Atelier d’Hénin-Beaumont – Discours de Sandrine Rousseau

Atelier d’Hénin-Beaumont – Discours de Sandrine Rousseau

Seul le prononcé fait foi.

 

Hénin-Beaumont, samedi 30 mai 2015

Discours de Sandrine ROUSSEAU

Face aux périls, notre région a besoin d’écologie !

 

Chers amis,

 

Je suis consciente de la chance qui m’est donnée aujourd’hui de m’exprimer devant vous. Je le fais avec émotion et humilité, et je remercie chaleureusement l’ensemble des militantes et militants écologistes qui m’ont accordé leur confiance.

 

Après nos échanges très riches de cet après-midi, j’ai l’impression que plus une seule personne ici ne doute de l’urgence d’agir face aux périls qui menacent notre nouvelle grande région.

 

Nous avons fait le choix d’ouvrir le débat et je m’en félicite. Nous aurions pu, selon les usages en vigueur sous la Ve République, négocier un accord entre responsables politiques, soit en amont façon front républicain, soit entre les deux tours.

 

Il se trouve que ces options ne sont pas à la hauteur des périls qui nous font face. L’union pour l’union, calculette en main, ne parle plus aux électeurs. La recherche de la martingale électorale sans se mettre d’accord sur la façon de faire face à l’urgence du dérèglement climatique n’a aucun sens. Nous avons donc choisi de parler du fond, d’avoir des débats de qualité, des échanges passionnés mais respectueux.

 

C’est un chemin inédit et je vous remercie sincèrement, vous les représentants des associations, comme vous les membres des partis politiques d’avoir joué le jeu.

 

Nous y voyons sans doute déjà un peu plus clair ce soir sur nos différences et nos convergences, même s’il reste beaucoup à débattre. Ce temps de débat doit être à la hauteur des périls qui nous font face.

 

Car les défis de demain seront les plus importants de notre Histoire : notre planète est en danger, les inégalités s’accroissent, les identités se crispent.

 

Il y a de nouvelles énergies à développer, de nouveaux emplois à créer, de nouveaux logements à construire. Il y a des liens à retisser, des menaces à affronter, des ponts à reconstruire.

Nous ne pourrons plus nous contenter de la politique de l’autruche ou, pire, de celle qui transforme les élus en gestionnaires aux mains liées.

 

Plus que jamais, nous avons besoin d’écologie ! Le Nord-Pas-de-Calais et la Picardie ont besoin d’écologie ! C’est notre réponse aux cyniques, aux craintifs, aux résignés, à celles et ceux qui veulent nous faire manger encore une fois le même plat sans saveur.

 

Nous avons besoin d’écologie pour préserver notre santé et notre biodiversité. Les mêmes causes produisent partout les mêmes effets : notre faune et notre flore sont malades, nous aussi ! Pour la première fois cette année, notre espérance de vie est en baisse !

 

Les maladies chroniques explosent. Là, parmi vous, dans cette salle, qui n’a pas un proche qui lutte aujourd’hui contre le cancer ? Notre région est la plus touchée de France, et le Bassin minier dans lequel nous sommes aujourd’hui est celui où l’on vit le moins longtemps !

Notre responsabilité est collective. Le cancer, nous ne le vaincrons pas en chipotant comme le font certains élus sur l’extension du périmètre de sécurité autour du site pollué de Métaleurop, à deux pas d’ici !

 

Nous ne le vaincrons pas non plus en nous contentant d’augmenter le nombre d’IRM, même si c’est nécessaire. Nous le vaincrons en éradiquant les polluants de notre environnement, en sortant de la malbouffe, en purifiant notre air et notre eau, en restaurant notre biodiversité.

 

Nous avons aussi besoin d’écologie pour freiner le changement climatique et ses effets. Certains nous disent : « Oh mais le changement climatique ça n’est pas pour de suite ! ». Ou pire, certains climato-septiques comme l’est le maire de la ville dans laquelle nous sommes aujourd’hui, nous disent : « Le changement climatique ? Quel changement climatique ?! ». Non, et nous en sommes vraiment désolés, le climat n’est pas une lubie d’écolo en manque d’apocalypse !

