Sauver nos paysans pour sauver nos territoires
Tribune éditée dans OUEST-FRANCE le 3 septembre par Yannick Jadot, René Louail, François Dufour et Charles Fournier (1).
Les crises agricoles se succèdent, avec leurs cortèges de paysans et de fermes sacrifiés. Contrairement à ce que nos dirigeants veulent nous faire croire, ces crises ne sont ni inéluctables ni conjoncturelles. Elles s’inscrivent dans une restructuration forcenée de l’agriculture : une partie de la profession et les firmes agroalimentaires, soutenues par les différents gouvernements, ont fait le pari fou de casser les outils de régulation de la production pour tenter l’aventure du marché mondial. Ce marché, en Chine, en Russie et ailleurs, se caractérise par tous les dumpings sociaux et environnementaux. Progressivement, les fermes d’Europe se transforment en usines, les paysans en ouvriers et les animaux en machines maltraitées. Les éleveurs se retrouvent en grande précarité, placés entre le marteau de l’instabilité des prix à l’exportation et l’enclume de l’instabilité tout aussi forte des cours de l’alimentation animale, principalement en provenance d’Amérique du Sud.
En finir avec la fuite en avant
Celles et ceux qui, comme nous, se sont battus contre la fin des quotas, n’imaginaient pas la brutalité et la rapidité de la déflagration. La sortie de crise ne peut pas être d’arracher encore et toujours quelques nouveaux marchés à l’exportation. Elle ne peut, en aucun cas, se traduire par un affaissement des normes sociales, environnementales et sanitaires. Ce serait prendre le risque d’une rupture définitive de contrat entre citoyens et agriculteurs. Pourtant, plans d’aide à l’élevage et politiques agricoles participent de cette fuite en avant. Compte tenu de la gravité de la crise et de sa récurrence, le ministre français de l’Agriculture doit, pour une fois, oser faire des propositions courageuses à ses collègues pour sortir de l’impasse.
Elles sont de trois ordres :
– Un plan de diminution de la production laitière – et non des paysans – en responsabilisant les surproducteurs. Si ce plan ne doit pas concerner les petits et moyens producteurs, il doit être établi au prorata des volumes produits par exploitation sous la responsabilité des États européens.
– Réorienter les plans de modernisation bâtiments, abondés par l’État et les Régions. Si la modernisation des bâtiments d’élevages est une nécessité pour amoindrir la pénibilité du travail agricole, ceux-ci ne doivent plus être des leviers à la mise en place de fermes usines responsables des surproductions, ruineuses et destructrices de l’équilibre des territoires.
– Réactiver les organisations communes de marché, ce qui signifie privilégier les débouchés européens rémunérateurs à partir de produits de qualité. Les fonds annoncés par le commissaire à l’Agriculture pour faire du dumping et favoriser les exportations vers des pays tiers, doivent être réorientés sur des filières à fortes valeurs ajoutées, seuls moyens pour construire le mécanisme de prix garanti rémunérateur qu’attendent les producteurs. Au moment où la France et l’Europe subissent des restrictions budgétaires drastiques, ce n’est pas plus d’argent public mal utilisé qui permettra de sortir de cette situation. Ce n’est plus en faisant semblant de défendre les petits éleveurs tout en finançant une folle fuite en avant que nous sauverons nos territoires.
Nous avons besoin d’un nouveau souffle pour l’agriculture. Des dirigeants européens avaient eu l’intelligence de réguler la production laitière. D’autres ont eu la stupidité de les casser.
Dans quel camp est notre ministre de l’Agriculture ?
-> Par un groupe d’élus ou d’ex-élus Europe-Ecologie-Les-Verts de Bretagne, Normandie et région Centre.
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(1) Photo non-communiquée : Michelle Rivet, présidente EELV de la commission Agriculture de la région Centre.
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