Pacte d’avenir, un rendez-vous manqué
« Le pacte d’avenir devait être défini en co-construction. Cette démarche était d’une importance d’autant plus capitale qu’il engage la Bretagne pour les années à venir. Mais au final, il a été élaboré à marche forcée, sans participation de la société civile, sans démarche prospective. En accélérant le processus de concentration de l’agriculture, en négligeant les salarié-e-s, les PME et l’environnement, ce pacte prépare le terrain à de nouvelles crises et ne répond pas aux besoins des breton-ne-s.
Nous voulions que ce plan soit l’occasion d’un véritable « new deal » entre les bretonnes et les bretons, entre la Bretagne et l’Etat. Mais au moment où nous avons besoin d’un mouvement d’ampleur en faveur de la décentralisation nous assistons à l’inverse à une recentralisation qui étouffe progressivement les collectivités locales en compressant leurs libertés et leurs budgets recettes. De plus, deux absents de marque sont à signaler : l’environnement et le social.
Nous avons donc encore une fois le sentiment d’un rendez vous manqué. Ceux qui gagnent aujourd’hui, ce ne sont pas les bretons mais une poignée de grands patrons influents qui ont l’écoute du gouvernement. Nous ne sommes pas certain que leur souci soit toujours l’intérêt général de la Bretagne et de ses habitant-e-s. »
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention de Guy Hascoët sur le pacte d’avenir en session du Conseil régional de Bretagne le 12/12/2013.
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En 2009, à une large majorité de l’UMP au PS en passant par le Nouveau Centre, l’éco-taxe est inscrite dans la loi. Il faut se souvenir qu’à l’époque, les écologistes à l’Assemblée Nationale se sont abstenus considérant notamment que sa mise en œuvre poserait des difficultés.
Si je rappelle cela, c’est parce que cette écotaxe a été utilisée comme prétexte par quelques grands dirigeants de l’agro-alimentaire breton pour cibler le gouvernement et la fiscalité en général et tenter de faire croire que l’écologie était la cause des difficultés économiques bretonnes. Pour masquer leur responsabilité dans la crise, ils ont orchestré leur communication à grands coups de symbole quitte à tordre quelque peu l’histoire bretonne. S’appuyant sur des craintes légitimes au plan social, ils sont su utiliser le fort attachement des bretons à leur territoire, ou encore un réflexe un nationaliste en tout petit, qui est l’inverse du régionalisme positif que nous défendons.
Quelques portiques mis à terre plus tard, nous voici aujourd’hui face à un document intitulé « pacte d’avenir » mais qui est en réalité d’abord une grande action de communication pour « désamorcer ». Ceux là même qui militent depuis des années pour une agriculture mondialisée, pour la dérégulation du marché du travail, ceux là qui veulent moins d’Etat, ont fait reculer le gouvernement au profit de leurs intérêts et vont obtenir aujourd’hui une manne d’argent publique considérable, tout en réclamant moins d’impôts… cherchez l’erreur.
Le pacte d’avenir devait être défini en co-construction. Cette démarche est d’une importance d’autant plus capitale qu’elle devrait engager la Bretagne pour les années à venir. Mais au final, il a été élaboré à marche forcée, sans participation suffisante de la société civile, sans démarche prospective approfondie. En accélérant le processus de concentration de l’agriculture, ce pacte prépare le terrain à de nouvelles crises et ne répond pas aux besoins des breton-ne-s.
La situation que connaît aujourd’hui notre Région fait qu’il y avait de la place pour un vrai pacte qui aurait participé à écrire le futur et construire un avenir pour tous et toutes, ici en Bretagne. Il aurait du être porté par le Conseil régional plutôt que de descendre déjà ficelé de Paris.
Ce plan va concentrer la moitié de ses moyens dans la seule filière agricole et agro-alimentaire. Si ce sont des secteurs importants pour notre région, on en vient parfois à se demander s’il existe d’autres filières économiques en Bretagne. Lorsque certains secteurs sont en difficulté, il faut pouvoir s’appuyer sur d’autres en meilleure santé. Pour cela il faut une politique économique plurielle. En concentrant ainsi massivement ses efforts sur une filière, il est permis de s’interroger sur les conséquences futures que le pacte va engendrer.
Il ressort de cette crise quelques messages qui doivent ici, au sein de l’enceinte du Conseil régional de Bretagne, nous servir de cap. L’idée du pacte d’avenir est juste, mais à plusieurs conditions :
Il doit être cohérent et organiser un véritable saut vers le futur. Il doit se soucier du fossé qui se creuse entre l’est et l’ouest de la Bretagne. A cet égard les annonces récentes sur BGV, comme l’insistance de se projeter dans une mégalopole Rennes Nantes, ne peuvent qu’inquiéter car elles sont la consécration d’un développement à deux vitesses. Le pacte d’avenir s’enferme dans cette option.
Il doit dire la vérité : d’autres régions connaissent des difficultés plus marquées que la Bretagne. En conséquence demander un effort à l’Etat suppose aussi de faire de la Bretagne une Région précurseur, dont les avancées peuvent être utiles aussi à d’autres territoires.
Il doit préparer l’avenir et nous éloigner de ceux qui continuent à se référer aux décisions du Président De Gaulle en 1959, comme-ci en soixante ans, la Bretagne, la France, l’Europe, le Monde n’avaient pas évolué.
Ce pacte doit de plus organiser la décentralisation. Il n’est pas acceptable que soit absent dans ce document la demande d’un statut spécifique pour la Bretagne comme le Conseil régional en a émis le vœu voilà six mois. Il n’y a ici aucune réponse sur ce sujet.
En un mot, nous voulions que ce plan soit l’occasion d’un véritable « new deal » entre les bretonnes et les bretons, entre la Bretagne et l’Etat.
Mais au moment où nous avons besoin d’un mouvement d’ampleur en faveur de la décentralisation nous assistons dans les faits à une recentralisation qui étouffe progressivement les collectivités locales en compressant leurs libertés et leurs budgets recettes.
De plus, deux absents de marque sont à signaler : l’environnement et le social. Les syndicats réclament à juste titre un pacte social. Seize associations bretonnes se sont groupées pour faire connaître leur position et s’insurgent contre l’absence de prise en compte de la question environnementale.
Il fallait prendre le temps d’aller au fond des débats sur l’avenir des filières numériques, des nouvelles formes de mobilités, du tourisme, des infrastructures de transports, sur la question de la valeur ajoutée, de l’éducation et de la formation, de la transition énergétique, des énergies renouvelables, du stockage de l’électricité, du potentiel des réseaux électriques intelligents… bref, de toutes les filières innovantes qui sont les emplois de demain.
Nous avons encore une fois le sentiment d’un rendez vous manqué. Ceux qui gagnent aujourd’hui, ce ne sont pas les bretons mais une poignée de grands patrons influents de l’agro-alimentaire qui ont l’écoute du gouvernement. Nous ne sommes pas certain, hélas, que leur souci soit toujours l’intérêt général de la Bretagne et de ses habitant-e-s.