L’agriculture peut être un vivier d’emplois !

« Les grands secteurs, comme l’agriculture et l’agroalimentaire rejoignent la trajectoire de l’automobile ou l’électronique et entrent dans des zones de turbulences. Les mêmes recettes produisent les mêmes effets, avec 13% d’augmentation de chômage pour 2012 en Bretagne dépasse la moyenne nationale.

Pourtant l’agriculture peut être un vivier d’emplois. Encore faudrait-il inverser la tendance à la concentration des exploitations, destructrices tant sur le plan social qu’environnemental. »

Retrouvez, ci-dessous, l’intégralité de l’intervention de René Louail pour EELV sur l’agriculture dans le cadre du débat budgétaire au Conseil régional de Bretagne.

Pendant plusieurs années, l’économie bretonne semblait mieux résister que les autres régions françaises dans le domaine de l’emploi du fait d’une part importante de son économie consacrée aux secteurs primaires. L’année 2012 vient de démontrer l’inverse. Ainsi, les grands secteurs, comme l’agriculture et l’agroalimentaire rejoignent la trajectoire de l’automobile ou l’électronique et entrent dans des zones de turbulences. Les mêmes recettes produisent les mêmes effets, avec 13% d’augmentation de chômage pour 2012 en Bretagne dépasse la moyenne nationale. Fin octobre il était compté près de 222 000 demandeurs d’emplois !

Le Chef de l’Etat et le Premier Ministre souhaitent que l’année 2013 soit celle de l’emploi. Si nous savons faire le bilan des années dernières, l’agriculture et l’agroalimentaire peuvent, dans nos régions, participer à cet élan que nous soutenons. Pendant plus de trente ans, c’est à dire jusqu’en 1992, la Pac a privilégié le marché intérieur européen. La dynamique libérale qui a prévalue par la suite, dopé par les accords de Marrakech en 1995 et la diminution progressive plus tard des organisations communes de marché au niveau européen, ont accéléré la volatilité des prix agricoles, et donc les filets de sécurité pour les paysans. C’est le cas de l’aviculture qui après la phase de  l’Eldorado du marché export a été l’une des productions les plus exposées au conséquence de la mondialisation libérale appliquée à l’agriculture. Cette situation s’est doublement aggravée avec l’explosion du marché des céréales.

Volatilité des marchés mondiaux et explosion du prix des céréales aurait du logiquement amener l’agriculture à se recentrer sur le marché intérieur. Cela n’a pas été le cas et chaque année les productions granivores bretonnes utilisent 7,5 millions de tonnes d’aliment, dont 2,5 de soja d’importation pour fournir les 5 millions de m2 de poulaillers et 16 millions de porcs. Le surcoût alimentaire depuis 2009 est estimé à près de 500 Millions d’euros, soit plus de 80% du budget PAC du premier pilier. C’est colossal.

Le maintien de l’élevage en Bretagne, sera conditionné, non pas par le prolongement des restitutions dont l’arrêt a été programmé depuis 1995, avec l’accord au sommet de l’OMC à Hong Kong, ni par la course à l’agrandissement des élevages bien par une amélioration de ses facultés d’autonomie et de son lien au sol. Le basculement espéré d’une partie des 38% du budget des aides PAC du premier pilier, des gros céréaliers vers l’élevage doit aller en ce sens. Nous attendons impatiemment les décisions concrètes à ce sujet.

Nous sommes loin d’être convaincus que comme remèdes à la compétitivité il faille obligatoirement  doubler la taille des élevages comme le préconisent les acteurs économique des filières avec l’argument massue que ce serait le seul moyen de résister demain à la concurrence internationale. Car on le sait, une exploitation de 5 000 m2 de poulailler, soit 150 000 poulets est un outil fragile et difficilement  transmissibles de part le poids du capital engagé. D’ailleurs les chiffres le montre : la moyenne d’âge est passé de 43 à 47 ans en agriculture en 10ans, car il faut du temps pour réunir un tel capital. Le nombre d’installation est divisé par deux sur la même période. Autre élément à prendre en compte, c’est la corrélation entre la fragilité bretonne sur le plan sanitaire et la concentration de l’élevage breton. A partir de ces deux éléments, les études successives des centres de gestion ces dernières années montrent que les exploitations agricoles qui résistent le mieux en Bretagne sont celles qui peuvent assurer une certaines autonomie tant sur le plan de l’alimentation des animaux que dans la gestion des effluents.

Sur ce budget, si nous partageons certaines analyses ou actions, nous y mettons plusieurs réserves :

– Faire état à juste titre de la demande croissante de produits agricoles sans tenir compte d’un gaspillage croissant des biens alimentaires, qui atteignent près de 50% de la production n’est pas acceptable.

– Sur l’autonomie alimentaire des exploitations, orientation que nous défendons, dans les faits une majorité des dossiers éligibles sont en dehors des clous. Il ne suffit pas de déplacer l’endroit du broyeur à céréales pour être autonome ! Pour preuve, certains dossiers éligibles en 2012, importent plus de 1 000 tonnes/an de soja OGM. Nous proposons que cette mesure soit recalibrée.

– Sur les dossiers méthanisation : la question de la gestion des produits industriels méthanogènes n’est pas posé alors qu’elle est déjà bien réelle avec quelques unités en place, pas plus que n’est posé celle des moyens de contrôle des exigences sur les plantes alimentaires.

– Sur le dispositif Breiz bocage, la cible des 3 000 km de linéaires de haies bocagères prévus est à saluer mais rien n’est dit sur  les plus de 1000 km qu’on continue à détruire chaque année, ni comment  enrayer ce phénomène. Ce n’est pas cette fois une question de budget mais bien de volonté politique.

– Concernant la question primordial du recul de l’installation et le coût exorbitant des reprises des grandes exploitations, est-ce à la collectivité de porter un fond de cautionnement pour les transmissions pour pallier aux banques de plus en plus hésitantes? Ne serait-il pas plus simple et plus efficace de  fixer des limites à la concentration des productions. Il sera facile d’introduire une telle démarche dans l’attribution des subventions régionales.

– Concernant la filière bois construction, ce volet doit être soutenu. Nous attirons votre attention sur la mise à disposition de la qualité des terres à boiser. Certaines communes du centre Bretagne éprouvent des difficultés lorsque certains opérateurs fonciers plantent des surfaces importantes de bonnes terres et concurrencent parfois l’installation agricole. En plus certaines « essence » acidifie considérablement les sols, d’où la nécessité d’avoir un programme géré au niveau régional en concertation avec les différents acteurs concernés.

– Sur le contrat de filière de l’industrie agroalimentaire, on pourrait croire à une inversion des rôles entre la Région et les acteurs économiques signataires du contrat. Est-ce à eux de définir les orientations politiques et à la Région de se limiter au rôle de banquier? Pouvez-vous nous donner plus de précisions sur le plan d’action et d’accompagnement des filières volailles et porcs?

– Enfin, pour faire de l’agriculture bretonne un vivier d’emploi et lui donner un nouvel avenir, il convient d’inverser la tendance et de sortir de la concentration qui voit des fermes devenir toujours plus grosses en même temps que le nombre de paysans diminue drastiquement. Nous réitérons donc notre demande de plafonnement des aides avec soutien complémentaires sur les exploitations de moins de 50 hectares qui s’inscrivent dans une dynamique de métamorphose de l’agriculture régionale.

A partir de ces questions et remarques, vous comprendrez M. Le président notre abstention sur ces deux programmes.

Remonter