Extension des indications géographiques aux produits manufacturés : pas pour tout de suite
Déclaration sur la proposition de Loi sur les... par BrigitteAllain
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Mme Brigitte Allain.Madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi sur les indications géographiques et les collectivités territoriales a un double objet : premièrement, l’extension de la mention indication géographique, jusqu’alors réservée aux seuls produits alimentaires, aux produits manufacturés respectant un cahier des charges ; deuxièmement, la protection du nom d’une collectivité territoriale contre son usurpation par une marque.
Je dois tout d’abord vous dire que cette proposition de loi se démarque des autres propositions de lois que nous allons étudier dans les prochaines heures : elle est de loin la plus censée !
M. Yves Censi. Ah !
Mme Brigitte Allain. Elle mérite que nous nous y arrêtions, et que nous y apportions des améliorations que je vous présenterai dans la deuxième partie de mon exposé.
Pour les écologistes, la montée en gamme des produits, qu’ils soient agricoles ou manufacturés, est une stratégie d’avenir. Les producteurs se positionnant ainsi sur la compétitivité hors coût des produits valorisent, par le prix, la reconnaissance de l’authenticité et de la qualité de leur production.
Vouloir jouer au mieux-disant sur le coût des produits est une illusion qui ne pourra perdurer longtemps. Nous avons tout à y perdre : nos savoir-faire, nos emplois qualifiés, nos filières structurées.
L’Union européenne l’a compris, et nous l’espérons, l’appuiera, sous l’influence d’un futur dispositif français, puisqu’il aura été adopté.
La qualité, la réputation et la reconnaissance des caractéristiques spécifiques doivent être liées à un territoire, c’est un aspect fondamental sur lequel je souhaite insister. Le lien au territoire dans l’indication géographique doit être très fort, et il doit être présent à chaque stade de la production. Le consommateur pense qu’un produit comportant une indication géographique a été entièrement conçu dans la zone donnée ; si tel n’est pas le cas, par exemple si l’on appose, au stade de la transformation, l’indication géographique « porcelaine de Limoges » sur des assiettes fabriquées en Chine, il y a tromperie.
M. André Chassaigne. Très juste !
Mme Brigitte Allain. Il faut lui donner davantage de garanties en établissant un cahier des charges plus exigeant.
Le risque est grand de voir démanteler tous les stades de la production, de la fabrication et de la transformation dans des endroits différents de la planète pour apposer l’indication géographique sur le produit finalisé. Or cette crainte ne me semble pas véritablement dissipée à la lecture de cette proposition de loi.
M. Yves Censi. Bien sûr que si !
Mme Brigitte Allain. Il faut aller plus loin.
L’octroi d’une telle mention, mal encadrée et laissant la place à beaucoup de dérives, déprécierait toutes les entreprises entrées en démarche de qualité auprès des consommateurs.
Aller plus loin, c’est l’objet de mon premier amendement. Il s’agit de garantir que les produits sont produits, transformés, élaborés et fabriqués dans la zone concernée. Ce n’est pas au choix, c’est cumulatif.
M. André Chassaigne. Très bien !
Mme Brigitte Allain. On créerait peut-être moins d’indications géographiques, mais elles seraient mieux valorisées et plus crédibles. J’espère donc que vous allez entendre cette proposition.
Autre problème : une marque enregistrée antérieurement à l’entrée en vigueur de cette loi qui s’approprie le nom d’une ville ou d’un lieu géographique pourrait s’opposer à la création d’une indication géographique reprenant son nom. Ainsi le problème des couteaux Laguiole, déjà évoqué à plusieurs reprises, n’est-il pas réglé. Le consensus, monsieur le rapporteur, ne doit pas consister à donner des droits au groupe industriel qui bénéficierait de l’avantage d’un héritage non légitime.
M. Christian Jacob. C’est exactement le contraire !
Mme Brigitte Allain. Le deuxième amendement que le groupe écologiste soumet à votre examen vise à réparer cette injustice, qui reconnaîtrait au voleur du nom une légitimité de fait.
On pourrait encore proposer bien d’autres idées, comme par exemple d’ajouter des critères sociaux et environnementaux à la labellisation des produits. Valoriser les productions en mettant en avant le savoir-faire et les caractéristiques régionales, c’est bien, mais intégrer le facteur humain et environnemental, c’est encore mieux ! L’impact du mode de fabrication sur l’environnement doit être pris en compte, et pourrait même être un facteur très valorisant.
Je m’arrêterai là, et reprendrai ce raisonnement lors de la discussion du prochain projet de loi sur la consommation. Je vous remercie pour tout le travail effectué sur cette proposition de loi, qui est fort riche. Elle n’attend qu’à être complétée, car dans son état actuel, elle ne va pas assez loin pour permettre au groupe écologiste de la voter. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe SRC.)