Privilégions les mécanismes naturels de régulation du climat – La préservation des sols vivants plutôt que la géo-ingénierie !

Exposé des motifs

Le 9 septembre dernier, l’Organisation Météorologique Mondiale (OMM), agence de l’ONU, a publié un communiqué indiquant que les gaz à effet de serre (GES) atteignent des concentrations record, qui se répercutent sur l’atmosphère et l’océan. Elle insiste sur la nécessité d’actions urgentes face à l’urgence climatique. La France organise la COP 21 à Paris en décembre 2015. C’est l’occasion de présenter des propositions fortes pour anticiper les effets potentiellement dévastateurs du changement climatique et appeler à des décisions politiques à l’échelle des enjeux.

L’accroissement des concentrations des principaux GES dans l’atmosphère (dioxyde de carbone (CO2), méthane (CH4) et protoxyde d’azote (N2O)) est de plus en plus rapide. Le changement climatique se fait déjà sentir. Les épisodes catastrophiques se multiplient et s’intensifient. Face à cela, deux stratégies doivent conjuguer leurs effets: l’atténuation du phénomène et l’adaptation à ses conséquences. Si l’adaptation des organismes et des écosystèmes est à étudier, elle sera d’autant plus difficile et onéreuse que nous aurons échoué dans l’atténuation. L’atténuation doit donc demeurer notre priorité Une politique efficace d’atténuation du changement climatique comporte nécessairement deux volets: d’une part réduire les sources et les émissions de GES et d’autre part, augmenter les capacités de stockage naturel du carbone et de l’azote. Ce second volet d’action est mal pris en compte dans les textes actuellement.

Au niveau des sources, il faut limiter le passage des éléments de l’état inerte à l’état réactif, donc côté Carbone (C), limiter l’extraction et l’emploi des énergies fossiles, et côté N ou azote, réduire la production et l’épandage d’engrais azotés (le protoxyde d’azote émis lors des réactions biochimiques se produisant dans le sol est un puissant GES). A cet égard, la volonté du premier ministre de renégocier la directive « nitrates » donne un très mauvais signal.

S’il est indispensable de réduire les émissions, il faut bien sûr prendre en compte le cycle de vie complet des éléments C et N afin d’agir à tous les niveaux possibles et les piéger durablement.

L’océan absorbe environ un quart des émissions anthropiques de CO2 mais ce n’est pas sans conséquences lourdes, comme l’acidification des eaux ; de surcroit, nous ne disposons pas de leviers d’action fiables et raisonnables sur ce réservoir de carbone. Les expériences de géo-ingénierie visant à augmenter le stockage de carbone dans les océans, et notamment l’épandage illégal de 100 tonnes de sulfate de fer dans le Pacifique en juillet 2012, n’ont pas donné les résultats escomptés en terme de stockage de carbone. Dans un article paru dans Nature, des scientifiques recommandent l’abandon de cette technique qui est à la fois peu efficace, contribue à l’acidification des océans et a des effets potentiels sur toute la chaine alimentaire marine.

La loi dite « Grenelle 2 » de 2010 a transposé une directive européenne relative au captage et stockage géologique du carbone, malgré les incertitudes relatives à cette technique. Les études récentes montrent que ce stockage, onéreux et susceptible de générer des pollutions comme d’accroître la sismicité, ne pourra pas être employé à grande échelle.

La végétation stocke des quantités importantes de carbone mais seuls les arbres représentent un stockage pérenne, tant au cours de leur période de végétation que longtemps après leur abattage pour le bois d’œuvre. La loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui vient d’être votée, évoque le stockage du carbone dans les forêts et le bois. Si la préservation des forêts est un impératif, l’extension de leurs surfaces dans de grandes proportions ne semble pas plausible Les besoins en terres agricoles sont en augmentation, tandis que les surfaces restant disponibles, soit ne sont pas favorables à l’implantation de forêts, comme les déserts, soit sont couvertes de savanes ou de prairies qui stockent autant de carbone que ne le ferait la forêt. Par contre le développement de l’agroforesterie peut notablement augmenter la présence de l’arbre dans les campagnes tout en améliorant la performance agricole.

Les zones humides stockent également beaucoup de carbone, ce qui est une bonne raison, entre autres – et notamment leur biodiversité et leur rôle de régulation hydrochimique-, de les préserver.

