La démocratie en proie au corporatisme

De plus en plus fragilisé, au plus bas dans les sondages, le Premier ministre va de reculade en reculade alors qu’il nous faut préparer la transition énergétique incontournable pour accueillir un monde avec plus de 10 milliards d’êtres humains dans un contexte de rareté des énergies fossiles, et d’une accélération inquiétante du réchauffement climatique. La décision d’hier est incompréhensible.
La question de l’écotaxe votée en 2009, sous le gouvernement Fillon, en pleine grève du lait, où plus de 6 % de la production du mois de septembre fut déversée, dont plus de 3 millions de litres sur le site emblématique du Mont-Saint-Michel, avait créé un émoi considérable. Mais cela ne remit pas en cause ce vote majoritaire à l’Assemblée nationale. Les crises structurelles du moment en Bretagne seraient-elles d’une autre ampleur pour ainsi remettre à plus tard des décisions qui tentent de responsabiliser les acteurs économiques afin de permettre une relocalisation incontournable de l’économie, privilégiant la valeur ajoutée aux volumes, et préparer la troisième révolution industrielle de notre économie.
La Bretagne a d’énormes atouts, sa façade maritime qui offre une facilité de transport à l’international à bas coûts, un savoir faire, un climat tempéré etc…
« L’écotaxe n’est pas responsable »
Sur les 2,2 milliards d’écotaxe prévus, elle pouvait bénéficier d’une partie non négligeable des 900 millions pour financer le train à grande vitesse dans le cadre du contrat de plan Etat-Région pour la période 2014-2020. Le mouvement corporatiste sous l’égide du Medef et de la Fnsea-Sofiprotéol, soutenu par certains populistes, impose une autre vision du calendrier, alors que des milliers d’entreprises, silencieuses, ont fait d’autres choix avec plus de valeur ajoutée qui apportent des garanties pour l’avenir. Preuve que l’écotaxe, qui n’est pas en application, n’est pas responsable de la situation dramatique de certaines entreprises agroalimentaires. Ceci étant, nous attendions aujourd’hui des calages nécessaires pour une application rapprochée.
Derrière l’unité de façade de ces derniers jours se dissimule une augmentation de la précarité, des inégalités sociales grandissantes, aux côtés de cadres dans l’agroalimentaire aux salaires indécents atteignant parfois plusieurs milliers d’euros.
Derrière cette unité de façade, c’est aussi le refus de regarder la réalité autour de la situation du transport routier, ou statistiquement près de la moitié des véhicules roulent à vide, conséquence de l’augmentation des distances parcourues et de la concurrence fratricide des entreprises sur un même territoire…
Monsieur le Premier ministre, vous avez été nommé pour mettre en application un choix politique exprimé par une majorité de Françaises et de Français, le tout contenu dans un programme de gouvernement afin d’assumer une première étape dans transition énergétique et écologique de l’économie, par plus de justice sociale, dans une Europe plus solidaire. Céder ainsi aux pressions croissantes des lobbys, c’est créer plus de confusion, c’est prendre le risque de mettre en péril notre démocratie.

René Louail, conseiller régional Europe Ecologie Les Verts

Tribune parue dans Ouest France, le 30 octobre 2013

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