Transformation écologique de l’économie

Jean-Philippe MAGNEN,  Président du groupe des élu-e-s EELV au Conseil Régional.      3ème vice-président du Conseil Régional.   Président de la commission de l'Emploi, de la Formation professionnelle et des métiers de demain.

La création d’un fonds régional d’investissement en capital, dotés à 100% de fonds publics a été proposée, ce qu’a commenté Jean-Philippe Magnen, en le qualifiant de levier formidable pour soutenir l’économie tout en veillant à sa vocation de justice sociale et de protection environnementale.

Nous allons dans quelques minutes valider la création d’un fonds régional d’investissement en capital, dotés à 100% de fonds publics. Ce fonds a pour objet d’investir prioritairement pour l’amorçage et le primo‐développement des PME ligériennes de moins de 50 salariés. Nous espérons qu’il puisse à terme comme le demandent les Régions soutenir également les entreprises jusqu’à 250 salariés. La solidité et le développement des entreprises reposent fortement sur leurs fonds propres, sur leur capacité d’investissement et tout particulièrement dans la période actuelle.

Pour les aider à faire face à la crise, le Conseil Régional a apporté une première réponse avec les P2RI: depuis 1 an (juillet 2009), près de 60 entreprises et plus de 5 500 salariés concernés. 12 millions d’engagement pour la Région. Nous ne pouvons que nous en féliciter. Ils permettent de donner un peu de souffle, d’aider les entreprises à supporter les turbulences du marché mais ils ne renforcent pas en tant que telle la capacité à long terme de l’entreprise à se développer et à innover. La constitution par les régions de fonds de capital investissement, entièrement publics, est rendue aujourd’hui possible par le nouveau régime communautaire dʹinterventions publiques en capital‐investissement adopté en juillet 2009. Nous pouvons désormais, à l’instar de nos voisins de Poitou‐Charentes, intervenir directement et co‐investir avec des investisseurs privés dans les PME.

Mais ça ne peut pas être que cela. Nous le savons tous aujourd’hui, nous ne traversons pas simplement une crise passagère, mais structurelle et globale, nous sommes confrontés aux limites de notre système économique et financier. Nous sommes face à des défis sociaux et écologiques que nous devons relever pour arrêter cette « fuite en avant ». Nous avons donc l’obligation de réinventer un modèle, de sortir de l’impasse dans laquelle nous mène le capitalisme financier, de sortir de ce modèle de développement qui laisse systématiquement la puissance publique réparer les fractures qu’il impose, coller des pansements par des aides d’urgence sur des plaies de plus en plus profondes : dégradation sans précédent des ressources naturelles et humaines, inégalités économiques et sociales criantes, pauvreté et précarité qui font qu’aujourd’hui 2 milliards d’humains vivent avec moins de 2 dollars par jour.

Les pays du sud sont les premiers touchés par cette crise globale mais notre région comme les autres régions françaises n‘est pas épargnée par l’inégalité sociale, la précarisation économique et la dégradation de l’environnement. La Cour des comptes comme le Conseil d’État ont depuis longtemps tiré la sonnette d’alarme et montré l’inefficacité actuelle des systèmes d’aides directes. Certes on pare à l’urgence et on permet de maintenir au mieux des situations impossibles à tenir durablement mais nous sommes incapables d’arrêter l’hémorragie. A partir de ce constat la puissance publique a le devoir aujourd’hui de se poser la question de l’efficacité de son aide et de sa contribution au développement territorial, le devoir de se positionner par rapport à ce système économique qui l’oblige à éteindre vainement les feux avec de moins en moins de moyens.

Quel place, nous élus, collectivités, devons‐nous tenir ? Vers quel objectif devons‐nous tendre ? A quelles conditions la Région peut‐elle investir dans une entreprise ? Car entrer au capital d’une entreprise pour la Région n’a pas pour objectif premier de faire du profit. Alors certes il s’agit de soutenir l’emploi et l’activité mais pas seulement. Le projet même de l’entreprise doit apporter un bénéfice au territoire et à ses habitants ; il doit être profitable durablement à l’intérêt général de toutes et de tous et dans ce cadre il doit répondre aux grands enjeux sociaux et environnementaux que j’évoquais tout à l’heure.

