Pour répondre aux crises, une relance écologique et sociale
La crise économique n’a pas fini de laisser des traces. La Bretagne subit, plus que d’autres, l’aggravation du chômage. Il est une autre crise qui provoque des drames inacceptables : la dégradation de l’environnement met en péril les fondements même de notre existence.
Lors de l’ouverture de la session budgétaire du Conseil régional cet après-midi, Guy Hascoët, Président du groupe EELV a déclaré : « L’ensemble des subventions régionales devraient être conditionnées à des objectifs de création d’emplois et de préservation de l’environnement. Or, pas une fois, le terme écologie , ou même Développement Durable, n’est utilisé dans l’introduction au budget que nous avons à débattre aujourd’hui. Nous voulons bien croire que ce budget se veut une réponse à la crise, mais nous savons d’ores et déjà que celle apportée par la majorité régionale ne marche que sur un pied. »
Les territoires sont le principal levier de création d’emplois. Ils ont les atouts pour engager la transition écologique. Nous adhérons à la volonté de la majorité régionale de maintenir un fort niveau d’investissement. Mais cela ne suffit pas si ces derniers sont dirigés vers des projets dont l’obsolescence est programmée. Nous voulons des investissements plus utiles, mieux utilisés.
Retrouvez ci-dessous les propositions d’Europe Ecologie Les Verts et l’intervention de Guy Hascoët, Président du groupe EELV Bretagne au Conseil régional.
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Intervention de Guy Hascoët en session du Conseil régional de Bretagne le 7 février 2013.
Cette session qui s’ouvre aujourd’hui devrait se prolonger jusque samedi en fin d’après-midi. C’est dire, au vu du contexte actuel, l’importance de cette session budgétaire, et sans doute, nos débats nous empêcheront-ils donc de participer aux mobilisations à Nantes, Brest et Rennes pour la création d’un service public audiovisuel bilingue en Bretagne.
Cette revendication que nous portons de longue date verrait-elle enfin le jour? Nous ne pouvons que le souhaiter et l’attente est forte du côté des salariés de France 3, lesquels, à travers leurs syndicats, soutiennent cette démarche qui leur ouvrirait de nouvelles perspectives. Car à l’heure où notre priorité commune est la création d’emplois, la construction d’un service public audiovisuel régional est, à n’en pas douter, le meilleur moyen de démontrer que nos langues et nos cultures ne sont pas seulement une richesse immatérielle, elles sont aussi un atout économique et social.
Pourvu donc que l’attente ne soit pas déçue, car cela a malheureusement trop souvent été le cas ces derniers mois. En effet, il est une autre opportunité qui aurait pu amener de nouveaux emplois en Bretagne. En matière de technologies numériques, pour lesquelles notre Région a de grandes ambitions, le projet de loi écologiste qui avait vocation à protéger la santé de nos concitoyens des risques résultant de l’exposition aux ondes électromagnétiques ouvrait aussi de nouvelles perspectives à l’industrie des Communications. Les entreprises qui sauront développer des technologies alliant mobilité et sécurité sanitaire effaceront leurs concurrents. Sous les coups d’une Ministre visiblement attentive aux arguments des lobbies, cette loi n’a même pas pu être débattue. Ne nous étonnons pas, donc, si demain les marchés sont pris par d’autres. Quant aux propos de cette même Ministre, déclarant que les ondes électromagnétiques faisaient l’objet de « peurs irrationnelles », nous ne pouvons que souhaiter que celles-ci ne soient pas le futur scandale sanitaire de demain.
Cette faculté à balayer d’un revers de la main un débat et des propositions novatrices, c’est l’un des maux de la France. Il empêche souvent les projets d’avenir en protégeant les pré-carrés de grandes entreprises nationales. C’est parce qu’il faut protéger AREVA et la filière nucléaire que l’essor des énergies renouvelables a été tardif, c’est parce qu’il faut protéger les grands opérateurs de télécommunications français que le débat sur les ondes n’aura pas lieu, c’est pour Vinci et les multinationales du BTP qu’il faut un nouvel aéroport à Notre Dame des Landes, c’est pour les grands opérateurs de l’énergie qu’il faut une centrale gaz à Landivisiau. Le résultat on le connaît : les investissements vont à quelques grandes infrastructures quand l’argent manque pour répondre aux urgences sociales et environnementales, pour accélérer les investissements qui nous protégeront du mur environnemental comme des détestations sociales accrues. Et l’on s’étonne ensuite que les Français s’impatientent ; que le changement se fasse attendre.
