Le pacte d’avenir est le plan de la fuite en avant

« Ce pacte, sur le volet agricole et agro-alimentaire, est construit avec le logiciel du siècle dernier. Il est un plan du passé, de la fuite en avant, du court terme. Il est imposé par un lobby organisé et aux revenus indécents, revenus largement issus des subventions publiques.

Les mesures d’urgence sociales sont plus que jamais nécessaires aux salarié-es. Elles doivent être adoptées aujourd’hui.

Le pacte d’avenir peut permettre d’engager la transition écologique et sociale de l’économie bretonne, il faut participer à recréer un contrat entre agriculture et société.  Mais celui qui nous est présenté aujourd’hui est voué à l’échec, il doit être renégocié. C’est pourquoi nous demandons à pouvoir procéder à un vote dissocié sur les mesures d’urgence sociale et le pacte. »

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention de René Louail sur le pacte d’avenir en session du Conseil régional de Bretagne le 12/12/2013

Ce plan devait être co-construit, mais l’urgence avec laquelle il a été élaboré n’a pas permis un débat de fond serein sur l’avenir de la Bretagne. Le vote du CESER mardi dernier l’a démontré. L’avis qu’il a rendu lundi n’a pas recueilli de majorité, les abstentions et les votes « contre » sont plus nombreux que les votes « pour ». Il n’y a clairement pas consensus sur ce pacte et on peut le comprendre.

Ce plan va concentrer la moitié de ses moyens dans la filière agricole et agro-alimentaire. Nous devons alors nous poser plusieurs questions :

– Ce plan est-il à la hauteur pour faire face à la désespérance de centaines, voire de milliers de salarié-es laissé-es sur le bord de la route?

– Ce plan permettrait-il d’anticiper les crises à venir à la veille de l’application française de la Politique Agricole Commune, des négociations bilatérales – notamment entre l’UE et les Etats-Unis – qui auront un impact certain sur nos filières (Canada, Grand Marché Transatlantique, OMC) ou encore de la fin des quotas laitiers qui impacteront largement la Haute-Bretagne?

Ce plan a-t-il pour ambition de s’inscrire dans la transformation écologique et sociale de l’agriculture et de l’agroalimentaire de notre région, comme cela a été promis à maintes reprises?

– Permettra-t-il, un temps soit peu, de participer aux défis climatiques et énergétiques, à redonner de la valeur ajoutée à nos territoires?

La réponse est clairement non ! Ce pacte, sur le volet agricole et agro-alimentaire, est construit avec le logiciel du siècle dernier. Ce pacte, M. le Président, c’est le plan du passé, c’est le plan de la fuite en avant, du court terme. Il est imposé par un lobby organisé et aux revenus indécents, revenus largement issus des subventions publiques.

La crise n’a pas commencé en juin 2012. D’ailleurs, dès 2001, un large consensus avait permis un diagnostic du modèle agricole et agroalimentaire breton et l’élaboration de la « charte de l’agriculture pérenne en Bretagne ». Mais dix ans après et 30 000 emplois en moins, il y avait encore récemment des voix qui s’élevaient pour se féliciter que la Bretagne supporte mieux la crise grâce à son secteur primaire. Ce manque d’anticipation redoutable nous plonge dans la situation actuelle. Pour preuve, la crise économique qui secoue l’agro-alimentaire breton est circonscrite à la production et à la transformation de viandes blanches et rouges, et de poissons d’élevage, secteurs tous soumis à une concurrence plutôt intra-européenne pour l’instant mais aggravée prochainement par un contexte international en pleine évolution. Ces crises sont prévues depuis longtemps. Elles n’en sont probablement qu’à leur début…

L’heure est donc aux choix, et puisqu’il n’y a pas eu d’anticipation, ces choix se font dans l’urgence au risque de la précipitation. Les divergences sont réelles et fortes sur les orientations à prendre pour sauver le modèle agro-alimentaire breton.

Le pacte d’avenir en l’état, prévoit de soutenir les exportations agroalimentaires, c’est-à-dire de s’inscrire dans le prolongement de l’existant. Ce dispositif, déjà éprouvé, est responsable de la crise industrielle, environnementale et sociale bretonne. Cette obsession nous désole ! Ce choix d’affecter, dans cette première maquette financière, 450 Millions pour consolider le développement à l’export, auxquels s’ajoutent les 15 Millions pour le secteur déjà en péril qu’est la filière avicole, et sans que jamais l’objectif de reconquérir le marché intérieur ne soit prioritaire, en dit long sur la lecture à court terme de ce pacte. Les grands discours entendus après la crise Doux sont apparemment déjà oubliés.

Le pacte prévoit ensuite 170 Millions sur le Plan de Modernisation des Bâtiments d’Élevage (PMBE) et 172 Millions, sur celui baptisé « double performance économique et environnementale ». Ces fonds s’inscrivent dans une logique de concentration des productions animales en Bretagne, avec comme point d’orgue, l’allègement du dispositif réglementaire dans le domaine de l’environnement. Ces moyens financiers très importants, à destination de moins de 10% des plus gros exploitants, vont construire à marche forcée une agriculture qui consistera à produire à bas prix, sous perfusion d’aides européennes et à partir de gigantesques « fermes usines » que seuls des entrepreneurs auront les moyens de reprendre. Cela revient à mettre purement et simplement les paysans dehors, et par voie de conséquences, à vider nos campagnes, nos commerces et nos écoles ! Ce n’est pas notre vision de l’avenir.

Enfin, comment ne pas s’étonner de la faiblesse des moyens sur le dispositif social, l’accompagnement des salarié-es, l’amélioration de l’adéquation entre produits et marché (notamment sur les circuits de proximité), ou encore sur la recherche, l’innovation et l’amélioration de la valeur ajoutée. A ce stade, seulement 139 Millions sont prévus.

Le pacte d’avenir peut permettre d’engager la transition écologique et sociale de l’économie bretonne. Il peut participer à recréer un contrat entre agriculture et société ! Mais en donnant raison à ceux qui ont échoué, vous prenez le risque d’une fracture supplémentaire construite sur l’incompréhension. Il faudra désormais des actes forts pour rétablir la confiance.

Les mesures d’urgence sociales sont plus que jamais nécessaires aux salarié-es. Elles doivent être adoptées aujourd’hui.

Pour le reste, ce pacte est voué à l’échec, il doit être renégocié.

C’est pourquoi nous demandons à pouvoir procéder à un vote dissocié sur les mesures d’urgence sociale et le pacte.

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