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Démocratie mon amour

Ce mois de décembre 2015 restera gravé dans notre histoire comme le marqueur d'une République qui n'a pas su porter ses valeurs, à l'époque où pour "être", il semble plus important de paraître ou d'avoir que d'exister.
Alors que la COP21 aurait du être un moment fort pour remettre l'humain au cœur de nos politiques, la préservation de la vie sur la Terre au dessus des pouvoirs et du fric, l'actualité de notre pays et internationale est dominée par les guerres, les actes de terrorisme, le nationalisme, le repli sur soi, la peur et la haine.

Les attentats meurtriers du vendredi 13 novembre 2015 sont extrêmement graves. La France entière pleure ses enfants, ses frères, ses sœurs et les centaines de blessés. Nous sommes tous touchés et choqués et devons en leur nom refuser l'escalade de la violence, savoir s'entraider et se respecter mutuellement en tout lieu.

Nous, élus de la Nation avons la responsabilité de prendre des mesures d'exception pour permettre aux forces de polices et judiciaires d'intervenir efficacement et rapidement. Nous n'oublions pas que des terroristes peuvent encore agir dans notre pays.
Quelle meilleure réponse à cette situation? Quelle réponse acceptable dans un état de droit, où nos concitoyens attendent une protection contre ce risque terroriste?

Le 16 novembre, j'ai entendu un Président de la République sur la défensive, annonçant des frappes renforcées, l'escalade guerrière contre l'ennemi identifié en Daech.
Mais, nos frappes aériennes n'ont rien de nouveau. Œil pour œil...
Sergio Coronado rappelait justement que ces djihadistes qui tuent partout dans le monde " sont le fruit des interventions occidentales en Afghanistan, en Irak, en Lybie et en Syrie, dont nous n'avons toujours pas tiré le bilan."

Aussi, de nouveaux actes de terrorisme, après ceux de janvier, étaient prévisibles, selon l'expression de nombreux membres du gouvernement et de la Haute administration. D'ailleurs, plusieurs attentats ont pu être empêchés dans notre pays, il faut le saluer. Malheureusement pas ceux, extrêmement coordonnés et atteignant d'une violence extrême les gens ordinaires, en pleine rue, aux terrasses des cafés, aux abords d'un stade et une salle de spectacle.

Alors, prolonger la durée de l'état d'urgence décrété pour 12 jours, comme le permet notre Constitution pour une période de trois mois nous a paru être un des moyens d'intervenir concrètement pour intercéder des personnes soupçonnés d'être dangereux pour la sécurité nationale.

Je l'ai voté en conscience et sans ignorer le pouvoir qu'il octroie aux Préfets et au Ministre de l'Intérieur. J'ai entendu tous les discours dans l'hémicycle dont celui de Bernard Cazeneuve qui a clairement fait état de la signification de l'Etat d'urgence. J'ai acquis la conviction que, comme il le disait : " l'état d'urgence n'est pas le contraire de l'Etat de droit ; il en est, quand la situation l'exige, le bouclier" .

Cependant, alors que cette situation permet des perquisitions de lieux "dont de forts soupçons conduisent à penser que le risque terroriste est fondé", elles se sont vite portées pour intimider des personnes qui auraient participé à des manifestations avant ou après les attentats. Il y a un décalage entre les annonces et les faits. Cela met en doute l'action du gouvernement.

L’état d’urgence doit donc être l'exception et, à mon sens, il est sain qu'il ne soit proclamé que pour une durée précise et limitée dans le temps et que le contrôle du Parlement soit réel et sans tabous. C'est d'ailleurs ce qu'ont affirmé François de Rugy et Paul Molac, au nom de notre groupe parlementaire. Bernard Cazeneuve œuvre pour obtenir un engagement concret de nos partenaires européens pour une meilleure coordination de nos services de renseignement, sujet récurant et, semble-t-il compliqué.

Revoir notre constitution correspond à un réel besoin pour redéfinir l'état d'urgence et ses modalités d'application. Les débats de la Commission des lois et en séance ont montré un nécessaire cadre réactualisé. Cependant, certaines des mesures annoncées par le Président sont pour moi totalement discriminatoires et inégalitaires et remettent en cause les grands principes de la Déclaration des droits de l'Homme, qui fondent notre République.

Ainsi envisager la déchéance de nationalité est totalement inacceptable ! Les terroristes qui ont commis les crimes en série, ce vendredi 13 novembre, ont-ils une double nationalité? Sont-ils français ou étrangers? La déchéance de nationalité ne leur fait pas peur. Ils tuent d'autant plus facilement qu'ils sont prêts à mourir eux mêmes.

Cette question du droit du sang ou du droit du sol ouverte par notre gouvernement embrasse les thèses de rejet de l'étranger et racistes portées par l'extrême droite.
Des débats citoyens doivent anticiper ce débat constitutionnel. Les Organisations non gouvernementales et citoyennes doivent prendre toute leur place pour organiser ces débats, interpeller les parlementaires pour ne pas les laisser s'entraîner dans une dérive législative sécuritaire constitutionnelle.

Aujourd'hui, je m'interroge sur les similitudes qui peuvent exister entre un vote pour un parti d'extrême droite et l'enrôlement de jeunes français dans des groupes terroristes aux visées dictatoriales. Ces deux mouvements intégristes ont grandi en même temps et se nourrissent de racisme et de la crise sociale engendrée par des politiques internationales au profit de la finance et de la libre concurrence. L'un et l'autre n'ont de réponse que la terre brûlée.

Notre meilleure intervention pacifique est de refaire vivre notre démocratie, de faire aimer le débat politique. Débattre des orientations politiques en matière d'économie, de formation, de mobilité... C'est aussi contribuer à la démocratie et à la Paix, parce que nos choix politiques dans l'économie durable, respectueuse des enjeux humains et écologiques pèsent sur nos relations internationales. La situation en Moyen Orient, en Afrique est conséquente des relations internationales dans lesquelles les occidentaux ont de lourde responsabilité.

Moi qui siège à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je dis que prôner nos valeurs humanistes ne suffit pas à faire la Paix. Mais, cela y contribue. Pour faire aimer notre République, pour faire aimer l'Europe, pour faire aimer nos régions et nos territoires, il faut que chaque citoyen se sente respecté pour ce qu'il est, que les besoins essentiels à la vie et les droits fondamentaux soient assurés par l'action publique pour tous nos concitoyens vivant sur notre sol, sans préjudice à nos enfants et ceux qui sont à naître. En cette fin d'année où familles et amis se retrouvent pour faire la fête, pensons à aimer notre bien commun la Terre, à aimer sa diversité, à aimer la vie.