Les termes d’une relance ne peuvent être qu’écologiques et sociaux. N’en déplaise à certains, il ne peut y avoir développement économique sans un environnement et des ressources naturelles préservés. A titre d’exemple, je rappellerai que nous sommes aujourd’hui entrés dans un cercle vicieux : dès que la conjoncture s’améliore, l’envolée de la demande énergétique qui en découle crée une tension sur les prix des énergies, qui se répercute sur le prix de toutes les matières premières, même alimentaires. Et ceci fait irrémédiablement replonger le cycle économique.
Pas de salut donc si nous n’amenons pas une mutation profonde de notre modèle de développement en investissant rapidement et massivement sur le recul du carbone dans nos vies, comme dans nos chaînes de transformation. Pour y parvenir, il faudra que les dirigeants nationaux, comme nous, élu-e-s locaux, acceptent le principe que tout argent donné n’est pas égal s’il entraîne des destructions ou non, s’il est un vecteur de création d’emplois, s’il appuie ou non le développement d’une société de l’après-carbone. Partout, et particulièrement dans cet hémicycle, une réflexion accélérée doit s’engager pour concentrer les dispositifs, les aides et les budgets à cette transition sociale et environnementale. De ces impératifs doivent découler les nouvelles priorités.
L’argent se fait rare, alors orientons autrement nos investissements. Il est encore temps de renoncer à la subvention au projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes et nous préférons, comme cela a été le cas en début de semaine, voir des paysans rouvrir une ferme au cœur du bocage nantais que de l’imaginer coulée sous le béton. Il faut aussi en arrêter avec les logiques de guichets territoriaux qui continuent de réaliser des investissements disproportionnés ou inutiles : un terrain de foot pour mille habitants, des stades magnifiques, mais sans équipe, des projets de salles culturelles dignes de ville centre départemental, dans tel ou tel arrondissement dont le seul mérite sera l’ampleur des charges et des déficits, des aménagements à la papa, où le nombre de mètres linéaires de trottoir le long des prés à vaches, les surfaces vides mais bitumeuses de zones commerciales attendant d’hypothétiques entreprises, semblent servir de mètre étalon du développement économique.
Les besoins sont ailleurs. En matière d’énergie : pour enrayer la précarité énergétique et réhabiliter 50 000 logements chaque année ; pour les boucles énergétiques ; pour adapter les réseaux électriques existants ; pour transformer l’énergie électrique en gaz de synthèse et inversement convertir de l’énergie ainsi stockée en électricité ; pour accélérer la marche vers les Energies Renouvelables, et notamment marines – à quand un appel à projet régional pour prendre la main sur l’éolien flottant et les grandes hydroliennes ?
Il nous faut aussi innover pour accompagner socialement le mouvement de baisse du pouvoir d’achat qui s’annonce. Protéger nos concitoyens face à l’avenir passe notamment par la pierre mais, face à des logements chers et des revenus en baisse, permettre l’accès à la propriété appelle de nouveaux mécanismes. Nous avons proposé deux fois, ici, que la région étudie un modèle d’acquisition du logement principal qui copie celui des coopératives de logement, l’acquisition progressive au travers de tous les loyers versés, jusqu’au transfert à terme de la propriété. Cette proposition est reprise par le CESER dans son étude sur le logement publiée en ce début d’année.
Sans épiloguer, sans doute la consigne ou l’habitude de dire non par principe aux propositions de notre groupe, vous a amené à juger inutile de retenir cette idée, ni même de l’étudier. Je disais, tout à l’heure que la faculté à balayer d’un revers de la main des propositions novatrices était l’un des maux de la France. Oserai-je dire que nous ne connaissons que trop bien cette attitude ici aussi en Bretagne ?
Nos territoires comme notre pays décrochent depuis longtemps déjà, car on y encourage institutionnellement le refus de l’autre, on y organise le rejet des innovations, comme des forces nouvelles. Et, je ferai, pour conclure, une remarque qui m’apparaît symptomatique de ce que j’ai décris précédemment : nous sommes en 2013, et pas une fois, je dis bien pas une fois, le terme « écologie », ou même « Développement Durable », n’est utilisé dans l’introduction au budget que nous avons à débattre aujourd’hui. Nous voulons bien croire M. Le Président que ce budget est une réponse à la crise, nous partageons avec vous ce souci d’apporter des réponses concrètes à nos concitoyens, mais nous savons d’ores et déjà que la réponse que vous apportez aujourd’hui ne marche que sur un pied.