Une gestion bretonne de l’eau, une gestion écologique de l’eau
« La qualité des eaux s’améliore d’un point de vue écologique et chimique, mais à un rythme lent et de façon très inégale. L’objectif actuel du SDAGE Loire-Bretagne de parvenir au très bon état des masses d’eau dès 2015, a été repoussé pour certains secteurs ou certains critères à 2021, voire 2027, faisant abstraction des règlementations européennes.
Nous voulons que la réforme de la décentralisation donne la compétence de l’eau à la Bretagne, mais cela doit être pour mener une politique de l’eau novatrice et différente. »
Retrouvez, ci-dessous, l’intégralité de l’intervention d’Anne-Marie Boudou sur la politique de l’eau dans le cadre du débat budgétaire du Conseil régional de Bretagne.
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En introduction, rappelons qu’un des thèmes de campagne de la majorité actuelle, réaffirmé chaque année lors de la discussion budgétaire, donne comme un axe prioritaire de l’exécutif du Conseil régional de : « Faire figurer la Bretagne au premier rang des régions éco-pionnières ». Nous vous suivons sur cet objectif, mais les moyens peinent à venir tout comme la cohérence entre les politiques. Les orientations stratégiques de la Mission Environnement que vous nous proposez « Pour une exemplarité environnementale », en sont la preuve, même si plusieurs choix vont dans la bonne direction. De plus, 2013 s’inscrit au niveau national dans la poursuite des réflexions sur la transition écologique et la transition énergétique, avec ses déclinaisons régionales, ce qui devrait nous inciter à accélérer les changements. Or, rien de nouveau face aux urgences qui chaque jour se confirment.
La crise économique ne doit servir ni au chantage à l’emploi, ni à une diminution de la prise en compte de l’environnement.
Alors, si comme vous le dites, vous voulez engager une transition économique qui constitue un défi majeur pour la Bretagne, nous vous invitons à ouvrir le grand chantier de la transition écologique, qui sera aussi sociale, en accélérant des projets en cours et en mettant en œuvre de nouvelles orientations politiques et budgétaires.
Tous les mots utilisés par les écologistes depuis plusieurs années, sont peu à peu repris dans les discours des chefs d’Etat, des gouvernements, des chefs d’entreprises, par les médias, donnant l’impression que nos propositions sont intégrées dans les nouvelles orientations des politiques publiques et des stratégies des grandes entreprises. Mais dans un même temps hélas, elles perdent de leur sens, de leur contenu et de leur étendue, telles un produit recyclé qui a perdu les qualités de sa ressource d’origine.
Notre analyse écologique est systémique, comme nous le rappelle régulièrement Gérard Mevel. Alors oui, abordons les projets régionaux à l’aune de cette approche fondamentale. De quelle économie voulons-nous ? De quel développement voulons-nous ? Reprenons un peu de la hauteur pour proposer des stratégies d’avenir qui ne soient pas juste « une économie reverdie ». Nous ne voulons pas d’une politique uniquement réformiste, nous voulons aussi qu’elle soit « évolutionnaire », les transitions l’exigent, qu’elles soient écologique, sociale ou économique !
Sur le programme 611, concernant la qualité des eaux et des milieux aquatiques en Bretagne, celle-ci s’améliore d’un point de vue écologique et chimique, mais à un rythme lent et de façon très inégale, tant géographiquement que par type de polluants ou de dégradation du milieu. Alors que le plan Ecophyto de la loi Grenelle vise à réduire de 50% l’utilisation des phytosanitaires dans un délai de 10 ans, les ventes sont toujours en hausse : en 2011 elles ont augmenté de 1,3% en volume et de 5% en chiffre d’affaire !
Comme vous le savez, l’objectif actuel du SDAGE Loire-Bretagne de parvenir au très bon état des masses d’eau dès 2015, a été repoussé pour certains secteurs ou certains critères à 2021, voire 2027.
