Agir contre la pollution des eaux en Bretagne

« Les orientations du nouveau programme d’actions de la Directive Nitrates laissent craindre certains recul par rapport au programme précédent. S’ajoute à cela les décisions prises pour l’agriculture et l’agroalimentaire dans le Pacte d’avenir qui vont favoriser l’agrandissement des exploitations. C’est donc encore une fois l’intensification et surtout la concentration qui gagne avec toutes les dérives que nous lui connaissons au détriment des citoyens. Nous ne pouvons que constater encore une fois l’incohérence entre les objectifs affichés d’un développement durable et solidaire de la Bretagne, et les choix politiques faits par la Région. »

Retrouvez ci-dessous l’intégralité de l’intervention d’Anne-Marie Boudou sur le programme d’actions en vue de la protection des eaux contre la pollution par les nitrates d’origines agricoles en session du Conseil régional le 13/12/13.

Le 5ème programme d’actions de la Directive Nitrates, dont l’élaboration est désormais régionalisée, aurait pu être l’occasion de conforter les effets positifs constatés du 4ème programme. Mais les orientations prises laissent craindre une inversion de ces tendances malgré quelques avancées. Et les décisions prises pour l’agriculture et l’agroalimentaire dans le Pacte d’avenir vont favoriser l’agrandissement des exploitations en accentuant de fait les problèmes d’accès au foncier pour les exploitations modestes, dont la majorité sont en agriculture biologique.

Pourtant, le bilan du 4ème programme d’actions montre que ce sont dans les territoires en zones d’excédents structurels et les exploitations engagées dans des MAE (systèmes et territoriales) que les progrès les plus importants sont constatés. C’est donc la preuve que les mesures individuelles et réglementaires sont nécessaires à l’évolution des pratiques agricoles au bénéfice de l’agronomie, de l’environnement et aussi des rendements. L’argument principal pour s’opposer aux réglementations de la baisse supposée de ces rendements n’est donc pas recevable.Les politiques publiques peuvent accompagner les efforts nécessaires pour atteindre le bon état des masses d’eau imposé par la DCE.

Malgré tout, il ne faut pas oublier qu’il reste un excédent structurel d’azote de 36 kg/ha sur la totalité de la SAU bretonne et que notre objectif doit être de continuer à le réduire.

L’obligation qui est faite aux agriculteurs de déclarer annuellement les quantités d’azote épandues ou cédées, qu’elles soient organiques ou minérales, ainsi que la mise en place de dispositifs de surveillance départementaux de l’azote épandu vont dans le bon sens. Mais dans certaines zones, ce n’est pas suffisant pour rétablir l’équilibre entre les épandages d’effluents et la capacité des sols à les absorber. Pour que nous puissions avancer vers un résultat qui s’inscrive dans la durée, certaines contraintes réglementaires doivent s’appliquer aux prescripteurs et vendeurs d’intrants.

De plus, les effluents d’élevage contiennent non seulement de l’azote mais aussi du phosphore, or la question de sa limitation n’est pas abordée. Les 2 éléments sont liés, donc ne retenir qu’un plafond azoté en ignorant la valeur associée de phosphore, c’est laisser de côté la moitié du problème de gestion des flux des éléments fertilisants.

La simplification administrative proposée par le 5ème programme, qui crée des Zones d’Actions Renforcées (ZAR) devant respecter l’équilibre global de azote avec un plafonnement à 50 kg/ha de nitrates par an ou en moyenne sur 3 ans, est une marche arrière vis-à-vis de l’effort déjà fourni !

Avec cet objectif, comment réduire l’excédent structurel d’azote de 36 kg/ha et comment réduire à 10 mg/l maximum les débits de fuite d’azote dans les bassins versants algues vertes ? Ce plafonnement à 50 kg/ha de nitrates devrait plutôt s’appliquer sur une période de 3 ans pour ne pas laisser à nouveau la porte ouverte à des pratiques qui mèneront à une nouvelle aggravation de la qualité des eaux bretonnes. Car au final, l’Etat, et probablement la région, seront à n’en pas douter obligés de prendre des décisions contraignantes qui seront beaucoup plus difficiles à accepter que des mesures allant dans la continuité des choix et des progrès déjà réalisés.

Et la destruction massive des prairies, sources importantes de protéines, au profit des céréales cultivées, alors que nous importons 2,6 millions de tonnes de soja par an, ne va pas faire baisser ces chiffres !

Nous avons proposé l’amendement suivant : « pour améliorer l’efficacité de la lutte contre les pollutions d’origine agricole, la date de destruction des CIPAN ne doit pas intervenir avant la date autorisée des épandages ». Vous l’avez considéré comme hors sujet et allant au-delà nos compétences car touchant à l’agronomie. Or l’arrêté préfectoral parle sans cesse d’agronomie et votre avis y fait aussi référence. Pourtant, cette mesure simple pousserait à une modification des pratiques constatées et dommageables pour la qualité des eaux. Elle ne ferait appel à aucun denier public et pourrait être très efficace.

Enfin, le plafonnement de l’azote issu des élevages dans une commune antérieurement en zone d’excédent structurel avec l’obligation de traiter ou d’exporter la quantité d’azote excédentaire dans le respect de l’équilibre de la fertilisation sur les terres de l’exploitant ou celles extérieures mises à disposition pour l’épandage pose 2 problèmes.

Le premier est qu’il pousse à la mise en place de la méthanisation, certes voulue par le ministre de l’agriculture et la région, mais dont nous refusons les excès et qui ne diminue pas la quantité de nitrates au final.

Le deuxième est la course au foncier et à l’agrandissement qu’il va entraîner. Pour tenter de gérer sur ses terres, l’exploitant aura tendance à s’agrandir et, s’il ne le peut pas, ira chercher des terres épandables dans les zones non soumises aux mêmes exigences. La pression azotée va donc augmenter dans des zones dont la qualité de l’eau est encore correcte aujourd’hui, mais aussi dans celles où le plafond des 170 kg d’azote organique/ha est presque atteint. De plus, l’achat des terres ou leur mise à disposition se fera au plus offrant, rendant difficile le maintien d’une agriculture diversifiée et l’accès au métier à de nombreux jeunes ne possédant pas de terre et qui viennent pourtant renouveler une population d’exploitants vieillissants.

C’est encore une fois l’intensification et surtout la concentration qui gagne avec toutes les dérives que nous lui connaissons au détriment des citoyens contribuables.

Si globalement l’avis de la région est satisfaisant, nous aurions préféré un positionnement plus ferme sur un certain nombre de points qui aille au-delà de simples demandes d’outils d’aide à la gestion ou de surveillance. Nous ne pouvons que constater encore une fois l’incohérence entre un PADUS, que vous mettez en place pour être un outil d’aide à la décision pour un avenir durable et solidaire, et les choix politiques que vous faites.

En conséquence, nous nous abstiendrons.

 

 

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