[BS 2014] Intervention générale de Jean-Philippe Magnen pour le groupe EELV

Impression

Nous pensions vivre un moment important lors de l’adoption de notre budget, dans l’hypothèse de dotations complémentaires de l’Etat dans le cadre d’un nouveau Contrat de Projets État-Région pour 2014-2020, intégrant les premiers engagements opérationnels liés aux fonds européens. Mais aujourd’hui, nous sommes donc en situation d’attente, suspendus à un calendrier qui n’est toujours pas annoncé.

Malgré tout le BS présenté aujourd’hui est un budget amélioré et reste prudent dans ce contexte, c’est pour cela que les écologistes le voteront. Car nous sommes contraints. Pour illustrer cela je citerai deux exemples : les 20 millions attribués à l’éducation et le rehaussement de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle continue.

Malgré ce contexte ces deux exemples constituent des axes ambitieux et volontaristes de notre majorité. Ils constituent un apport important même s’ils ne sont pas suffisants au regard de la situation sociale de nos concitoyens aujourd’hui.

Pourtant, au cœur de la crise que nous vivons, nous n’avons jamais eu autant besoin d’investir dans la transition de notre modèle de développement, y compris régional. Il faut donc agir vite pour gérer les urgences, mais aussi de regarder devant.

Le dernier rapport du GIEC, publié en avril dernier, table d’ici quelques dizaines d’années,  sur une élévation de la température  jusqu’à 4,8 °C, une alternance croissante de pluies diluviennes et des sécheresses, et une augmentation moyenne du niveau de la mer de 26 cm à 98 cm. Les scientifiques affirment même désormais la possibilité de rupture de nos systèmes alimentaires…

Les trois dossiers majeurs de ce BS sont en lien avec cette nécessité d’agir vite. Notre région commence à mettre en œuvre la réaction et les choix politiques adéquat : les objectifs de la Charte du développement durable, le plan biodiversité, ainsi que les AREEP (Aide Régionale aux Économies d’Énergie pour les Particuliers).

Il y a donc urgence de la transition dans la transformation progressive de nos modèles agricole, économique et industriel. En effet, partout, des initiatives sont prises, dans notre région et aussi ailleurs. Je pense à la région Nord-Pas-De-Calais sur le modèle de la troisième Révolution industrielle et agricole de Jérémy Rikfin, dans les énergies renouvelables, ou encore dans notre manière de produire et de consommer.

Nous le disions déjà lors du débat PDL 2040 : il nous appartient aujourd’hui, tous ensemble, d’inventer un nouvel avenir, d’écrire un nouveau récit qui tienne compte des limites physiques de la planète et des grands défis de notre temps. Evitons de rajouter un énième chapitre à l’histoire ancienne et passons réellement un cap !

Ce nouvel imaginaire, il se raconte déjà parmi les milliers d’initiatives de transition qui existent sur nos territoires. Chaque jour, des citoyennes et des citoyens innovent pour préparer l’avenir, sans attendre que les mentalités politiques évoluent.

Prenons leur relais, donnons-leur la main : pourquoi ne ferions-nous pas des Pays de la Loire un grand territoire d’expérimentation de la transition ? Pourquoi notre région ne donnerait-elle pas l’exemple ?

Le potentiel de notre région est inouï ! Nous avons la chance en Pays de la Loire d’avoir toutes les ressources nécessaires pour devenir autonome en énergie et en alimentation humaine :

Premièrement, notre région dispose d’un potentiel de production d’énergie renouvelable sans commune mesure ! Des ingénieurs de Virage-Energie-Climat ont ainsi évalué que tous les besoins énergétiques des Pays de la Loire pourraient être couverts par des énergies renouvelables produites sur le territoire régional dès 2046. La région deviendrait même exportatrice nette d’électricité renouvelable à partir de 2047!

Deuxièmement, les Pays de la Loire sont déjà la deuxième région française pour les surfaces agricoles biologiques, et la région s’est engagée à couvrir 20 % des surfaces cultivables du territoire en bio et à développer des labels sans OGM.

C’est bien, mais il faut aller plus loin !

Le scénario Afterres2050, modélisé par les ingénieurs de Solagro, table ainsi sur un mix 50% agriculture biologique/50% agriculture intégrée afin de sortir définitivement les Pays de la Loire du modèle agricole dit « conventionnel » d’ici 2050.

