Voyage à Copenhague, récit...
Par Bernard BRUNET I 15-12-2009
Vendredi, 8h gare du Nord à Paris. Des petites tâches bleues commencent à se former en différents points du grand hall. Les coordonnateurs des différentes organisations embarquant dans le "train pour Copenhague" organisé par les Amis de la Terre (et plus particulièrement par Hannah Mowat une jeune anglaise salariée des AT qui a travaillé un an sur ce projet avec une incroyable énergie), accueillent les arrivants et leur distribuent les ponchos bleus qui vont servir à former une marée humaine dans les rues de Copenhague et accessoirement à nous reconnaître dans les gares. Pour les Verts, c'est Henrique Pinto qui a tout coordonné. Souriant, chaleureux, efficace, à l'image de toute l'organisation mise
en place en France, en Belgique et au Danemark. Le grand hall devient de plus en plus bleu, c'est 400 personnes qui vont embarquer. Cécile Duflot arrive en métro et se fond dans le groupe.
La SNCF a décidé de faire un joli geste et de s'offrir un beau coup de pub en nous offrant le voyage Paris Bruxelles en TGV. L'entrée du quai est surmonté d'une arche qui nous souhaite bon voyage et des totems bien faits vantent les mérites du train pour lutter contre les GES. La rame de TGV qui nous est réservée se remplit en regroupant les organisations (Amis de la Terre, Greenpeace, Oxfam, Solidaires, Bizi un collectif basque bourré d'énergie, les Verts, le NPA… j'en oublie certainement). 1h 15 de voyage pour arriver à Bruxelles, Cécile installée juste derrière nous répond à interview sur interview, les journalistescherchent systématiquement à focaliser les questions sur sa personne et elle répond sur le fond, avec conviction, pugnacité et simplicité… impressionnante ! Stéphane Sitbon son conseiller de 22 ans gère le passage des journalistes, et échange avec elle entre deux. Tout à l'heure il viendra saluer Françoise Matricon en lui disant les souvenirs qu'il a d'elle lorsqu'elle était au CNIR et lui très jeune militant vert.
Bruxelles, on change de quai et on monte dans le "Copenhague express" un train spécial rien que pour nous avec 400 Belges et Anglais ce qui fait 800 personnes. C'est le collectif belge "Climat et Justice Sociale" qui à affrété ce train équipé d'une cuisine bio et une radio alternative. Ambiance ! les gens circulent dans les wagons (les belges prononcent "ouagons", les français sont morts de rire), ça parle dans toutes les langues, les basques ont sorti le jambon et commencent à chanter, le groupe Sud PTT joue au tarot, le NPA fait la jonction avec la LCR belge, on annonce une conférence gesticulée dans le ouagon 3…
On va y rester 12 heures dans ce train, Liège, Aix la Chapelle, Munster, Hambourg, Kiel… il nous manque une carte pour comprendre où on passe, mais qu'est-ce que c'est grandl'Allemagne au Nord de la France ! 22h, le Copenhague express s'immobilise sur le quai de la gare frontière de Padborg. Les portières restent fermés, les flics danois en très grand nombre forment un cordon tout le long du train. On va devoir sortir par quelques portières seulement et passer un par un entre les rangées de policiers qui nous demandent nos papiers, bonjour l'ambiance. La télé danoise m'interviewe sur le quai pour me demander pourquoi je viens à Copenhague et ce que je pense de ce déploiement policier…
Enfin on monte dans le troisième train danois qui va nous emmener à Copenhague où on arrive à deux heures du matin. La gare centrale est pleine de danois qui attendent des trains sur les quais, les métros sont bourrés, on a l'impression d'être en milieu de journée. On investit une rame de RER avec groupe français, direction Farum une banlieue à 20 Km
du centre ville où les danois ont mis à disposition un groupe scolaire que nous allons partager avec une cinquantaine de militants tchèques. On s'organise par 15 dans les salles de classe pour trois petites heures de sommeil. Tout le monde debout à 7h et en route dans le froid pour la gare du RER (20 minutes à pied) et Copenhague.
