Le changement se fait attendre, l’urgence n’est pas d’imposer un aéroport inutile
« Le changement promis avant juin n’est pas au rendez-vous. Nous sommes déçus de voir comment sont appréhendés les grands dossiers du moment : Florange, PSA, l’agroalimentaire… et dans le même temps l’entêtement à réaliser des grands projets coûteux et à l’utilité contestable est toujours plus fort. Notre Dame des Landes n’est pas un projet d’intérêt général. Le passage est en force est intolérable et si la création d’une « commission du dialogue » a été un signe d’ouverture, elle doit pouvoir débattre de l’abandon du projet. Elle ne pourra débattre sereinement qu’après le départ des forces de l’ordre. Toute nouvelle intervention violente sera inacceptable et indigne de notre démocratie. »
Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention de René Louail, au nom d’EELV, en ouverture de la session du conseil régional de Bretagne.
Au prix d’une journée de négociations supplémentaires, les 190 pays réunis à Doha ont acté un compromis minimaliste. Le protocole de Kyoto est certes préservé mais nous sommes aujourd’hui dans une configuration où seuls les pays responsables de 15% des émissions de gaz à effet de serre restent engagés dans une réduction de leurs émissions. Doha marque une nouvelle fois l’affaiblissement des négociations sur le climat.
Cette politique de la terre brulée de la part des grands dirigeants de ce monde nous mène dans le mur. Depuis la première conférence mondiale sur le climat, en 1979, et les publications successives du GIEC, le processus de réchauffement s’accélère et le seuil critique de dépassement des deux degrés risque d’être largement dépassé. Pourtant, certains osent encore laisser croire que le réchauffement climatique ne saurait être résolu au nom du développement économique des grandes puissances et des pays émergents. Perçoivent-ils seulement que le coût de la dégradation de notre environnement est bien plus grand? La protection de notre planète est la condition du développement, voilà ce qu’aurait dû rappeler les participants de la conférence de Doha.
L’immobilisme d’une part importante de la classe politique est inacceptable. Elle questionne les fondements de notre démocratie. Si rien, ou trop peu, n’est fait, nous subirons dans la douleur les modifications de notre environnement. Il est temps d’agir, encore faut-il qu’une impulsion politique soit donnée.
Le changement promis avant juin n’est pas au rendez vous. La crise de confiance s’installe dangereusement, et ce n’est pas sur le terrain de la violence et de la performance sécuritaire de ces derniers jours que nous attendons le Président que nous avons élu, mais bien sur celui du respect de ses soixante propositions, pour la transition écologique de l’économie, pour que soit inverser la prévision d’un million de chômeurs supplémentaire d’ici la fin du quinquennat. Nous pouvons entendre que les conservatismes de tout bord et le carcan de l’État nation nous empêche d’agir. Dans ce cas, accélérons la construction de l’Europe, une Europe dont nous pouvons être fiers mais qui vient pourtant de recevoir le prix nobel de la paix dans l’indifférence générale, preuve que celle des peuples reste à imaginer. Renforçons le pouvoir de nos Régions puisque la majorité de la classe politique, tous bords confondus, s’accorde pour affirmer qu’elles sont le levier de la création d’emplois, comme de la protection de l’environnement. Pourtant, là aussi, et de façon incompréhensible, les ambitions se font attendre.
Nous sommes déçus de voir comment sont appréhendés les grands dossiers du moment : Florange, PSA, l’agroalimentaire…etdans le même temps l’entêtement à réaliser des grands projets coûteux et à l’utilité contestable est toujours plus fort.
Le nucléaire est la seule industrie dans toute l’Histoire dont les coûts de production augmentent dans le temps à mesure que les réalités incontournables de la filière, démantèlement et gestion des déchets, sont intégrés à son coût. 8,5 milliards d’euros pour nu réacteur EPR de 1 600 MW, c’est l’équivalent en coût de 7 000 MW éolien, créateurs de cinq fois plus d’emplois.
A l’heure des restrictions budgétaires, il est encore temps de réorienter ces investissements. C’est ce qu’avait laissé entrevoir le Président Hollande au lendemain de son élection. En effet, le 8 mai 2012, les paysans de Notre Dame des Landes cessaient leur grève de la faim après avoir obtenu l’engagement du gel des expulsions tant que tous les recours en justice n’auraient pas été épuisés, soit deux ans de répit. Pour ceux qui vivent depuis la fin des années 60 avec la crainte d’une implantation de l’aéroport qui provoquerait la destruction de leur maison et de leur terre, ce répit était un réel soulagement. Sur le plan politique, une parenthèse était mise sur un projet conflictuel et le gouvernement d’union de la gauche et des écologistes pouvait sereinement se mettre au travail.
