Accueil à l'Assemblée Agriculture | Interview : Brigitte Allain : « les écologistes ont obtenu des avancées significatives à l’Assemblée »

Agriculture | Interview : Brigitte Allain : « les écologistes ont obtenu des avancées significatives à l’Assemblée »

10/02/2014 | La députée de la deuxième circonscription de la Dordogne revient sur les derniers amendements proposés par le groupe écologiste et adoptés par l'Assemblée.Brigitte Allain, députée écologiste de Dordogne

Brigitte Allain, la députée de deuxième circonscription de la Dordogne et auteure de plusieurs amendements, revient sur quelques victoires écologistes obtenues à l'Assemblée, au cours de ces dernières semaines. Parmi les plus significatives, elle évoque la limitation des usages de produits phytosanitaires, les semences de ferme qui ne peuvent plus être considérées comme de la contrefaçon. En citant en référence la loi d'orientation agricole votée le 14 janvier, elle défend un modèle de société où l'écologie deviendrait un moteur du développement économique en France.

 

@qui.fr : La loi d'orientation agricole votée en première lecture par l'Assemblée le 14 janvier dernier vous satisfait -elle, est -elle assez ambitieuse à vos yeux  et notamment en ce qui concerne le volet écologie ?
Brigitte Allain - Le travail du groupe écologiste s'est fait en deux temps dans le cadre de la loi d'orientation agricole et dans le cadre du projet de loi des usages des produits phytosanitaires proposé par le sénateur Joel Labbé.
La loi d'orientation agricole va globalement dans le bon sens : par leur travail, en rencontrant plusieurs fois le ministre de l'agriculture,  nos députés ont réussi à porter des amendements qui ont été votés, notamment sur la dimension soclale.  Dans le cadre de la transition écologique, qui est un des leviers pour relancer économie, il nous semblait que la politique agricole devait être un axe fort. Dans le titre même du projet de loi, on remet l'agriculture, la forêt et l'alimentation au même niveau. On reconnait que l'agricuture doit servir avant tout à l'alimentation.  Le ministre a annoncé plusieurs fois la double performance écologique et économique. Par nos interventions, par nos amendements,  nous avons rappelé que cette double performance devait être de fait une triple performance : écologique, économique et sociale. La performance écologique ne peut s'obtenir que par la performance sociale, c'est à dire concrétement par l'installation d'agriculteurs nombreux. Ce sont des choses entendues : la loi donne des outils pour faire évoluer favorablement la politique d'installation qui était en panne depuis des années. Les amendements que nous avons apportés et votés constituent des victoires, du moins des avancées. J'ai proposé que soient intégrés dans la loi les projets alimentaires territoriaux. C'est donner une orientation alimentaire à des projets territoriaux. Nous avons gagné aussi la définition de l'agroécologie, qui n'était pas très claire. Il est inscrit le droit à la souveraineté alimentaire des peuples. Il nous reste à faire inscrire des choses concrètes, par exemple, que ces projets alimentaires territoriaux se déclinent en outils pour créer de véritables contrats alimentaires au niveau local entre les collectités, les producteurs. Cela reste à construire

 

@! : Comment définissez-vous le terme agroécologie ?
B.A. - L'agro écologie se base d'abord sur l'agronomie, sur la capacité des sols à se regénérer eux-mêmes. On a eu tendance à oublier les formidables capacités de la nature. Depuis une dizaine d'années, en ayant eu recours systèmatique à des pesticides ou à des matières azotées, on est arrivé à la limite d'un système qui se traduit par des rendements plutôt en baisse.  On a stérilisé nos sols, ce qui se traduit par des limites de production.  En travaillant autrement en faisant des économies d'intrants, on peut gagner en économie. On peut et on doit produire toujours autant. On sait faire et on connaît les pratiques, grâce notamment à l'agriculture biologique qui a servi d'expérimentation.

 

"Une nécessité pour la santé publique, et l'environnement"

 

@! -  Pouvez vous rappeler les dernières actualités en ce qui concerne les semences de ferme ? 
B. A. - «Cinq grands groupes contrôlent près de 75% de la semence potagère au niveau mondial. Il y avait un vrai risque à ce que le droit des agriculteurs à reproduire leurs semences soit bafoué. J'ai fait adopter un premier amendement dans la loi d'avenir agricole, desserrant l'étau sur les producteurs. Des avancées avaient été obtenues.  Une loi a été votée au niveau européen qui vise à encadrer le commerce des semences, de fait sa traduction dans le droit français était préjudiciable aux agriculteurs qui souhaitaient reproduire leurs semences. Mardi dernier, les députés ont donc voté, lors de l'examen de loi visant à lutter contre les contrefaçons , un amendement excluant les semences de ferme du champ d'application.  J'aurais souhaité qu'on aille plus loin, mais un premier pas est fait. Il sera nécessaire d'étendre cette exception à tout matériel reproductible à la ferme, tels que les levures, les animaux, les préparations naturelles peu préoccupantes, etc. »

 

@! - Qu'en est t-il de la proposition de loi qui limite l'usage des produits phytosaniaires ?
B. A. -  Ce projet de limitation des usages de produits phytosanitaires était porté par  le sénateur  écologiste Joel Labbé.  Il a été adopté par l'Assemblée nationale le 23 janvier dernier. Il consiste à interdire les pesticides dans l'entretien des espaces publics (espaces verts, forêts, promenades) à partir de 2020 et dans les jardins privatifs à l'horizon 2022. Ce délai doit permettre de s'adapter à de nouvelles méthodes de travail.  L'adoption de ce texte était une nécessité pour la santé publique et la protection de l'environnement. Dépolluer revient beaucoup plus cher que polluer.  Le projet de loi d'avenir agricole avait posé quelques jalons, notamment un suivi post mise sur le marché des pesticides.

 

"Pas de changement de philosophie de la PAC"

 

@! - Que pensez vous des aides PAC (politique agricole commune) pour l'élevage où la France souhaite privilégier les exploitations de plus petites tailles ?
B. A. -  La logique d'une Politique agricole commune est de bâtir une politique agricole au regard des besoins en alimentation des populations européennes. Cela devrait être cela. La PAC est entrée au fil des années dans une logique mercantile au détriment d'une politique alimentaire, en privilégiant les grosses exploitations céréalières. Les aides sont globalement découplées de la production, il reste quelques exceptions.  On assiste aujourd'hui à un rééquilibrage,  mais pas un changement de philosophie générale. Ce qui a été obtenu, c'est la convergence des aides au niveau européen. Cela signifie que l'aide ramenée à l'hectare se situe au  même niveau d'un pays à l'autre. Mais, il est dit que ceux qui percevaient les aides les plus importantes ne pourront pas perdre plus de 30 % des sommes qui leur étaient versées auparavant. Le gouvernement français y a apporté un volet important pour les élevages de petite taille : il a souhaité favoriser dans l'attribution des aides les exploitations ne dépassant pas  le seuil de 50 hectares, de type polyculture élevage, nombreuses en Dordogne. Cela revient à "les primer" davantage. Cela constitue une petite avancée.  Mais la légitimité d'une politique agricole aux yeux de nos concitoyens ne passera que par une réflexion plus globale qui ira dans le sens d'un vrai intérêt commun.

 

Claude-Hélène Yvard
Par Claude-Hélène Yvard

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Crédit Photo : Claude-Hélène Yvard