Accueil à l'Assemblée Déclaration Générale de Brigitte Allain – Loi d’avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt

Déclaration Générale de Brigitte Allain – Loi d’avenir pour l’Agriculture, l’Alimentation et la Forêt


Déclaration Générale de Brigitte Allain lors de... par BrigitteAllain"

Monsieur le Président, Monsieur le Rapporteur, Monsieur le Ministre, Chers collègues,

En décembre 2013, le gouvernement proposait au parlement le projet de Loi  pour  l’avenir de l'Agriculture, l'Alimentation et la Forêt. Ce texte est une véritable loi d'orientation attendue  par les agriculteur-trices, mais aussi par la société toute entière soucieuse de préserver l'apport économique des productions de l'agriculture et de l'agroalimentaire, et d'en améliorer l'impact social et écologique. En effet, de nos politiques agricoles, tant européenne que nationale, dépendent l'aménagement harmonieux de nos territoires ruraux, de notre niveau d'autonomie alimentaire, de l'accès pour tous à une alimentation sûre, saine, diversifiée, de bonne qualité et en quantité suffisante.

Le texte que nous sommes amenés à améliorer encore aujourd'hui est issu d'un vrai travail parlementaire et le groupe écologiste a apprécié le dialogue et l'écoute,  de Monsieur le Ministre et de son cabinet, ainsi que de  Monsieur le rapporteur, mon cher voisin Germinal Peiro, qui a ouvert toutes ses auditions. Je tiens également à saluer tous les parlementaires nombreux-ses, qui se sont investis pour élaborer une politique agricole clairement orientée vers l'agro-écologie.

L'agro-écologie n'est pas une révolution ! Ce terme est né en 1928 et a pris toute sa signification lorsque, dans les années 70, au plus fort du développement de ce qu'on peut appeler aujourd'hui l'agrochimie productiviste, René Dumont puis Pierre Rabhi, Marc Dufumier .... ont, plus tôt que d'autres, porté cette vision futuriste d'une agriculture mieux intégrée dans la société. Futuriste parce que basée sur la diversité, la reconnaissance des savoirs- faire paysans cultivateurs plutôt qu’exploitants de la terre. Elle est durable parce qu'elle permet de produire qualitativement tout en respectant les sols,  le sous-sol, l'eau, l'air  et la santé des consommateurs. Économe en intrants, elle rend les agriculteurs plus autonomes et résilients. Leurs fermes leur offre qualité de vie et revenu, et sont donc transmissibles aux générations futures.

La révolution, c'est d’avoir inscrit dans une loi cette ambition et nécessité de passer d’une agriculture chimique à une agriculture biologique.

A l’heure où notre agriculture se dégrade elle-même et dégrade son environnement,

A l’heure où les sirènes technicistes des lobbies des semenciers et de l'agrochimie tentent à tout prix d'imposer leurs semences et plants génétiquement modifiés et pesticides…

…  c’était une nécessité de se fixer l’objectif d’une transition écologique de l’agriculture et de l’alimentation qu’elle produit.

L’engouement unanime de tous les acteurs nous interroge sur les moyens que cette loi apportera dans le contexte d'une PAC (Politique Agricole Commune) toujours plus libérale, malgré les aides revalorisées pour les 50 premiers hectares et quelques mesures environnementales maintenues et améliorées.

Ainsi, les dispositions concernant le foncier, de l’avis de tous ici présents, constituent la clé de voute de ce texte.

Mes chers collègues, même si une meilleure gouvernance des commissions départementales et des SAFER (Société d'Aménagement Foncier et d’Établissement Rural) permettra une gestion du foncier plus transparente, je crains que les mesures adoptées à ce jour nous laissent au milieu du gué. Je tiens à vous signaler que le rythme d’artificialisation des sols a atteint les 70 000 ha entre 2006 et 2012. Ce phénomène, principalement lié à la périurbanisation, est une des causes principales du recul de la biodiversité française, selon le rapport du 25 juin de France Active « Quelle France dans dix ans ? Bâtir un développement responsable ». Aussi nous devons nous donner les moyens de mieux contrôler les transferts de propriétés portant sur le foncier agricole. La première étape pour toute personne qui veut s'installer, c'est d'avoir accès au foncier. Face à des spéculateurs, ou des gargantuas de la terre, seules des mesures fortes peuvent assurer cette accessibilité. Je citerai ici  Edgard PISANI  qui déjà écrivait en 1977 dans  L’utopie foncière " J’ai longtemps cru que le problème foncier était de nature juridique, technique, économique et qu’une bonne dose d’ingéniosité suffirait à le résoudre. J’ai lentement découvert qu’il était le problème politique le plus  significatif qui soit parce que nos pratiques foncières fondent tout à la fois notre  système de pouvoir, façonnent nos comportements. " Presque 40 ans plus tard, nous pouvons affirmer que nos pratiques foncières ont été  celles des prédateurs. C'est pourquoi je vous invite à donner aux Commission départementale de protection des espaces naturels agricoles et forestiers (CDPENAF) un rôle décisif incontournable.

Ensuite, nous devons engager notre responsabilité pour que cette loi soit celle qui bannit les produits polluants et les pratiques dangereuses  pour la santé et nos environnements. Je pense aux pesticides dans les airs, les sols, et les corps vivants, aux algues vertes dans les eaux, aux antibiotiques dans les animaux et nos aliments. Les conditions d'épandages de pesticides plus respectueuses de l'environnement, et donnant la possibilité aux préfets d'appliquer au cas par cas des mesures plus drastiques permettront aux agriculteurs, en agriculture biologique ou conventionnelle, d'apporter les traitements nécessaires à la protection de leurs plantes et aux voisinages d'être respecté. Reste que sont encore mis sur le marché phytosanitaire,  trop de produits potentiellement cancérigènes ou perturbateurs endocriniens. Des produits insecticides sont de plus en plus soupçonnés d'être non seulement tueurs des pollinisateurs,  premières garants de nos récoltes, dont les abeilles, mais aussi pour les vers de terre, qui travaillent les sols mieux que nous-mêmes.

Enfin, les règlements d’application pris par nos Ministères devront être aussi cohérents que les objectifs que nous nous serons fixés dans cette loi. Et les comportements individuels déviants devront être mieux encadrés. Une agriculture spéculative concentrée n'offrira jamais un projet social acceptable et ne façonnera pas les paysages aussi bien qu'une agriculture paysanne. La ferme des 1000 vaches est ainsi le reflet de notre impuissance. Si la méthanisation est bienvenue pour produire du biogaz et composter les déjections animales, l’acceptation sociale et environnementale d’un tel projet passe par la taille des ateliers d'élevage, de leur gestion collective ou individuelle, de leur taille maximale autorisée, de l’interdiction ou non d’y mettre des cultures alimentaires.

Je voudrais terminer en évoquant devant vous quelques satisfactions :

La plus importante à mes yeux  est celle d’avoir fédéré un grand nombre d’entre vous, dés  la première lecture, pour inscrire dans la loi, les Projets alimentaires territoriaux, proposées par les écologistes, et répondant  à une volonté forte de recréer du lien de proximité entre  nos productions et  nos consommations, notamment pour notre alimentation. Lors de réunions publiques, mais aussi de nombreuses auditions que j'ai conduites auprès d’élus, d'acteurs locaux, de parents d'élèves , de résidents d'EPADH, dirigeants d'établissements publics ou associatifs, assurant une restauration collective quotidienne, d'agriculteurs, de maraîchers, de jeunes en projet d'installation ou en espace test.... J'ai pu constater que Toutes, tous sont prêts à saisir cette opportunité pour relancer une dynamique économique et sociale de territoire autour de l'alimentation. L’agriculture familiale et locale au service de l’alimentation des habitants représente aujourd’hui la moitié de la planète. Les conditions de leur maintien, face à une agriculture industrielle, dépendent aussi des soutiens des pouvoirs publics. Dans le sud, la coopération internationale et l’encadrement des politiques commerciales doit être l’œuvre. En Europe, le transfert des fonds FEADER de la politique agricole commune aux régions, constituent un levier supplémentaire pour enclencher la dynamique vertueuse et circulaire des systèmes alimentaires territoriaux

La deuxième satisfaction c'est de voir un statut du métier en phase avec les multitudes de situations existant sur le terrain, une approche de l'installation intégrant la diversité  des projets, un statut des Sociétés agricoles mieux encadré, l'installation progressive enfin reconnue, une protection sociale ouverte à un plus grand nombre de nouveaux agriculteurs et dans la diversification des activités , intégrant l'agro tourisme. Les réorientations données à la formation et la recherche devraient donner plus de place à l'agro écologie, l'agronomie, l'agriculture biologique et les systèmes coopératifs.

La troisième satisfaction, c’est que nous ayons pu trouver enfin un cadre juridique amélioré pour l’utilisation des semences paysannes, et des produits naturels peu préoccupants. Que de temps passé pour rétablir des droits ancestraux des paysans ! A l'heure où ce texte de loi veut promouvoir des systèmes moins consommateurs de pesticides, il eut été pour le moins incompréhensible que des méthodes alternatives simples et naturelles ne trouvent pas leur place.

Mes chers collègues, nous avons encore du travail devant nous et ce projet de loi devra maintenant être décliné grâce à toutes les organisations  de développement de formation et de recherche, grâce aussi à tous les acteurs des territoires ruraux. Chacun se trouve devant ses responsabilités. L’agriculture est l’affaire de tous.

De nos choix politiques dépend la possibilité de redonner vie à nos territoires ruraux, un autre regard sur nos cultures, nos pratiques d’élevage, nos forêts, mais aussi sur ce métier d'agriculteurs que des femmes et des hommes pratiquent avec la ferme volonté de bien cultiver la terre, y gagner leur vie en produisant notre alimentation et de permettre aux générations futures de poursuivre cette œuvre de vie."

Brigitte Allain.

le 07/07/14.