Redonner du souffle à la France ? C’est possible
René Louail, dans son intervention de politique générale revient sur la crise agricole qui touche la région en replaçant le débat autour des causes véritables et réelles: les dérèglements du marché, la surproduction…Il accuse non pas l’Etat mais bien certains acteurs économiques, « lâches, au comportement minable ». Enfin, il s’interroge sur la disparition de nouvelles ressources pour les Régions aujourd’hui « otages de la politique drastique de l’Etat ».
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Monsieur Le Président,
Ma première pensée va en direction de ces dizaines de milliers de jeunes qui, à Hong Kong, bravent depuis des semaines un pouvoir communiste violent et répressif, indifférent aux principes élémentaires de la démocratie.
Ce mouvement non violent, relayé de temps à autre par nos médias, a laissé insensibles les dirigeants occidentaux. Faut-il en déduire que les intérêts des échanges mondiaux soient plus importants que les droits inaliénables d’un peuple à la liberté et la démocratie ? Alors qu’en Chine, les mouvements de contestation se multiplient, la répression quotidienne étouffe le désir de justice économique et sociale. Aveuglés par les mirages de la puissance économique, nous ne voulons rien voir.
« Croissance économique » et « laissez faire, laissez passer » les flux de capitaux : les dogmes de la mondialisation libérale deviendraient-ils l’unique horizon de la civilisation au 21ème siècle ?
Mais revenons à la Bretagne. Il y a peu, une poignée de courageux anonymes cagoulés a déshonoré l’image de notre région et celle de ses paysans en particulier, en mettant le feu à la M.S.A et au centre des impôts de Morlaix. Ces lâches, au comportement minable, que toute la Bretagne connaît nominativement à l’exception du système judiciaire, passeront probablement entre les mailles de la justice.
Nous saluons tous ceux et celles qui ont condamné ces exactions, et particulièrement vous, M. le Président.
Comment ne pas être indigné !
Cette crise agricole arrive après 2 années de conjoncture très favorable : des terres ont été achetées à 15 000 voire 20 000€ l’hectare, sans parler de l’achat de parcs matériels indécents… Elle est le résultat, comme les précédentes, d’une crise de surproduction et d’un refus de régulation de l’offre, liée à une attitude du chacun pour soi. L’embargo russe n’est qu’ un prétexte pour éviter un véritable débat sur la régulation de la production.
Comment ne pas être indigné ?
Le mécanisme de mise en marché des produits agricoles, [ce fameux « marché au cadran »] est un outil de spéculation et non de régulation et de valorisation des produits : 2-3% d’excédent de production provoque un effondrement des prix de 20-30% .
Non, ce n’est pas l’État qui est responsable de cette crise et de ce désastre économique et social, mais bien certains acteurs économiques de la région. Dans ce contexte, la ligne de conduite de Stéphane Le Foll est incompréhensible : un jour, il condamne à juste titre ces actions sauvages, le lendemain, il reçoit en grande pompe les responsables et leur octroie une remise de charges patronales.
Cette prime à la délinquance condamne l’agriculture soutenable respectueuse des hommes et de l’environnement. C’est un signal catastrophique pour l’avenir de nos territoires et leur cohésion. La crise qui touche la production légumière va s’étendre aux productions porcines et laitières avec la fin des quotas. Vouloir conquérir à toute force les marchés mondiaux dans un contexte de volatilité des prix et de climat géopolitique extrêmement fragile, est une chimère. Les dérives de l’agro-industrie laissent toujours plus de paysans et d’ouvriers de l’agroalimentaire sur le carreau : il est temps de changer de modèle. C’est en prenant toute notre place sur le marché européen, qu’on pourra assurer la stabilité des différentes filières agricoles et agroalimentaires.
Autre incompréhension : pendant qu’une loi sur la transition énergétique est votée, la Ministre de l’environnement a cédé aux lobbies du secteur routier en supprimant la taxe poids lourds. Cette décision n’est pas une victoire pour l’économie bretonne, bien au contraire. Sa suppression, c’est la disparition de nouvelles ressources pour financer les projets d’infrastructures indispensables à l’économie bretonne de demain.
La suppression de cette taxe, c’est aussi des moyens en moins pour une politique d’aménagement équilibré du territoire.
Les pollueurs ne paieront pas : le manque à gagner pour l’État sera supporté par les ménages. Des projets d’intérêt général seront gelés, pénalisant la population et les entreprises.
Comment financerons-nous l’entretien des infrastructures, routières et ferroviaires, existantes ?
Comment développerons-nous le fret ferroviaire ?
Comment valoriser notre formidable façade maritime, outil d’ouverture pour l’économie bretonne ?
Il est temps de répondre à ces questions, concrètement.
Enfin, dernier point d’inquiétude, sur lequel notre assemblée reviendra sans doute plus longuement lors du débat d’orientation budgétaire : le régime sec que l’État impose aux collectivités.
Alors que nombre de collectivités territoriales, dont la Bretagne, ont su avoir une gestion raisonnée de leurs finances, c’est une sorte de punition collective qui leur est infligée. Les réformes de décentralisation successives devaient apporter une plus grande autonomie aux échelons locaux, c’est aujourd’hui l’exact inverse qui se produit : n’ayant que très peu de ressources fiscales propres, les collectivités sont otages de la politique drastique de l’État.
Les 40 milliards d’euros transférés des ménages vers les entreprises via le CICE et le Pacte de responsabilité n’ont pas eu les effets escomptés. Ils ont surtout permis de gonfler les bénéfices de quelques grands groupes. Avec cette politique dite de « l’offre », on voit les deniers publics se perdre dans les sables et dans les poches de quelques uns. Il n’y a pas de politique de l’offre sans politique de la demande. Une politique de contraction des revenus des ménages ne génère pas de demande, il faut donc parier sur une demande extérieure. Pourquoi, dans ce cas, les entreprises investiraient- elles en France plutôt que dans les pays où elles font plus de marges ?
Une action publique dynamique et intelligente, concertée avec l’ensemble des acteurs économiques et sociaux, n’a jamais été aussi nécessaire pour répondre aux défis de la triple crise écologique, économique et sociale.
Les Régions sont les mieux placées pour accompagner la transition énergétique et l’aménagement soutenable et équilibré du territoire, pour favoriser le développement des investissements et encourager la solidarité.
Pour redonner du souffle à la France,
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osons une véritable réforme territoriale enfin claire et lisible.
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construisons une nouvelle dynamique en offrant aux collectivités, et en premier chef, aux Régions, les moyens d’agir
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allons vers une économie solidaire avec des emplois durables qui profitent à tous les territoires.