 

Ses effets sont déjà visibles dans notre région !   Demandez aux habitants de Wissant ou de la baie d’Authie qui assistent impuissants à l’effondrement leurs digues et à la montée du niveau de la mer. Demandez aux habitants de Gravelines qui vivront peut-être dans trente ans à deux pas de la première centrale nucléaire sous-marine d’Europe ! Demandez aux producteurs de bière de la région qui voient la composition de l’orge modifiée par la hausse des températures.

Demandez aussi à ceux qui n’ont jamais la parole, Mathilde Szuba nous l’a montré en début d’après-midi… Demandez aux plus vulnérables d’entre nous, aux sans-abris, aux malades, aux personnes âgées qui subissent la multiplication des canicules et l’explosion du coût des ressources.

 

Je le dis solennellement, et ce point n’est pas négociable : la transition écologique doit devenir notre priorité commune. On ne négocie pas avec notre environnement, notre climat et notre santé. Et je le dis tranquillement, l’avenir de nos enfants ne se compte pas en point de PIB.

 

Nous sommes les champions toutes catégories de la pollution de l’air aux particules fines. On ne doit plus remettre à plus tard des investissements essentiels comme la ligne de fret entre le Pas-de-Calais et les Landes. On ne doit plus reporter la mise en place de l’écotaxe. Ceux qui polluent doivent payer, pas les citoyens malades. L’écologie n’est jamais punitive, c’est l’absence d’écologie qui est punitive !

 

Cette lutte pour la préservation de notre santé et de notre climat est un énorme défi à relever. C’est aussi une opportunité pour transformer radicalement notre société et notre modèle de développement vers plus de justice.

 

Pour cela, il nous faut renverser la table – rien de moins ! – et affronter les lobbies et les gardiens de l’ancien monde. Naomi Klein nous le dit dans son dernier ouvrage : « Soit nous décidons de ralentir le changement climatique et il faut transformer radicalement notre économie, soit nous continuons sur notre lancée sans rien changer au modèle économique, et c’est notre monde physique qui se transformera radicalement, pour le pire ».

 

J’étais ce matin du côté d’Abbeville dans la Somme. Là-bas, un riche industriel a décidé d’entasser mille vaches dans un entrepôt. Pas pour leur lait ni leur viande. Non, pour le méthane qu’il pourra extraire de leurs bouses. C’est peut-être ça, le stade ultime du productivisme…

 

Face à cela, les vraies solutions à la crise climatique sont aussi notre meilleur espoir de construire un système économique plus juste. Une économie sociale et solidaire pour une société faite de partage et de coopération plutôt que de spoliation et de compétition. Le productivisme et la quête aveugle du point de croissance nous mènent dans le mur et creusent les inégalités. Les inégalités au sein de notre région qui bat des records en matière d’ISF… mais surtout en matière de RSA. Mais les inégalités aussi au niveau mondial.

 

Je suis écologiste, donc je suis altermondialiste. C’est un mot que l’on entend plus depuis quelques années, comme si nous nous étions résignés. Il n’a pourtant pas perdu ni son sens ni sa force. Pour le climat comme pour l’économie, nous devons penser globalement et agir localement. Nous sommes d’abord membres de la communauté humaine : il est temps de nous défaire de nos égoïsmes nationaux et même régionaux. En cela, la fusion entre le Nord Pas de Calais et la Picardie est une chance. Ne prenons pas cette fusion de manière grincheuse, faisons de cette union une opportunité !

 

Nous devons aussi, entre nous, résister à la tentation de revenir toujours au même esprit partisan, à la mesquinerie et à l’immaturité qui empoisonnent notre vie politique. Nous partageons un même monde, une même région, un avenir commun : ne l’oublions jamais.

 

C’est pourquoi nous, écologistes, avons choisi de provoquer le débat, d’ouvrir largement les échanges et la construction de notre projet régional. Avec les associations, avec les syndicats, avec les forces vives sur les territoires. Avec aussi nos partenaires politiques de gauche et écologistes car nos convictions et nos différences, nous devons les mettre en dialogue.

