La politique des territoires : Un indice de développement humain, oui mais lequel ?

Janick Moriceau revient sur la politique régionale préparant les territoires aux enjeux d’avenir et se réjouit que pour la première fois, un indice de développement humain soit utilisé comme critère d’attribution d’aides régionales. Mais regrette l’approche statique de cette politique, et pose la question de son utilité.

Janick Moriceau

« Vite, très vite, Monsieur le Président, il faut travailler en profondeur, améliorer cette ébauche simpliste et trop caricaturale. Il est nécessaire de mettre les choses en perspective, de réfléchir à ce qui est pertinent et signifiant pour notre région, il est indispensable d’avoir une approche dynamique : voir l’importance du chômage certes, mais aussi son évolution, et, elle est aujourd’hui rapide. Prendre 2010 comme image de référence c’est tout juste pas possible. De même, choisir un indicateur santé centré sur la mortalité générale dans une région accueillant nombre de retraités, crée un biais non négligeable.

L’inégalité entre les territoires bretons se creuse, la politique territoriale est-elle utile ?

Alors que s’annonce une nouvelle génération de Contrats de pays, le présent rapport interpelle. Les critères qui ont conduit à la proposition de péréquation et les cartes qui sont y associées jettent un regard cruel sur les près de 20 ans de politique territoriale régionale. Les principaux constats d’hier : décrochage de l’ouest et du centre-Bretagne, sont, pour une large part, ceux d’aujourd’hui. Les inégalités loin d’être gommées se sont même parfois amplifiées.

Alors, inutile la politique territoriale ?

Non, bien sûr.

On a tous en tête de coûteuses erreurs mais aussi de beaux projets efficaces porteurs de mieux vivre ensemble. Nul ne doute donc de son intérêt en terme de développement local, par contre une question se pose avec acuité celle de sa capacité à réduire les inégalités territoriales. Situation fort gênante puisqu’il s’agit de sa finalité première, situation qui interpelle sur la pertinence de nos choix, sur la manière dont doit s’organiser la solidarité, sur son importance aussi : actuellement rappelons que 4% de notre budget est consacrée à la politique territoriale.

Vous nous apportez une première réponse, celle de mettre en synergie l’ensemble des politiques territoriales de l’échelon européen à l’échelon départemental, avec la création d’un comité de programmation régionale.

Une dotation pour les pays les plus favorisés est-elle acceptable ?

Cela suffit-il ? Ne faut-il pas être plus radical ? La réalité que vous nous présentez aujourd’hui est, vous en conviendrez, plus que dérangeante. L’inégalité entre les différents territoires de Bretagne est-elle acceptable ?

Nous ne le pensons pas. Dès lors, en ces temps de disette financière, la solidarité en direction des territoires les plus favorisés, ceux où tous le voyants sont au vert a-t-elle un sens, est-elle tout simplement acceptable ? N’y a-t-il pas un risque majeur pour la cohésion de notre région ? Nous ne pouvons être aveugles aux fractures territoriales qui s’amplifient.

Nous prenons acte et nous nous réjouissons de la mise en place de contrats de partenariat clairs mais il est un point qui vous en conviendrez est problématique …le silence total sur la question de l’évaluation. Pourtant s’il est une politique où cette question se pose c’est bien celle-là. Pour nous, l’évaluation doit être présente à tous les niveaux y compris celle du projet avec de manière systématique : finalités et parallèlement critères d’évaluation…mais peut-être sera t-il à l’ordre du jour de la prochaine session !

S’il est nécessaire de mieux encadrer les projets, comme vous l’envisagez, monsieur le Président, s’il est souhaitable d’intégrer dans les politiques les résultats positifs issus des appels à projets passés, l’écoFAUR, mais pas uniquement- je pense aussi à la gestion intégrée des zones côtières-,

il ne faut pas, pour autant, gommer l’intérêt des appels à projets, porte ouverte à la créativité, à des démarches innovantes et exemplaires:

  • en matière d’aménagements durables et d’écoconstruction, pourquoi ne pas poursuivre avec des écoFAUR de troisième génération ?
  • pour une démocratie renouvelée en intégrant mieux les habitants dans l’avenir de leur pays, dans une citoyenneté active à l’instar du mouvement engagé pour des « territoires hautement citoyens ».

Les appels à projets sont un creuset où s’expérimentent, se construisent les politiques de demain, il serait très regrettable d’y couper court.

Dernière interrogation, trop souvent, au niveau régional, les petits projets sont exclus de fait des aides régionales, en particulier avec les montants planchers que justifie le coût de gestion des projets. Cette situation est regrettable, inéquitable. C’est la raison pour laquelle nous formulons le souhait que vous puissiez étudier une subsidiarité intelligente de gestion des « petits projets ».

Monsieur le Président et le vice-président,

C’est soudés, rassemblés, solidaires que nous serons le plus à même de faire face aux difficultés réelles auxquelles de trop nombreux Bretons sont confrontés, à la violence des mutations économiques en cours et qui bouleverse les Pays de Bretagne.

Sans une politique territoriale forte, équitable, créative, s’appuyant sur une citoyenneté renouvelée, nous ne pourrons maintenir la cohésion dont vous avez été plusieurs à mentionner l’importance. »

 

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