La médiathèque, service public essentiel pour vivre ensemble
Par Yannik Bigouin, président de Livre et lecture en Bretagne.
La fonte des dotations d’État aux collectivités les oblige à rechercher des économies. La ministre de la Décentralisation et de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, s’interrogeait récemment, dans Les Échos, sur le bien-fondé de la construction de nouvelles médiathèques dans les communes. Face aux réactions inquiètes des professionnels, elle a publié un communiqué conjoint avec la ministre de la Culture, Fleur Pellerin, soulignant l’importance des bibliothèques dans les territoires.
Cette polémique a le mérite de rappeler le rôle fondamental de tels équipements : une médiathèque ne se limite pas à un bâtiment. Elle offre avant tout des services indispensables. L’Association des directeurs de bibliothèques départementales de prêt, dont les journées d’études viennent de se tenir à Brest sur le thème « Culture, bibliothèque et recomposition des territoires », s’interroge d’ailleurs sur leur place en milieu urbain et rural, ou sur les missions transversales entre actions sociale et culturelle.
L’interrogation soulevée ces dernières semaines suscite d’autres questions, plus globales : de quels services publics les citoyens ont-ils besoin ? Qu’est-ce qui préside à la décision d’investir dans tel ou tel équipement ? Comment financer des coûts de fonctionnement en adéquation avec les réalités mouvantes des citoyens : travail précarisé, bassin de vie étendu… ? Chaque citoyen habite une commune mais il est aussi, et parfois malgré lui, connecté au monde. Il en reçoit les violences qu’il subit avec un sentiment d’impuissance, les médias ne lui donnant pas toujours les moyens d’en comprendre les fondements.
Mieux connaître son environnement proche et lointain, n’est-ce pas une des missions d’une bibliothèque ? Car elle est, bien souvent, le seul équipement culturel d’une commune, et, surtout, elle peut jouer un rôle essentiel dans la rencontre entre habitants, au-delà des différences, renforçant la « cohésion sociale ». N’est-ce pas le rôle du politique de faire en sorte que des citoyens très différents puissent vivre ensemble et se sentir appartenir à un même groupe ?
« Elle est souvent le seul équipement culturel »
Pour cela, les habitants ont besoin de se rencontrer dans des lieux de convivialité, d’avoir accès à des imaginaires variés, grâce aux littératures du monde entier, et à des analyses diverses du monde contemporain par la lecture d’essais. Les bibliothèques, ce sont donc des services : initiation à l’informatique, portage à domicile de livres, films ou musiques, accessibilité des lieux et des collections pour tous, granothèques constituées par les usagers au moment des semis, projections de documentaires suivies de débats, travail de prévention et de lutte contre l’illettrisme, accueil des demandeurs d’emplois en autoformation…
Des services publics culturels conviviaux et de proximité, qui donnent les moyens aux habitants d’être plus libres et éclairés : voilà un projet politique que doivent d’abord porter les bibliothèques de France. « Tout ce qui dégrade la culture raccourcit les chemins de la servitude », rappelait Albert Camus. À chacun, donc, d’être vigilant et de veiller sur nos bibliothèques, ces phares pour la culture et le mieux vivre ensemble.