 

Notre région est un terrain d’expérimentation pour innover, inventer, construire le monde de demain. Je ne parle pas ici d’adaptations à la marge mais d’un changement profond et ambitieux. Nous pouvons le faire. Nous l’avons même déjà commencé depuis 1992 dans le Nord – Pas de Calais et depuis 2004 en Picardie, au sein de majorité de gauche et écologiste.

 

Nous l’avons fait dans le Nord – Pas de Calais avec la multiplication des réserves naturelles, ou le plan 100 000 logements pour l’isolation thermique. Nous l’avons fait en Picardie avec le développement de l’énergie éolienne et la politique de santé environnementale. Nous l’avons fait dans les deux régions avec la filière bois et le soutien à l’agriculture bio.

 

Ce ne sont que quelques exemples. Nous pouvons être fiers du bilan de nos élus régionaux, mais nous ne devons pas nous reposer sur lui, car il n’est pas suffisant. Il n’est pas suffisant pour redonner espoir en la politique, pour recréer le désir de changer le monde.

 

Nous sommes aujourd’hui à Hénin-Beaumont. C’est d’ici que le Front national prend racine, c’est ici qu’il prospère sur la désespérance. Le Front national, c’est la maison d’Hansel et Gretel : ça paraît beau, ça paraît appétissant mais c’est un piège ! Madame le Pen n’a pas de solutions pour notre région. Elle veut reconstruire des frontières et des murs. Mais contre la pollution de l’air et le changement climatique que propose-t-elle ? Construire un dôme de verre au-dessus de nos têtes ? Pour notre santé que propose-t-elle, à part faire la chasse aux migrants malades ?

 

Oui il faut déconstruire les fantasmes et les mensonges du FN. Mais je vous le dis avec conviction : nous avons aussi notre part de responsabilité dans la montée du fascisme en France.

Par notre résignation, par nos querelles parfois stériles, nous enrichissons le terreau sur lequel le FN s’épanouie. Il s’enrichit aussi des promesses non tenues, des idéaux piétinés et des comportements détestables. En prendre conscience, c’est se donner les moyens de changer, c’est refuser la fatalité.

 

Il n’y a pas de fatalité face aux périls qui nous attendent. Pas de fatalité face au changement climatique, face aux inégalités ou face au FN. S’engager en politique, c’est vouloir changer le réel, c’est changer nos vies.

 

Ensemble, cette après-midi, nous nous sommes montrés à la hauteur de l’enjeu. Nous avons fait un premier pas, nous avons commencé à mettre à plat nos points d’accords et de désaccords. Il nous reste 2 ateliers, à l’issue desquels nous pourrons regarder si nos accords l’emportent sur nos désaccords. Et je ne parle pas ici de nos conflits de places et de postes, même si cela fait aussi partie du jeu… je parle de la façon dont nous répondons aux urgences auxquelles nous faisons face.

 

Le moment est grave mais il est aussi terriblement excitant, car nous n’avons pas le choix. Nous n’avons pas de plan B, vos interventions nous l’ont rappelé.

 

Nous n’avons qu’une possibilité : réussir.

 

Nous n’avons qu’une option : l’optimisme.

 

Mais nous en avons les moyens : les nouvelles technologies par exemple transforment nos vies et nous offrent la possibilité de révolutionner la façon dont nous nous déplaçons. Une nouvelle mobilité, non polluante, est à portée de main. L’agriculture biologique crée des emplois, améliore le stockage du carbone dans le sol, redonne vie aux territoires et débarrassent nos assiettes des pesticides et des perturbateurs endocriniens. La rénovation des logements, le développement de la filière bois, la reconquête d’espaces de nature… les options sont sur la table, le champ des possibles est ouvert.

 

A nous de saisir cette chance, c’est la dernière. Mettons-nous au travail… une nouvelle région nous attend. Nous avons six mois pour nous y atteler, nous avons six mois pour construire la région de demain.

 

Alors, allons-y !

Submit a Comment

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *