Elu-es, changeons d’ère !…
Lors de son discours de politique générale, René Louail revient sur les causes des crises et des inégalités sociales actuelles et propose d’aller chercher les solutions et les initiatives là où elles se trouvent : sur le terrain; De soutenir partout les personnes qui inventent de nouvelles façon de s’organiser, de travailler, de vivre, de consommer; De cesser de faire de la politique en imposant des solutions toutes faites, de faire de la politique pour donner aux citoyens l’initiative. Changeons d’ère !
La crise est-elle passée ? La croissance va-t-elle revenir ? La courbe du chômage va-t-elle s’inverser ? Ces questions, nous ne cessons de les entendre ou de les lire, jour après jour, mois après mois, années après années… Elle sont l’alpha et l’omega du discours politique et médiatique.
Dans des dizaines de rapports annuels, des armées d’experts et de personnalités éminentes travaillent à savoir si le retour de la croissance est pour demain ou après-demain… Vous savez, les mêmes qui n’avaient rien vu venir en 2008…
Pourtant, ce sont les diagnostics de ces médecins sortis d’une pièce de Molière qui font office de credo à nos dirigeant-es. Dans un spectacle qui serait presque comique s’il n’était pas aussi tragique pour la démocratie, on voit un Président de la République et un président de Les Républicains regarder avec angoisse le sens des courbes du chômage pour parier sur leur élection ou non en 2017. « Marianne, ma soeur Marianne, ne vois tu point la croissance venir ? » semble être le mantra de notre gouvernement. Est-ce donc cela, faire de la politique ? Faire la danse de la pluie en espérant que le temps soit favorable le moment venu ?
Plutôt que de continuer à croire à ces histoires de conte de fée, faisons plutôt le compte des faits. Prenons le dernier rapport de l’OCDE, car nos amis experts produisent aussi des données utiles. Ce rapport est riche d’enseignements sur la zone de l’OCDE, qui rappelons-le, comprend essentiellement des pays dits « riches ». Si vous recherchez de la croissance, je vous invite à le lire : vous y trouverez la croissance des inégalités et du chômage. Le revenu moyen des 10% les plus riches qui est aujourd’hui neuf fois et demi supérieur à celui des 10% les plus pauvres, alors qu’il était de 7 il y a 25 ans. Depuis 2007, la zone OCDE compte 13 millions de chômeurs en plus. Notre économie est une formidable machine d’exclusion et de gaspillage de potentiel humain.
Mais l’OCDE nous dit aussi autre chose : au drame humain s’ajoute le risque environnemental et climatique. Elle chiffre les pertes économiques dues à des événements météorologiques à 43 milliards de dollars pour la seule année 2013. Et la communauté scientifique, avec toute la prudence qui la caractérise pourtant, ne cesse de nous alerter sur une situation qui ne peut que s’aggraver. En plus des conséquences purement économiques, j’ajouterais aussi aux conséquences du changement climatique les pertes que l’on ne peut compter, en matière de qualité de vie et de biodiversité, alors que celle-ci rend des services immenses et incalculables.
Ce sujet majeur du climat va être l’objet d’un grand sommet international à Paris en décembre prochain. Le Président de la République et le Gouvernement veulent en faire un temps fort dans l’engagement de la lutte contre le changement climatique. Nous souhaitons sincèrement que ce sommet de la COP21 soit une réussite et débouche sur des actes concrets de la part des États. Malheureusement, les réunions de préparation (dont la dernière, à Bonn) n’augurent pas du meilleur. Les égoïsmes nationaux empêchent toute décision allant dans le sens de l’intérêt public. Ce n’est pas avec de vagues promesses que l’on limitera l’emballement climatique et la crise environnementale, mais avec des actions politiques concrètes, ici et maintenant.
Nous pouvons agir, de l’acte individuel à l’échelon national et européen, en passant bien sûr pas le niveau régional. De simples ajustements réglementaires et techniques de notre système actuel ne résoudront rien. Car c’est bien ce système qui est à l’origine des inégalités économiques et sociales et de la crise environnementale. Posons-nous frontalement la question de nos besoins prioritaires, des besoins prioritaires de nos territoires. De quel travail voulons-nous ? Pour quelle(s) finalité(s) ?
