Conseil régional : orientations budgétaires, pacte LGV Rhin – Rhône, 2ème phase

En lisant ce rapport et surtout le tableau récapitulatif, ce qui frappe en premier lieu, c’est l’absence de financeurs pour cette seconde phase de la branche Est de la LGV Rhin- Rhône. La participation de la Suisse, de l’Europe, et de RFF, ne figure qu’en termes d’hypothèses. Ensuite on constate comment nos trois régions se sont entendues pour décider une répartition des financements entre elles avec deux cas de figures :

– Si RFF, la Suisse et l’Europe financent un total de 40%, alors les régions (et les collectivités infra) financeront 50% du restant, à part égale avec l’État.
Ce cas de figure le plus optimiste nous amènerait donc à financer 30% de cette infrastructure, alors que de nombreux élus régionaux, dont vous, Madame la Présidente, ont répété à plusieurs reprises qu’il était inenvisageable que les régions financent de nouveau à la même hauteur que lors de la première phase. Pour mémoire, le territoire franc-comtois avait financé cette première phase à hauteur de 28%, ce qui était effectivement déjà extrêmement élevé et inédit.
– l’autre cas de figure : RFF, la Suisse, et l’Europe financent un total de 20% seulement, et c’est assez incroyable que l’on puisse l’envisager. Les régions s’engagent toujours à financer les 50% de ce qui reste, à part égale avec l’État, soit 40% du cout total de l’infrastructure.
Du jamais vu !

A cela, il faut ajouter, le souhait de la Bourgogne de reporter le paiement de sa cote part au moment où s’opérera la réalisation des travaux sur son territoire. Parce que les travaux commenceront par l’extrémité Est, elle souhaite repousser sa contribution.
Et nous Région de Franche-Comté, avec les moyens financiers bien supérieurs à ceux des bourguignons, c’est bien connu, nous nous proposons de payer leur part. De leur avancer l’argent.
Et là je vous pose une question :
Que se passera-t-il si la réalisation de l’autre extrémité, la bourguignonne, est reportée, ou non réalisée ?
Y aura-t-il rétrocession de la Région Bourgogne à la Région Franche-Comté de cette avance ? A partir de quel délai considérera t’on que la Région Bourgogne devra nous rembourser? Partagera-t-on l’ardoise avec la Région Alsace ?
Il n’y aura sans doute pas de rétrocession puisque les Bourguignons ne veulent financer les travaux que dans le cas où ils se réalisent dans leur totalité.
Voilà donc mise à contribution pour un bon moment, et une nouvelle fois, la générosité des Franc-comtois pour la somme de 68 M€ supplémentaires aux 92 M€ de notre cote part.

Ce qui fait du Franc-comtois, et encore jurassiens exceptés, le plus gros contributeur des travaux de la branche est avec 434 € par habitant contre 87 € pour un Bourguignon et 220 € pour un Alsacien. Ce qui est au regard de la taille et de la richesse de notre région, un constat purement incroyable puisque la Franche-Comté est la région la moins peuplée des trois et celle dont le PIB est le plus petit.
C’est ce qu’on appelle l’équité territoriale sans doute !
Mais cette somme ne sera pas payée intégralement par le Conseil Régional de Franche-Comté me direz-vous ? Certes, mais sans doute pas loin, et nous sommes obligés d’attendre pour le savoir. Quelle sera la participation des départements et des agglomérations ? A quel niveau souhaiteront-ils ou pourront-ils participer ? Le tableau fourni dans le rapport est à cet égard significatif, puisque les cases correspondantes restent vides.

On est alors tenté de se demander, pourquoi tant de générosité de notre part ? Cette infrastructure est-elle à ce point importante pour qu’une région comme la notre fasse de tels sacrifices ? Et engage les finances de l’institution sur plusieurs décennies ?
Les sommes en jeu méritent en effet que les élus que nous sommes, partisans ou non de cette LGV Rhin- Rhône, se posent la question.

Au-delà des questions financières, quelques questions techniques apparaissent :

Quel est l’intérêt à réaliser ce tronçon alsacien en ligne nouvelle, qui plus est en technologie LGV ?
Pour y répondre, rien de tel qu’un bon exercice de math, posée à l’ancienne :
Sachant qu’un TGV, roulant à 300 km/h, a besoin de 20 km de décélération pour s’arrêter à une gare, et de 30 km pour atteindre cette vitesse après un arrêt, sur combien des 35 km de voie nouvelle, roulera t’il à la vitesse maximum sachant que cette nouvelle voie se situe entre deux gares ?
On est presque tentés d’ajouter un éléments à cet énoncé : à moins qu’il ne s’arrête pas dans ces gares ?

Deuxième exercice : Calculer la vitesse moyenne sur ce tronçon.
Pour ne pas être cruel, je ne poserai pas la question du coût final de la minute gagnée.

Sur un ton sérieux, est-ce qu’une ligne entièrement rénovée et modernisée, avec une signalétique neuve et dont les points noirs de ralentissement auront été supprimés ne produirait pas le même gain de temps par rapport à la situation dégradée actuelle sur une si courte distance ? Et ce gain de service ne serait il pas atteint avec un coût d’investissement 3 à 4 fois moindre ?

Notre groupe a le sentiment, Madame la Présidente, que nous sommes enfermés dans un schéma, dans la foi en une technologie, dans de vielles logiques, dans des raisonnements faits avec d’anciens logiciels.
Les conditions économiques ont, depuis le lancement de ce projet, beaucoup évoluées. Nous ne pouvons plus raisonner comme il y a encore quelques années.
La SNCF, par la bouche même de son Président, Guillaume Pepy a reconnu lors de l’anniversaire des 30 ans du Train à Grande Vitesse, l’erreur du tout TGV et ses effets négatifs sur les autres réseaux ferrés laissés à l’abandon et certaines conséquences pour les voyageurs.

A ce titre, les prix annoncés sur la liaison Belfort-Paris viennent d’ailleurs de subir une hausse de 10% portant le prix du billet de 66€ à 72€. Vous vous en êtes ému Madame la Présidente, dans les médias, les francs-comtois payaient deux fois le TGV avez-vous dit. Vous aviez raison, alors, s’il vous plait, ne leur faisons pas payer une troisième fois.

En cohérence avec l’ensemble de nos positions sur ce dossier de la LGV Rhin-Rhône, notre Groupe Europe Ecologie Les Verts votera contre ce rapport et ne jouera effectivement pas le même jeu que vous.
Plus qu’une posture idéologique, c’est une posture de bon sens !

Je vous remercie de votre attention

Éric Durand

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