiennent des pesticides.

Je réaffirme dans cet hémicycle notre opposition à la culture des OGM et la nécessité d’entendre les citoyens. Je relaie ainsi l’inquiétude de centaines de milliers de citoyens européens qui ont manifesté à plusieurs reprises leur refus des OGM. L’expression la plus marquante à cet égard est l’initiative citoyenne qui a recueilli plus d’un million de signatures et n’a pas été prise en compte par la Commission européenne. La procédure d’autorisation ou d’exclusion des OGM qui est proposée à transposition aujourd’hui n’est pas plus démocratique.

Plusieurs points me frappent particulièrement. Tout d’abord, la Commission européenne avait promis de garantir une expertise et une recherche indépendantes de long terme sur la toxicité des OGM. Or, c’est toujours l’Agence européenne de sécurité des aliments – EFSA –, pourtant en proie à de nombreux conflits d’intérêts, qui a la charge des décisions.

Ensuite, il est totalement impensable, pour une démocrate comme moi, de remettre les préférences nationales à une négociation entre l’entreprise pétitionnaire et l’État membre. Que vont-ils négocier ? Quelles contreparties sont mentionnées dans l’exposé des motifs ? On voit ici une préfiguration de l’accord transatlantique. Dans ce contexte, avec le groupe écologiste, j’ai déposé plusieurs amendements pour rendre cette procédure plus démocratique.

À l’heure où chaque pays européen transpose la nouvelle directive européenne, je suis scandalisée de constater qu’aucune mesure de coexistence entre cultures OGM et cultures conventionnelle ou bio n’a été prévue. Les OGM autorisés en Allemagne ne pourraient-ils pas contaminer un champ de l’autre côté de la frontière ? Les OGM transportés à travers la France en camion ne pourraient-ils pas contaminer les bordures des routes et des champs ? Si la pollution est avérée, qui sera jugé responsable ? Qui indemnisera l’agriculteur bio ou conventionnel dont la récolte a été déclassée et retirée du marché ? Ces questions méritent une réponse. Les arrêtés et décrets en ce sens n’ont jamais été publiés.

Aussi ai-je demandé un rapport sur les mesures de coexistence et l’établissement des responsabilités ; la commission du développement durable a validé cette demande. Mais je considère que ce rapport doit être remis le plus vite possible – dans les six mois et non dans l’année. En bref, cette directive OGM est dangereuse pour nos choix de société et nous ne sommes pas prêts à la transposer.

Avant de conclure, je tiens à évoquer la question des animaux nourris aux OGM, qui me semble particulièrement préoccupante : en France, 80 % des animaux sont nourris en partie ou totalement avec des OGM. Malgré cela, les consommateurs ne sont pas informés : la mention « OGM » doit figurer sur les produits alimentaires comprenant des organismes génétiquement modifiés, mais une exception demeure pour les produits issus d’animaux nourris avec des OGM. Ainsi, les écologistes demandent un moratoire et un étiquetage obligatoire pour tous les produits contenant des OGM. Il s’agit du droit des consommateurs de choisir, mais aussi du droit à accéder à une alimentation saine et sans organisme génétiquement modifié.

Cet amendement reprend les réclamations de près de 100 000 citoyens, dont de nombreux agronomes, mais aussi des personnalités écologistes, qui ont signé la pétition « Consommateurs pas cobayes ! » sur l’étiquetage obligatoire. Les votes sont attendus et seront surveillés par nos concitoyens. J’espère, chers collègues, que vous voterez en faveur de cet amendement de transparence et contre les articles 18 et 19 de ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste.)

 

Amendement étiquetage OGM

Mme la présidente. Je suis saisie d’un amendement, n42, portant article additionnel avant l’article 18.

La parole est à Mme Brigitte Allain, pour le soutenir.

Mme Brigitte Allain. Cet amendement vise à exiger un étiquetage obligatoire des produits alimentaires issus d’animaux nourris par des organismes génétiquement modifiés.

À ce jour, les consommateurs ne sont pas informés. Comme je l’ai dit tout à l’heure, la mention « OGM » doit figurer sur les produits alimentaires comprenant des organismes génétiquement modifiés, sauf pour les produits issus d’animaux nourris avec des organismes génétiquement modifiés.

Les trois quarts du cheptel français sont nourris avec des organismes génétiquement modifiés. Cette proposition s’appliquerait aussi bien aux produits de base qu’aux plats cuisinés.

Il s’agit du droit des consommateurs à choisir, mais aussi du droit à une alimentation saine, exempte d’organismes génétiquement modifiés et de pesticides. Ces produits sont présents dans la grande distribution comme dans la restauration collective, y compris scolaire, de la maternelle jusqu’à l’université.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Viviane Le Dissez, rapporteure. En matière d’étiquetage, les obligations relèvent du niveau européen. De plus, l’amendement sort du cadre de ce projet de loi relatif à la prévention des risques. Enfin, les distributeurs et les éleveurs qui n’utilisent pas les OGM le mentionnent d’ores et déjà sur les étiquettes de leurs produits. Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Ségolène Royal, ministre. Défavorable également. La directive que nous transposons n’aborde pas la question de l’étiquetage alimentaire, lequel relève d’un règlement en cours de révision au niveau européen. Je suggère donc le retrait de l’amendement.

J’ajoute qu’il est déjà possible de valoriser les produits issus d’animaux nourris sans OGM, puisqu’un étiquetage volontaire a été mis en place : c’est une formule plus souple et plus positive qu’une démarche obligatoire, puisqu’elle permet de promouvoir l’alimentation sans OGM des animaux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Brigitte Allain.

Mme Brigitte Allain. J’entends vos arguments, madame la rapporteure, madame la ministre ; mais la représentation nationale a amené le Gouvernement à remettre sur la table des négociations la question des élevages en France. Il est des moments où les parlements nationaux doivent reprendre la main et envoyer des signaux forts à l’Union européenne.

Mme la présidente. La parole est à M. Bertrand Pancher.

M. Bertrand Pancher. Le groupe UDI a déposé, après l’article 18, un amendement sur ce sujet : je me félicite donc que le groupe écologiste en ait fait de même.

La directive va provoquer une arrivée massive d’OGM, notamment dans les pays voisins du nôtre. Cela signifie que, outre le problème de la dissémination, des animaux élevés en France seront de plus en plus souvent nourris avec des aliments à base d’OGM, comme c’est déjà le cas avec le soja. Face à ce phénomène, le consommateur nous demande d’assurer son information. Un décret paru en 2012 prévoit un étiquetage portant la mention « sans OGM » ; mais il s’agit d’une disposition en trompe-l’œil, très peu utilisée : dans les faits, le consommateur n’est pour ainsi dire jamais informé. Il devrait pourtant l’être, par exemple lorsqu’il achète un saucisson ou mange de la viande au restaurant.

Mme la présidente. Merci, monsieur Pancher…

M. Bertrand Pancher. Le sujet est d’importance, et Mme la ministre n’a pas répondu aux observations que nous avons formulées lors de la discussion générale.

(L’amendement n42 n’est pas adopté.)

 

 

Pour voir tous les débats :

http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015-extra2/20152004.asp#P597867