Le système agroalimentaire « à la bretonne », qui a eu ses heures de gloire, est en pleine déroute, et ce en dépit de nos actions de soutien et de réparation qui s’avèrent insuffisantes. Le scénario Afterres2050 préconise une autre voie: celle de la transition vers des systèmes agricoles et sylvicoles durables, permettant d’atteindre l’autosuffisance régionale pour l’alimentation humaine dès 2050. Ce type d’agriculture pourra en outre fournir un tiers de l’énergie et des matériaux et molécules bio-sourcées aux autres secteurs d’activité de notre région.

L’objectif est donc clair et incontournable : renouveler le contrat entre agriculture et société, s’éloigner du modèle des années 60 pour répondre aux défis, alimentaires, climatiques, énergétiques et sociaux d’aujourd’hui.

Troisièmement, on ne peut pas parler de transition sans parler du système financier. Chaque jour, ce sont plus de 4000 Mds de dollars qui s’échangent sur le marché, dont 98% pour le seul marché spéculatif. La masse monétaire mise au service de l’économie réelle est donc de 2% !

C’est pourquoi notre région doit s’engager sans tarder à soutenir une autre approche de l’économie, une économie plurielle qui regroupe l’économie circulaire, l’économie collaborative et l’économie sociale et solidaire.

L’économie circulaire, et ses 7 piliers que sont l’éco-conception, l’écologie industrielle, l’économie de la fonctionnalité, le réemploi, la réparation, la réutilisation et le recyclage, permet de renforcer la capacité de nos territoires à optimiser leurs ressources, et donc d’être moins dépendants des flux mondiaux de matières premières ou de produits transformés. En outre, selon la Fondation Elen McArthur, adopter un modèle de consommation alternatif à celui qui prévaut depuis 150 ans (extraire-produire-jeter) permettrait d’économiser jusqu’à 630 milliards de dollars, une fois le modèle généralisé à l’ensemble des biens durables. L’isolation ou la rénovation des bâtiments publics permet également de réaliser des économies substantielles dans nos budgets de fonctionnement, sans parler des effets bénéfiques sur notre climat.

L’économie sociale et solidaire est le secteur le plus résistant en période de crise. Du fait de son ancrage territorial et de sa vocation de relocalisation de l’économie, c’est une économie durable. Du fait de sa gouvernance coopérative et de ses valeurs  solidaires, c’est une économie humaine. Notre territoire est riche de nombreux acteurs de qualité, je pense notamment aux Ecossolies dans l’agglomération de Nantes, ou encore au Pôle Territorial de Coopération Economique du bassin d’Ancenis, reconnu par la loi ESS qui devrait être votée dans quelques semaines au Parlement.

Le développement de l’économie collaborative montre une vitalité, une capacité d’interaction horizontale bien supérieure à ce que tout le monde imaginait. Selon le même rapport de Pisani-Ferry, cette économie a de beaux jours devant elle.

Je ne peux conclure cette intervention sans souligner une incohérence récurrente à laquelle il appartient aujourd’hui de mettre un terme :

En 2013, selon le compte administratif de la Région, notre institution a transféré un peu plus de 6 millions d’euros au syndicat mixte de Notre-Dame des Landes… Ce sera donc avec grande satisfaction que nous verrons l’année prochaine ce montant être porté à zéro.

En effet, le projet semble en voie d’abandon, n’en déplaise à ses promoteurs: le syndicat mixte a décidé le 16 juin dernier de stopper l’appel de fonds et surtout d’arrêter les versements pour la réalisation du projet à Vinci et l’Etat. Les scénarios réalistes d’optimisation de l’aéroport existants commencent enfin à sortir sur la place publique pour que puisse s’ouvrir le réel débat qui n’a jamais eu lieu.

Grâce à cette évolution, notre région pourra résolument se tourner vers le développement durable de ses territoires, notre région n’aura plus à se contredire elle-même, en portant un projet qui date du temps où le développement économique ne semblait que rimer avec atteinte à l’environnement.

Je conclurai avec une citation du philosophe André Gorz dont la citation résume l’état d’esprit dans lequel nous voteront ce budget supplémentaire : « Il est des époques où, parce que l’ordre se disloque, ne laissant subsister que ses contraintes vidées de sens, le réalisme ne consiste plus à vouloir gérer ce qui existe mais à imaginer, anticiper, amorcer les transformations fondamentales dont la possibilité est inscrite dans les mutations en cours ».

Cher-e-s collègues, osons ces transformations dans notre région et ce dès aujourd’hui. Je vous remercie.

 

 

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