Un mouvement puissant de décentralisation pour engager la transition écologique

Session du Conseil régional de Bretagne
Intervention de politique générale
Guy Hascoët pour EELV


Cette rentrée atteste d’une société française inquiète et impatiente, qui manifeste des signes de nervosité et de fragilité. Fragile, du fait des incertitudes et de la mesure de la profondeur du cycle de crise dans lequel nous sommes. Nerveuse, car en attente de solutions rapides. Inquiétante même, quand on analyse le sens de la récente initiative des habitants de Marseille envers un camp de Roms.

Une dynamique de redressement a été énoncée et est lancée. Elle doit s’appuyer pour réussir sur les forces vives et surtout ne pas être conduite dans des cercles fermés qu’ils soient institutionnels ou technocratiques. Le sens et la lisibilité, l’implication des acteurs sont cinquante pour cent des chances de succès.

Cela suppose d’assumer des ruptures dans les pratiques et les habitudes. Il faut ouvrir, élargir, prendre en compte et dans le même temps neutraliser, empêcher tous les cercles qui prétendent détourner à leur seul profit ou vision, des politiques publiques, en accaparer les subsides, freiner toute évolution réglementaire ou dispositions facilitant l’accueil de l’innovation.

Puisque « l’État ne peut pas tout », il serait bien avisé de jouer son vrai grand rôle : celui de créer les conditions des possibles, en laissant Collectivités locales, force vices citoyennes et acteurs socio-économiques s’engouffrer dans des espaces dans lesquels une impulsion est donnée.

L’État doit veiller à ce que, comme ailleurs en Europe, les règlements, les mécanismes de validation de reconnaissance soient ôtés des mains de certains lobbies qui constituent aujourd’hui la raison véritable du recul de l’industrie française, du fait même d’avoir étouffé depuis plus de vingt ans dans l’œuf toutes les filières nouvelles.

L’État doit mettre à disposition des territoires des outils nouveaux, notamment financier. L’ambition légitime de réhabiliter un grand nombre de logements chaque année ou de construire plus, suppose un portage financier de moyen-long terme. Ces investissements s’auto-remboursent. Il faut donc en ouvrir l’accessibilité à tous, organiser la mutualisation du risque, territorialiser le dispositif d’accès. Ce qui se rembourse sur le moyen terme doit être encouragé et sorti de la comptabilité classique, placé dans un compte annexe qui loin de représenter un alourdissement de la dette, constitue un desserrement des contraintes et des charges. Il faut inventer l’équivalent du « leasing » dans l’espace public et mobiliser les stocks financiers à long terme que représentent les milliers de milliards des assurances vies et des caisses de retraite complémentaires.

Le calcul pour l’ensemble du parc bâti français est que son traitement au regard des meilleures performances thermiques connues, en vingt cinq ans, représenterait en non importation énergétique, l’équivalent annuel du déficit actuel de notre balance commerciale. Et comme toujours en matière d’efficacité énergétique, le gain une fois remboursé les travaux, est acquis tout au long des années suivantes.

La montée en puissance de cette dynamique, suppose de revoir les compétences dans un mouvement puissant de décentralisation, de privilégier la proximité et la subsidiarité à chaque fois que cela est pertinent.

La Ministre Marylise Le Branchu l’a rappelé : « La Bretagne a ouvert la voie » et elle est désireuse de disposer des compétences et des moyens qui lui permettront de prendre véritablement son avenir en main. Nous avons entendu avec une grande satisfaction la reconnaissance, enfin, de la diversité des territoires de France. A territoires différents, compétences différentes. La mise en œuvre d’une décentralisation différenciée constitue une avancée majeure, historique. C’est pour la Bretagne la perspective de disposer prochainement d’une compétence pleine et entière pour restaurer la qualité des eaux bretonnes. C’est pour nos langues, l’espoir d’une reconnaissance officielle et d’une généralisation de leur enseignement. Ce sont enfin les moyens pour la Bretagne de mener à bien les indispensables mutations de ses grands secteurs économiques aujourd’hui en difficulté : agro-alimentaire, automobile ou encore chantiers navals. La réforme des institutions est une des clés de la transformation écologique et sociale.

Nous aimerions de même que la question des équilibres des pouvoirs soit au cœur de cette évolution. Nous sommes ici dans un Conseil régional qui n’est plus une Assemblée territoriale depuis la loi de 1999. La réforme de l’époque que j’ai combattue au nom des écologistes dans l’hémicycle, a en clair donné les pleins pouvoirs à l’exécutif, y compris une sorte de 49.3 pour imposer le budget en seconde lecture, mais sans que l’assemblée d’aucune manière, ne puisse jamais remettre en cause l’exécutif. Décentraliser suppose d’anticiper les risques d’abus de pouvoir ou de clientélisme. Toute proximité comporte ce danger bien indépendamment des hommes et femmes aux responsabilités ici ou là.

Et qu’il me soit permis au moment où deux cent parlementaires, excusez du peu, campent sur une attitude de refus vis-à-vis du cumul, de plaider le recours au peuple. Un référendum doit permettre de nous faire faire ce saut qualitatif indispensable. Jamais aucun gouvernement ne peut obtenir des Assemblées qu’elles décident de s’amputer. Le référendum doit consacrer le non cumul et le statut de l’élu, la représentation juste dans des assemblées territoriales des sensibilités politiques, organiser la nouvelle répartition des compétences, régler le droit de vote des étrangers non ressortissants de l’Union Européenne…

De cette dynamique doit émerger un nouveau contrat social, osons le mot un « new deal ». Ce réveil pour qu’il ait lieu suppose une secousse culturelle et politique. Alors que le fait majoritaire semble conduire à devoir en partie épouser les thèses ou attitudes de son concurrent politique – je n’insisterai pas à cette heure sur le décret nitrates mais nous en avons là une démonstration patente – il est nécessaire que notre jeu institutionnel reflète la société réelle, faute de quoi corporations, conservatismes de droite et de gauche, laisseront les coudées franches aux lobbies et aux techniciens de la politique, laissant de côté une part grandissante de nos concitoyens.

Le réveil social et économique passe par la conduite simultanée d’une stratégie de ménagement du pouvoir d’achat, corollaire positif des investissements dans le recul du carbone, dans la décroissance verte et de l’autre d’une accélération de tous les vecteurs nouveaux de développement, souvent regroupés sous le vocable de croissance verte. Tous les obstacles réglementaires et technocratiques doivent être levés, ce qui signifie juridiquement l’inversion de la preuve pour l’État, vis-à-vis de la collectivité quand celle-ci exerce des compétences de plein exercice.

Si les conditions de ce nouveau souffle ne sont pas osées, ce n’est pas telle ou telle majorité qui se trouverait demain en difficulté, mais tout simplement notre vivre ensemble. Alors, de l’audace, de l’audace et encore de l’audace, voilà la posologie.

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