Il s’agit avant tout de remettre l’homme au coeur des préoccupations économiques, de retrouver les conditions d’un développement juste et équitable. Cela passe par une véritable transformation écologique et sociale de notre système, par une transition pacifique bien sûr mais organisée. Et la mise en place de ce fonds d’investissement est bien entendu un levier formidable, l’occasion de soutenir l’économie tout en veillant à sa vocation de justice sociale et de protection environnementale. La région a créé ou soutenu des outils pertinents d’accompagnement et financiers dans le mandat précédent (je ne citerai que les P2RI, l’emprunt régional, le développement d’un fonds de garantie dédié à l’économie sociale et solidaire comme le Fondès) et a le projet d’en générer d’autres comme ce fonds d’investissement, mais aussi de soutenir le développement des éco‐filières, éco‐projets, la mise en place d’une éco‐conditionnalité des aides,…

Prenons la question de la conditionnalité des aides qui ne va pas sans la question des indicateurs de richesses et de l’évaluation des actions et projets comme des politiques publiques. A quoi accordons-nous individuellement et collectivement de la valeur ? Quelles sont les richesses qui ont une véritable importance ? Quels sont les biens auxquels nous tenons ? Comment évaluer l’efficacité de nos politiques publiques à l’aune non pas du PIB et de la croissance mais de ces richesses que sont la santé, la biodiversité, le bien‐être, l’égalité, la sécurité économique, l’accès aux services publics… Il est urgent que les travaux de la CRESAR (Commission régionale d’évaluation et de suivi des aides régionales) ainsi que ceux sur les indicateurs de richesse aboutissent et soient mis en application, qu’ils nous servent de guides pour réguler nos choix d’investissement vers des entreprises responsables ou ayant l’envie de progresser dans ce sens.

Dans ce cadre, il est également important que nous soyons attentifs à élaborer nos modalités d’intervention avec l’ensemble de nos partenaires pour un développement économique et des emplois durables. Pour revenir à l’utilisation de ce fonds, nous devrons concentrer son action à l’appui aux éco‐filières, qu’elles soient plus traditionnelles comme la construction ou innovantes comme les énergies marines ou l’éco‐construction. Il y a un virage à prendre, et on l’on sait comme il peut être long de faire virer un paquebot… à l’instar de STX, l’image est certes un peu facile mais évocatrice. Nous n’avons plus le temps d’hésiter, il faut prendre ce virage maintenant. Le fonds régional de co‐investissement peut devenir un véritable outil‐lanceur d’activités nouvelles et responsables.

Cela se fera d’autant mieux que ce fonds entrera en articulation avec la recherche et l’innovation (technologique comme sociale) avec d’autres outils financiers traditionnels (partenaires bancaires) et agira donc comme un effet levier ou innovants et audacieux (comme les banques éthiques, la NEF en France, la Banca Etica Europa au niveau européen ou les expériences de monnaie sociale comme celles menées par certains pays d’Amérique du Sud ou en Région Bretagne et Nord‐Pas‐de‐Calais par exemple). Chers collègues, il s’agit bien dès maintenant de promouvoir un nouveau modèle d’action qui se prémunira au mieux des effets pervers du système, un modèle d’intervention qui ne se réduit pas à la seule action économique au sens strict du terme mais bien à une vision transversale et globale de l’ensemble des interactions humaines.

Cela nécessite bien sûr la mobilisation de tous les acteurs économiques, institutionnels, associatifs, sociaux et la Région y jouera tout son rôle… Il y a là un véritable enjeu démocratique et citoyen. Le groupe Europe‐Écologie demande donc à ce que ce fonds d’investissement soit dédié aux filières et aux entreprises innovantes, allant dans le sens du développement durable, dans le sens d’une société plus juste, plus équitable et respectueuse des ressources naturelles. Avant de terminer, je voudrais souligner le deuxième volet de cette délibération, la dotation complémentaire de 650 000 euros proposée pour ré‐abonder les fonds de prêts d’honneur des associations ADIE, FONDES, Ouest‐Entreprendre, France‐Initiative.

Ces associations sont des structures de l’économie sociale et solidaire. Elles participent pleinement aux valeurs de solidarité, à l’innovation sociale et à l’ancrage territorial des entreprises, elles sont des maillons essentiels du développement d’une économie de proximité, du tissu économique local, aux emplois le plus souvent non délocalisables. Nous sommes donc sensibles à cette volonté de privilégier la structuration de ces réseaux d’accompagnement. Nous approuvons donc les deux volets de ce rapport mais nous demandons (et nous y veillerons) que le fond régional de co‐investissement soit dédié à la transformation écologique et sociale de l’économie et de l’emploi durable.

Jean-Philippe MAGNEN

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