Israël-Palestine, pour soutenir l’initiative française (Libération, 24 avril 2016)

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Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a annoncé, jeudi, qu’une grande réunion internationale se tiendrait à Paris le 30 mai. Nous publions un appel d’intellectuels (Brauman, Enderlin…) et d’anciens ministres (Quilès, Villepin, Védrine…).

Depuis les accords d’Oslo en septembre 1993, le «processus de paix», qui devait conduire au règlement du conflit fondé sur la création d’un Etat palestinien indépendant et viable, avec Jérusalem-Est pour capitale, est mort. Reposant sur un dialogue entre Israël et les Palestiniens, sous le parrainage des Etats-Unis, ce processus est allé d’échec en échec : en 2000, à Camp David ; en 2001, à Taba ; en 2007, à Annapolis ; en 2011, avec la mission du sénateur américain George Mitchell, et, en 2014, avec la médiation du secrétaire d’Etat, John Kerry.

Pendant ces vingt-trois années, l’occupation militaire israélienne s’est encore consolidée tandis que la condition des Palestiniens n’a cessé de se dégrader et leur horizon de s’assombrir. Gaza et ses deux millions d’habitants sont enfermés par un blocus qui rend leurs conditions de vie insupportables. En Cisjordanie et à Jérusalem-Est, le désespoir est tel que des dizaines de jeunes Palestiniens (souvent âgés de moins de 20 ans !), qui n’ont strictement aucun lien avec des organisations politiques, poignardent des Israéliens en sachant qu’ils seront exécutés sur place. Depuis octobre 2015, le bilan est terrible : 28 Israéliens et 183 Palestiniens ont été tués. Jusqu’à quand verrons-nous, impuissants ou indifférents, le sang israélien et palestinien couler ?

En l’absence de toute négociation véritable, la seule chose qui avance de manière fulgurante, c’est la colonisation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est. Les chiffres sont sans appel : 270 000 colons israéliens en 1993, près de 700 000 aujourd’hui. Cela signifie d’incessantes et brutales expropriations de terres palestiniennes avec des colons toujours plus nombreux qui, assurés de leur impunité, s’en prennent violemment à leurs voisins palestiniens ; certains n’hésitant pas à incendier leurs maisons et même à brûler vif des familles palestiniennes, comme celle d’Ali Dawabcheh à Duma en juillet 2015.

Pour les Nations unies, l’Union européenne et une bonne partie de la communauté internationale, ce processus continu de colonisation des Territoires palestiniens occupés de Cisjordanie et de Jérusalem-Est est l’un des obstacles majeurs à la recherche d’une solution pérenne permettant la création d’un Etat palestinien.

Il est, par ailleurs, illégal au regard du droit international et, plus précisément, de l’article 49 de la IVe convention de Genève du 12 août 1949. Le Conseil de sécurité des Nations unies ainsi que la Cour internationale de justice se sont formellement prononcés sur ce point de principe. De surcroît, il constitue un crime de guerre au regard de la convention de Rome de 1998 portant statut de la Cour pénale internationale. La Palestine y ayant adhéré, la procureure a récemment entrepris un «examen préliminaire» pour s’assurer «qu’il y a de bonnes raisons d’ouvrir une enquête» sur cette question dont la Cour pourrait donc un jour se saisir. On le voit bien, les principes qui ont guidé les tentatives de négociations entre Israël et les Palestiniens au cours de toutes ces années – le face à face des deux parties sous le regard de Washington -ont fait la preuve de leur faillite.

Pourtant, dans un Moyen-Orient en proie au chaos, il n’est peut-être pas trop tard pour tenter autre chose. C’est ce que veut faire le gouvernement français en proposant une conférence internationale avec les membres du Quartette (Nations unies, Union européenne, Etats-Unis, Russie) et quelques autres pays pour préciser les termes de référence du règlement du conflit dans la perspective de la solution à deux Etats. C’est sur ces bases que pourraient ensuite négocier Palestiniens et Israéliens avec le soutien d’un groupe de plusieurs pays émanant de la conférence et non plus d’un seul. Cette initiative est déjà critiquée et donc fragilisée par tous ceux qui préfèrent le maintien du statu quo, c’est-à-dire, la pérennisation d’une occupation militaire qui empêche tout un peuple d’être maître de son destin. Un tel immobilisme ne pourra évidemment qu’aggraver encore et encore une situation déjà insupportable avec toutes les formes de violence erratique qu’elle peut engendrer. Face à de tels risques de pourrissement, l’initiative de la France est très importante. En proposant un règlement conforme aux résolutions pertinentes des Nations unies, aux accords déjà signés, et tenant compte des points de convergence agréés par les deux parties, elle va dans la bonne direction. C’est pourquoi nous lui apportons notre soutien.

SIGNATAIRES

Yves Aubin de La Messuzière ex-diplomate Jean-Christophe Attias universitaire René Backmann journaliste Denis Bauchard ancien diplomate Esther Benbassa sénatrice et universitaire Pierre Blanc universitaire Pascal Boniface universitaire Estelle Brack économiste Rony Brauman médecin et universitaire Jean-Paul Chagnollaud universitaire Charles Enderlin journaliste Salam Kawakibi chercheur Agnès Levallois consultante Gilbert Meynier universitaire Bruno Péquignot universitaire Jean-Pierre Perrin journaliste Géraud de La Pradelle universitaire Paul Quilès ancien ministre Patrick Renauld ex-diplomate Xavier Richet universitaire Giovanna Tanzarella dirigeante associative Hubert Védrine ancien ministre Dominique Vidal journaliste Dominique de Villepin ancien Premier ministre Catherine Wihtol de Wenden universitaire.

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