La situation de paralysie que nous avons connue la semaine dernière aurait pu s'intituler "chronique d'un blocage annoncé..." si les enjeux n'étaient pas aussi graves. Les mêmes causes provoquent les mêmes effets. Les mouvements de 2008 portaient en germe les situations de tension que nous connaissons aujourd'hui. Des conséquences aux effets multiples : fragilisation d'une économie déjà mal en point, perturbation des rythmes de vie des publics scolaires, risques d'augmentation de l'insécurité routière etc.
La réponse institutionnelle s'est faite sous la forme d'une indemnisation financière. Une réponse similaire a été apportée à l'époque par une baisse du prix du carburant. Ces deux actions montrent profondément leurs limites. La baisse du prix du carburant comme les indemnisations financières ne peuvent être le seul objectif politique aussi louable soit-il. Preuve en est aujourd'hui, la baisse du prix du carburant n'a pas suffit à répondre au réel problème posé par les blocages routiers. Une nouvelle fois, les collectivités locales comme les services de l'État réagissent sous l'effet de l'émotion et de la pression collectives. Une réponse d'urgence certes, mais une réponse à très court terme.
Cette réponse ne doit pas cacher la mise en œuvre d'une réflexion plus globale et à long terme. Autrement dit, réfléchir à une forme d'intelligence des territoires en Guyane. Ce qui signifie comprendre comment les hommes se déplacent, comme les circulations de biens se font, comment les échanges de communication s'effectuent. Ce n'est qu'après cette étape d'expertise, nécessaire, que l'action publique peut se faire. Comment ? Par la mise en œuvre de moyens de transports diversifiés brisant ainsi le "tout voiture" et le "tout routier" en instaurant des moyens de transports collectifs tels que les autobus, navette fluviale etc. Par la mise en œuvre d'un aménagement des territoires cohérent, multipolaire et maillé mettant ainsi fin à "l'ilocayenocentrisme". Il s'agit de penser à un aménagement des territoires fondé sur des bassins de vie. Penser ces territoires diversifiés comme un tout harmonieux et structuré, cela suppose des politiques innovantes, audacieuses qui conjuguent : habitat, vie économique et emploi, services et loisirs de proximité, santé, formation etc.
Tous ces éléments fondamentaux ne peuvent être réfléchis sous forme de mille-feuilles : l'un superposant l'autre. Cette superposition isole et handicape chaque partie. Or les bassins de vie doivent être pensés comme des "niches écologiques relationnelles". C'est-à-dire que les bassins de vie doivent être toujours envisagés comme des lieux de vie complet en dynamique continue. Autrement dit, l'action publique doit s'inscrire dans une logique de prospective. C'est à cette condition seulement que nous pourrons enfin répondre aux enjeux posés par l'aménagement du territoire et aux moyens de transport dans notre région. C'est à cette condition seulement que l'action politique prend tout son sens et devient responsable.
François Rezki, membre de Guyane Ecologie