Samedi 12, 9h du matin, arrivée au Klima Forum lieu du contre sommet. Un centre de conférence à deux pas de la gare centrale. Véritable tour de Babel, ça fourmille de monde, une immense majorité de jeunes qui discutent pianotent sur leurs ordinateurs, courent d'une salle de conférence à l'autre. On s'installe dans le "orange Hall" pour une info sur l'avancement des négociations par Christophe Aguitton, Geneviève Azam (Attac) et Maxime Combes (AITEC). Ils nous décrivent le fonctionnement de la conférence au Bella Center, les 30 000 personnes accréditées, les réunions, les prises de position, les coups de théâtre, les effets d'annonce… Quand même, il semble que les choses bougent. Les pays du Sud (le G 77) multiplient les propositions et font entendre leur différence : pas d'abandon du protocole de Kyoto, pas de fausses solutions avec le marché du carbone, les mécanismes de compensation et l'énergie nucléaire, un accord contraignant pour les pays riches… La présence massive des ONG au sommet pèse aussi sur les négociations, on sent que les grands pays du Nord commencent à comprendre la nécessité de faire évoluer leurs positions…
10h30, on enfile tous nos capes bleues et on sort du centre pour rejoindre une immense foule rassemblée sur une place à 200 mètres de là. La vague bleue ondule, sur une estrade les orateurs se succèdent Via Campesina, peuples premiers, Oxfam, Friends of Earth international… La marée bleue se forme et va couler dans les rues de Copenhague pendant une heure jusqu'à la place du Parlement. C'est festif et grave à la fois. Derrière les façades scandinaves si typiques, les enfants le nez sur la vitre nous regardent passer.
14h place du Parlement, avec la chaussée c'est grand comme la Concorde. On s'est débrouillés comme on pouvait pour boire un chocolat chaud (il fait 0°) et se trouver un sandwich, depuis une heure la place ne cesse de se remplir rajoutant des dizaines de milliers de personnes à la marée bleue du matin. Les consignes, rester groupés autour de nos organisations, les 'black blocs" s'infiltrent partout dans la manif et le risque d'une confrontation avec les flics est sérieux. Une heure de discours de nouveau, dans le froid et la bonne humeur. Toutes les nationalités et toutes les sensibilités s'expriment. Les hélicos
tournent dans le ciel, les orateurs nous font répéter " What do ou want ? Climate Justice ! ", " When do you want ? Now ! ". On nous annonce qu'on est 100 000 d'après les flics. La manif démarre mais une heure après les derniers n'ont pas encore quitté la place. Plusieurs camions équipés de sound systems scindent le cortège en groupes bien structurés regroupant les organisations. Direction le Bella Center en suivant des larges avenues, la nuit tombe à 16h30. Les forces de l'ordre apparaissent de plus en plus présentes sur les côtés, casqués bottés façon robocop. Au bout d'une heure de marche, tout le monde s'arrête, les flics on coupé la manif en deux à 100 mètres derrière nous et ont raflé 1000 personnes pour les emmener dans leurs cellules grillagées. Très peu de black blocs pris dans la nasse, essentiellement des militants pacifiques, dont le caméraman de nos amis basques de Bizi qui sera relâché à minuit. Puis la manif reprend et se disperse pacifiquement à proximité du Bella Center vers 18h. Impossible de prendre le métro pris d'assaut par les manifestants, on rentre à pied avec le groupe des Amis de la Terre.
Le lendemain dimanche un peu de tourisme dans les rues de Copenhague, un dernier arrêt au Klima Forum et puis le train danois à 15h 30 jusqu'à Padborg et une nuit de folie dans le Copenhague Express qui nous sagement attendu. Les belges ont amené des fûts de bière (de la brasserie Dupont !), les basques nous initient à un jeu stupide qui consiste à faire passer sur les bras des gens assis par terre, à tour de rôle des gens allongés d'un bout à l'autre du ouagon enfin je ne sais pas si je me fais bien comprendre et je ne sais plus comment ça s'appelle ce truc. Difficile de dormir, le trains s'arrête sans arrêt et roule doucement. On arrive à 6h du matin à Bruxelles, légèrement fripés quand même. Enfin
le train pour Paris à 9h, là la SNCF nous a carrément offert le voyage en première, le contrôleur n'en croit pas ses yeux " d'habitude je contrôle ceux qui nous enc… aujourd'hui je contrôle ceux qui nous défendent, c'est quand même mieux, je suis à 100 pour 100 avec vous ! "
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