Pourtant, le 16 octobre, plus de mille policiers et militaires lançaient l’opération César et tentaient d’expulser les derniers habitants de la Zone d’Aménagement Différée. La suite vous la connaissez : lacrymogènes en tir tendu, flash-ball, grenades assourdissantes, mais aussi balles en caoutchouc…, le bocage de Notre Dame des Landes a été plongé dans une violence inouïe, inutile, injustifiée et dangereuse.
Rapidement, César patauge, l’opération militaire s’enlise et la mobilisation citoyenne contre le projet prend une ampleur sans précédent, et ce dans toute la France.
Aujourd’hui encore, nous nous interrogeons : quelle nécessité Jean-Marc Ayrault avait-il d’ouvrir les lignes de clivages entre les deux composantes de son gouvernement, et ce, seulement quelques mois après que le Président de la République ait trouvé une solution d’apaisement?
Certainement, l’immense cote de popularité du Premier ministre lui a-t-elle laissé penser qu’il pourrait prendre le risque de diviser sa majorité ?
Peut-être a-t-il cru que les bons résultats économiques de notre pays permettaient de gaspiller un peu d’argent public pour une infrastructure inutile, comme au bon vieux temps des trente glorieuses?
Tout cela est ridicule et l’entêtement du Premier ministre à imposer son projet par la force est incompréhensible.
Décalée aussi, la communication de quelques grands élus socialistes à Paris, pour affirmer leur attachement à ce projet. Ils n’auront fait que montrer le fossé entre les aspirations citoyennes et leurs préoccupations. En constituant un front hétéroclite, mêlant intérêts privés et représentants publics, ils ont rappelé que l’aboutissement du projet d’aéroport préoccupe surtout quelques grands patrons de grandes entreprises exportatrices, confirmant s’il en était besoin que Notre Dame des Landes n’est pas un projet d’intérêt général.
Mais puisqu’il faut, semble-t-il, défendre cet aéroport coûte que coûte alors chiche : que tous les élu-e-s favorables au projet se déclarent, affirment et assument publiquement leur position. Mais qu’ils n’oublient de présenter l’ensemble des aspects du projet.
Aux élu-e-s de l’ouest breton, qu’ils aillent défendre auprès de leurs concitoyen-ne-s un aménagement qui favorisera la concentration des activités sur l’est de la Bretagne.
Allons-y, arguments contre arguments, car il est fini le temps de la campagne des élections régionales où l’on nous expliquait, avec culot, que Nantes n’était pas en Bretagne et que l’aéroport ne concernait pas le Conseil régional, pour voter finalement quelques mois plus tard une subvention de 29 millions d’euros en faveur de ce projet.
Le temps est venu pour les partisans de l’aéroport d’aller expliquer que les 250 millions d’euros d’investissement public, rien que pour la plate forme aéroportuaire, sont une nécessité quand, dans le même temps, on demande aux citoyens, entreprises et collectivités locales de faire un effort sans précédent pour redresser les finances de notre pays.
Allez expliquer que ce projet est indispensable alors que Nantes Atlantique est loin d’être saturé, que l’aéroport d’Angers tourne en sous-capacité, que le schéma aéroportuaire breton que nous attendons depuis des années n’est toujours pas élaboré et qu’il existe des alternatives techniques concernant l’exposition au bruit des habitants de l’agglomération nantaise.
Allez convaincre que ce projet répond aux enjeux de demain alors que le Président de la République a été élu sur l’ambition d’une transition énergétique qui doit nous conduire à la sobriété et à une sortie progressive du pétrole. Rappelons d’ailleurs que Nicolas Hulot, tout juste nommé «envoyé spécial du président de la République pour la protection de la planète» a affirmé son opposition au nouvel aéroport.
Allez défendre la disparition de 2 000 hectares de terres agricoles et naturelles, de 40 exploitations agricoles quand dans le même temps, ici, au sein de cet hémicycle, unanimement nous déplorons la baisse inquiétante du nombre de paysans et le gaspillage dramatique du foncier en Bretagne.
Nous ne doutons pas que vous ayez du courage, mais nous préférons faire appel à la raison, en souhaitant qu’elle l’emporte.
La création d’une « commission du dialogue » a été un signe d’ouverture. Elle doit pouvoir débattre de tout et notamment de l’abandon du projet. Elle ne pourra débattre sereinement qu’après le départ des forces de l’ordre. Toute nouvelle intervention violente sera un passage en force inacceptable et indigne de notre démocratie.
Le contexte a changé, les arguments en faveur de l’aéroport ne correspondent pas aux enjeux actuels. Alors, à ceux qui ont tu leur opposition au projet, il est temps de l’affirmer publiquement. A ceux qui ont soutenu ce projet hier, il n’est pas impossible de changer d’avis. Il ne s’agit pas de renoncer, mais de faire preuve de raison, de responsabilité, d’esprit d’ouverture et de dialogue. Vous le savez, l’urgence est ailleurs et les français attendent.