Les inventaires des zones humides ne couvrent toujours pas la totalité du territoire breton alors que leur importance est reconnue d’un point de vue fonctionnel et qualitatif pour la ressource en eau, mais aussi pour la gestion des flux, leur capacité épuratrice et leur biodiversité. Quant à leur protection ou leur utilisation respectueuse de leurs fonctions, elles peinent à être connues et donc mises en œuvre.
La totalité du territoire de la Bretagne est maintenant couverte par 21 SAGE correspondants à 21 bassins versants, et leur instance de gouvernance, les commissions locales de l’eau, sont maintenant mises en place.
Suite à l’adoption en juin 2011 de la « stratégie régionale de gestion des eaux et des milieux aquatiques », vous travaillez à la mise en œuvre des trois axes de cette politique. En particulier, les modalités des plans opérationnels des SAGE se précisent dans une optique de gestion intégrée et durable des ressources en eau.
Vous dites vouloir couvrir l’ensemble des champs d’intervention qui ont un impact sur l’eau, l’économie, l’aménagement, les stratégies d’équipement, etc. Il est aussi indiqué que « ces projets opérationnels intégreront des actions relatives à d’autres politiques sectorielles et transversales, car un lien avec des subventions attribuées dans le cadre des autres programmes sera fait, projet par projet ». Tout cela semble aller dans la bonne direction. Mais nous restons dubitatifs quant à la réalisation de vos objectifs, car nous manquons de preuves pour nous laisser aller à l’enthousiasme. Nous resterons donc attentifs à leur mise en œuvre en espérant que votre volonté l’emporte, car comme vous le savez, les résistances sont extrêmement fortes.
L’enthousiasme nous manque tout autant pour la suite de l’application du Plan gouvernemental Algues vertes. Sur huit chartes de bassins versants, nous n’avons pu en approuver aucune et avons déjà voté contre deux d’entre elles. Pour la dernière, celle de l’Horn-Guillec, nous en débattrons dans la suite de notre session, mais son contenu ne vient pas améliorer la série avec un objectif 64mg/l de nitrates, encore loin des 50mg/l maximum de la réglementation et des 10 mg/l conseillés par le Conseil scientifique…
Pour ces huit chartes de territoires, ce sont 15,2 millions d’euros soit 80% de l’enveloppe de 19 millions prévus par la région, hors méthanisation, qui vont être dépensés pour des actions dont nous approuvons certaines, mais dont l’ampleur reste bien en-deçà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de 10mg/l maximum. Et tout cela aux frais du contribuable qui paie l’eau du robinet qu’il a fallu dénitrifier ou bien l’eau en bouteille, beaucoup plus chère. C’est la double peine…
En effet, ce sont bien les consommateurs domestiques qui continuent à payer 80% des redevances servant à financer les actions d’amélioration alors qu’ils ne participent qu’à hauteur de 24% des pollutions par les matières organiques et 14% à celle de l’azote.
Et si je devais parler des aliments issus de cette agriculture intensive qui contiennent les résidus des phytosanitaires et affectent la santé des consommateurs, y compris celle des agriculteurs, ce serait la triple peine ! Où est la justice dans ce système ?
Je le redis, certains agriculteurs ont déjà choisi de changer de système de production, d’autres s’y engagent ou sont prêts à le faire. Appuyez-vous sur eux pour créer un effet d’entraînement vers ceux qui doutent de la possibilité d’y arriver sans dégâts financier dans un système de production qui les enfonce chaque jour un peu plus dans la crise. Rendez-leur un service considérable en leur proposant un accompagnement efficace pour les aider à changer de système.
Si dans le cadre du nouvel acte de la décentralisation, nous obtenons l’expérimentation pour la gestion de l’eau en Bretagne, pourrons-nous modifier cette situation insupportable et aberrante ?
Face à tous ces manques et dans l’attente des évolutions indispensables que vous ne concrétisez pas, nous nous abstiendrons sur ce programme.