Le grand oublié des politiques d’atténuation du changement climatique est le sol. Ce que l’on appelle « sol » inclus aussi bien la matière minérale que la matière organique, vivante ou morte. Les 30 premiers centimètres de sol contiennent autant de carbone fixé dans la matière organique que l’atmosphère. Si on tient compte de la matière organique plus en profondeur, sur quelques mètres, on obtient des valeurs représentant deux à trois fois la quantité présente dans l’atmosphère. Le stockage de carbone dans le sol, représente un régulateur naturel majeur du climat, depuis des millions d’années.

Or ce rôle est menacé. Le sol est un bien non renouvelable à l’échelle d’une vie humaine. Sa constitution est très lente mais sa dégradation peut être très rapide. La destruction du sol se traduit pas un déstockage de GES dans l’atmosphère. En France, aujourd’hui, disparait une surface équivalente à un département tous les 7 ans, bien souvent aux dépens des terres agricoles les plus fertiles. Les surfaces imperméabilisées par l’urbanisation ne jouent plus leur rôle de stockage du carbone et deviennent émettrices. Les pratiques agricoles elles-mêmes sont en cause : l’érosion, suractivée par le remembrement et l’agrandissement des parcelles emporte les couches superficielles, les plus riches en matière organique. Le labour, la surcharge en intrants azotés et en phytosanitaires portent atteinte à l’intégrité structurelle et fonctionnelle des sols. Les études montrent d’ailleurs que la teneur en matière organique des sols français a tendance à diminuer.

Nous assistons donc à une réduction du principal réservoir de stockage de carbone et d’azote, à une diminution de sa capacité à réguler le climat alors que c’est l’inverse qui est nécessaire. Il est urgent de prendre des mesures, d’autant plus que les solutions techniques existent: lutte contre l’artificialisation des terres, l’érosion et la pollution, développement des techniques culturales sans labour, de l’agroforesterie, des cultures intermédiaires et intercalaires… La préservation des sols doit devenir une cause majeure de mobilisation dans le pays et être enfin considérée à sa juste place dans la lutte contre le changement climatique.

– Les mécanismes naturels de régulation du climat sont les plus efficaces et performants mais aussi les moins onéreux. De surcroit, ils apportent de nombreux autres bénéfices au niveau de la productivité des écosystèmes, de la biodiversité et de la dépollution entre autres. L’exemple du rôle de la forêt, pour le maintien des grands équilibres biologiques sur la planète et la protection des sols contre l’érosion, en est aujourd’hui le témoin le plus facile à percevoir. Il est donc essentiel et vital de les préserver et de leur permettre de se dérouler le mieux possible.

Motion

Au vu des considérations techniques qui précèdent, Le conseil fédéral, réuni les 11 et 12 octobre 2014, demande :

– Que les mécanismes naturels soient privilégiés dans la lutte contre le changement climatique. Ils participent d’une politique d’action « sans regret » par rapport aux expérimentations technologiques qui se révèlent souvent hasardeuses et inefficaces.

– Que le rôle du sol et l’importance de sa préservation, soient explicitement intégrés dans le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique et dans les Schémas Régionaux Climat – Air – Energie.

– Que les Plans Climat – Air – Energie territoriaux prévus par le projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, intègrent (art. 56) « le stockage du carbone dans la matière organique des sols et des productions végétales à vocation pérenne, comme les matériaux bio-sourcés pour le bâtiment (bois, laine de chanvre, de lin, etc.)  » dans le programme des actions à réaliser.

– l’adoption d’objectifs, au niveau national et régional, de préservation et restauration des sols, leur mise en œuvre, ainsi que l’étude de la mise en place de compensations non financières, afin de préserver la capacité globale de stockage,

– la mise en place, aux deux niveaux toujours, d’un observatoire de suivi des capacités de stockage du carbone et de l’azote, afin de prendre en compte ce critère dans les politiques publiques agricoles, de transport et d’urbanisme, notamment au niveau de l’impact des changements d’affectation des sols.

– Une meilleure évaluation des capacités de stockages des sols en carbone et azote, ainsi qu’une étude d’impact des différents usages sur ces capacités, leur évolution et les moyens à mettre en œuvre pour les préserver voire les accroitre.

– Une action générale au niveau national, sous toutes formes utiles ( publications, évènements, projets de démonstration,..) pour sensibiliser, former et informer la population sur le rôle des sols et l’importance de leur préservation.

De plus, le conseil fédéral :

– appelle l’ensemble du parti et ses élus à se mobiliser dès à présent, particulièrement en préparation de la COP 21 et à l’occasion de l’initiative 2015 : “année internationale des sols”.

Unanimité pour

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