Des trains pour tous. Il n’y a pas que le TGV…

Ce sont bien les trajets en TGV depuis la pointe bretonne et Rennes vers Paris qui structurent l’ensemble de ce protocole d’intention entre la Région et la SNCF votée lors de cette session. Or, pour les écologistes, il s’agit plutôt de repenser en profondeur notre vision des transports et de l’aménagement du territoire. L’urgence de l’accessibilité ne se joue pas à Brest, Rennes ou Quimper, mais à Carhaix, Loudéac, Fougères…

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René Louail

René Louail

Monsieur le Président, Monsieur le Vice-président aux Transports,

Ce protocole d’intention est la traduction concrète du service ferroviaire qui sera offert aux Bretonnes et aux Bretons à la mise en service de la LGV Connéré – Rennes. Je suis au regret de vous dire qu’il nous laisse un sentiment très mitigé.

Nous sommes soucieux comme vous à l’enjeu l’accessibilité des territoires bretons. Nous sommes également soucieux du développement d’une offre ferroviaire de qualité qui encourage l’usage du train, en lieu et place de modes de transports plus polluants.

Mais, vous le savez, nous sommes très sceptiques quant à à la capacité du TGV à remplir ces objectifs. De nombreux Bretonnes et Bretons partagent d’ailleurs nos interrogations, et le fameux « objectif des trois heures », n’est pas aussi unanimement partagé que vous le dites. Je vous renvoie sur ce point aux conclusions du débat public sur le projet LNOBPL, qui souligne que le développement du TGV ne répond pas aux besoins des Bretonnes et des Bretons.

Une politique de transport d’intérêt général allierait donc ambition de réduire les émission de gaz à effet de serre et accessibilité de toutes et tous à un réseau de transport de qualité. Nous devons donc chercher à offrir un service ferroviaire adapté aux besoins quotidiens du plus grand nombre.

Certes, le gain de temps de parcours d’environ 35 minutes sur la section Rennes – Le Mans représente une amélioration considérable du service pour les usagers qui voyagent entre la Bretagne et Paris. Mais quelle part des déplacements les trajets vers Paris représentent-ils ? La grande majorité des déplacements se font à l’échelle locale ou régionale. Les trajets vers Paris étant, pour la plupart des gens, assez rares. Or, la part de voiture individuelle représente 92% des trajets régionaux.

Cessons de confondre vitesse et accessibilité. L’augmentation de la vitesse de déplacement entre quelques grands pôles métropolitains isole toujours plus les autres territoires. Ce sont ces décrochages vecteurs d’inégalités qui provoquent le désarroi, la colère et la frustration des zones oubliées. Nous devons repenser en profondeur notre vision des transports et de l’aménagement. L’urgence de l’accessibilité ne se joue pas à Brest, Rennes ou Quimper, mais à Carhaix, Loudéac, Fougères…

Or ce sont bien les trajets en TGV depuis la pointe bretonne et Rennes vers Paris qui structurent l’ensemble de ce protocole d’intention entre la Région et la SNCF.

Le protocole d’accord qui nous est présenté ici montre bien que la Bretagne est prisonnière du monopole du TGV. L’obsession du gain de temps de parcours vers Paris dégrade la qualité du service pour les liaisons régionales et coûte cher, tant à l’usager qu’à la Région. A l’usager, qui sur la moitié des trajets régionaux sur les axes est-ouest, se voit contraint d’utiliser un TGV, avec réservation obligatoire et tarif plus élevé que celui d’un TER. Certes, les abonnés UZUEL peuvent utiliser librement les TGV, mais au prix d’un complément (article 4 du protocole). A la collectivité, qui versera à Voyages SNCF une compensation pouvant aller jusqu’à 10 millions d’euros annuels pour les services intra-régionaux du TGV (article 8).

De plus, les augmentations de fréquences (+ 2 trains par jour sur Rennes-Brest et sur Rennes Quimper), ne bénéficieront pas aux gares intermédiaires (article 3).

La Région fait son maximum pour améliorer l’offre TER, et nous avons eu l’occasion de saluer les politiques tarifaires mises en place et l’investissement soutenu dans le matériel roulant. Pourtant, nous nous interrogeons sur les évolutions de la qualité du service aux usagers et des conditions de travail des agents. L’article 8 du protocole stipule en effet que « les parties conviennent qu’il sera nécessaire de mettre en œuvre des mesures de productivité, d’évolution des métiers, ainsi que des mesures de rationalisation et d’optimisation de l’offre, des processus de production, du parc matériel, de l’accompagnement et de la distribution. Les économies générées par ces mesures devront permettre de financer les développements d’offres. » Que cela signifie-t-il exactement ? Va-t-on supprimer des contrôleurs à bord des trains ? Quelles lignes sont-elles susceptibles de connaître une « optimisation » (c’est-à-dire sans doute une diminution) ?

Notons certes un point positif : le protocole d’intention propose d’ailleurs un accroissement de 11% du nombre trains.kilomètres. Mais au vu du succès rencontré par le TER et les énormes progrès qu’il nous reste à réaliser en matière de report modal, pourquoi ne pas être plus ambitieux ? Les marges financières sont étroites, utilisons-les pour une politique ferroviaire véritablement d’intérêt général, tant au niveau du service offert que des infrastructures, plutôt que de subventionner toujours plus le TGV.

Sans doute me répondrez-vous que le TGV est une demande forte des entreprises, pour le développement de l’activité en Bretagne. Mais est-ce que la clé de la prospérité, de la réduction des inégalités et de la pollution ne repose pas tout autant, si ce n’est bien plus, sur une offre de mobilité de proximité pour les salariés, les artisans, les petits entrepreneurs et tous les Bretonnes et Bretons ? Sortons des vieux schémas économiques périmés et nuisibles !

Nous nous abstiendrons  sur ce protocole d’intention.

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