Pour poser la question de manière abrupte : de quoi avons-nous le plus besoin ? De commerces et services de proximité dans les zones rurales, de personnels de santé dans les déserts médicaux et d’artisans qualifiés pour répondre au défis de la précarité énergétique ? Ou d’usines de poudre de lait qui seront délocalisées dans 10 ou 15 ans au gré des envies des financiers qui la possèdent ? De centrales nucléaires aux coûts de construction astronomiques ? D’usines d’armements que nous exporterons fièrement dans des pays loin d’être démocratiques ? La guerre, la construction d’éléphants blancs et l’industrialisation de l’agriculture : sont-ce là nos expédients pour retrouver cette fameuse croissance ?
Monsieur le Président, même si nous ne sommes pas d’accord sur tout, nous devons reconnaître que par certains aspects, la politique de la Région a commencé à prendre en compte la nécessité de changement de modèle. Mais, nous l’avons souvent dit au cours de ce mandat, trouver des solutions opérationnelles pour résoudre les difficultés que connaît la Bretagne ne peut se faire en restant au milieu du gué. On ne peux ménager à la fois la chèvre et le chou.
Il faut être bien ignorant des principes de la politique et de l’économie pour croire que c’est allant toujours plus loin dans la libéralisation, le productivisme et la concentration des richesses que l’on résoudra les problèmes qu’ils ont causé. Ou alors, si l’on n’en est pas ignorant, c’est que l’on est mû par la défense d’intérêts qui ne sont pas ceux de l’intérêt collectif. J’ai bien peur, que de Locarn à Paris, ce soit le cas de certains, qui prétendent que les plus nombreux doivent se serrer la ceinture pour que quelques uns puissent toujours manger plus gras. Or, comme nous le rappelle un rapport du FMI, institution loin d’être révolutionnaire, paru le 15 juin, la théorie « du ruissellement » qui veut que plus on donne aux riches, plus le reste de la population en bénéficie, ne fonctionne pas. Messieurs Le Fur ou Macron devraient s’en souvenir.
Si des points de convergence peuvent être trouvés ici et là, nous nous demandons toutefois où se trouve cette volonté de changement dans le paysage politique et économique dominant en France comme en Bretagne. Le gouvernement nous ressort l’arme du 49-3 pour prendre en otage la représentation nationale et faire passer une loi dont personne ou presque ne veut dans sa majorité. A Bruxelles, les mêmes qui s’affichent comme défenseurs de l’agriculture et des PME défendent un traité de libre-échange inique. Un traité qui va tout simplement accélérer la disparition du tissu économique et agricole local.
La crise actuelle dans le secteur du porc en est malheureusement un nouvel exemple. Depuis plus de 30 ans, les responsables du secteur, qui semblent être élus à vie, gèrent le système avec la même méthode : toujours moins de régulation, toujours plus de fuite en avant, chacun pour soi et Dieu pour tous. Résultat, les plus petites exploitations coulent, non pas par manque de compétitivité, mais parce qu’on subventionne les ultralibéraux cannibales, laissant la place à des systèmes de production toujours plus intensifs qui détruisent l’emploi et dégradent la qualité de l’alimentation et de l’environnement. Il semble qu’enfin le secteur commence à évoquer l’idée d’une régulation des pratiques. Il était temps. M. Le Foll n’est pas responsable de la crise, il ne devrait donc pas gérer cette crise porcine comme un ministre de droite : le temps où l’on sortait le chéquier pour les plus gros alors que ce sont les petits qui souffrent doit être révolu.
Sortons donc de la paresse intellectuelle et des solutions toutes faites. Ayons le courage de regarder la situation en face. Nos façons de produire et de consommer, l’organisation du monde du travail et de l’économie, les pratiques politiques actuelles nous mènent dans le mur. Allons chercher les idées et les initiatives là où elles se trouvent : sur le terrain. Partout, des gens inventent de nouvelles façon de s’organiser, de travailler, de vivre, de consommer. Soutenons-les. Cessons de faire de la politique en imposant des solutions toutes faites, faisons de la politique pour donner aux citoyennes et citoyens l’initiative. Changeons d’ère !