UNE NOUVELLE LOI SUR LA FIN DE VIE DÉFINITIVEMENT ADOPTÉE

2015-0059-009-CL

Intervention de Corinne Bouchoux, mercredi 27 janvier 2016 lors du vote de la loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie ».

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, cher François Pillet, mes chers collègues, je souhaite d’abord rendre hommage à tous ceux qui ont travaillé sur ce sujet, ceux qui sont présents, ceux qui sont absents, ceux qui nous ont quittés, ceux qui sont encore de ce monde, et remercier Jean Desessard et Marie-Christine Blandin d’avoir passé le témoin sur cette question difficile.

Après trois ans de travaux marqués par la succession de nombreux rapports et consultations – le rapport Sicard, l’avis 121 du Comité national consultatif d’éthique, le jury citoyen, la consultation des députés Alain Claeys et Jean Leonetti -, nous voici devant le texte qui constitue une réponse à l’engagement 21 du candidat François Hollande.

M. Philippe Mouiller. C’est bien le seul !

Mme Corinne Bouchoux. Après deux lectures parfois mouvementées au Sénat, les députés et les sénateurs se sont accordés en commission mixte paritaire sur une version commune. Je tiens ici à saluer leur travail.

L’équilibre sur ce texte a été très malmené tout au long des discussions. Reconnaissons qu’il n’était sans doute pas facile de parvenir à un consensus.

Pour autant, le texte ne nous donne pas entièrement satisfaction. Il s’agit pour nous d’une étape. Nous avons cru comprendre, dans vos propos, qu’il en allait de même pour vous, madame la ministre. Nous nous félicitons, cependant, qu’il ne constitue pas un recul sur la loi Leonetti de 2005.

La sédation profonde et continue jusqu’au décès est le point essentiel du texte, et il fut le plus contesté, de chaque côté. La sédation profonde et continue ne sera jamais la réponse à une demande d’assistance médicalisée active à mourir, mes collègues l’ont dit. Elle ne saurait être le seul moyen pour assurer le droit à une fin de vie digne.

Certains continueront donc à partir à l’étranger pour y trouver la possibilité d’une assistance active à mourir que ce texte ne permet pas, mais ce n’était pas son objectif. Cette assistance active à mourir sera toujours réservée à ceux qui ont les moyens de s’expatrier pour en bénéficier.

En ce qui concerne la sédation profonde et continue, son champ d’application demeure restreint. Pour rassurer les plus réticents, au-delà de la seule volonté du patient, une disposition limitera les cas où cette sédation sera mise en œuvre. Le droit à une sédation sera ouvert aux patients en toute fin de vie, uniquement si l’arrêt des traitements provoque une souffrance insupportable.

Cependant, si la proposition de loi affirme créer de nouveaux droits, elle ne place pas toujours, selon nous, le patient au cœur de la décision.

Le groupe écologiste comprend la recherche du compromis, elle est nécessaire, mais celui auquel la commission mixte paritaire est parvenue nous semble encore insuffisant.

Fort heureusement, il arrive que la recherche de l’équilibre permette de retomber dans le bon sens. C’est le cas en ce qui concerne les directives anticipées, qui deviennent contraignantes. Il s’agit d’une avancée, que nous saluons.

Les modifications introduites par les sénateurs ont cependant été conservées. Elles limitent le caractère contraignant des directives, puisque le médecin de fait peut s’en affranchir quand elles ne sont pas « conformes à la situation médicale ».

Une autre notion impose également une forme de restriction : les directives ne s’imposent pas au médecin s’il les juge « manifestement inappropriées ». Le terme est flou et fait craindre des blocages.

Madame la ministre, votre annonce concernant la campagne de communication sur ces directives va dans le bon sens. Il faut conforter cette communication. Mais, si informer est une bonne chose, il sera également nécessaire de veiller à la bonne application des textes afin d’éviter une mauvaise interprétation. Nous comptons également sur le renforcement des moyens alloués aux soins palliatifs.

Nous souhaitons qu’il soit possible un jour d’aller plus loin, et peut-être pas dans un avenir trop lointain. N’attendons pas encore dix ans pour changer la législation en la matière ! Nos concitoyens et nos concitoyennes souhaitent obtenir rapidement des réponses nouvelles afin de choisir leur fin de vie, ce que ce texte ne permet pas, car il s’adresse à ceux qui vont mourir et non à ceux qui souhaitent abréger leurs souffrances.

Le Sénat a une responsabilité : prendre en compte les attentes et entendre ce que réclame une très grande majorité de la population.

Nous ne souscrivons pas à la prudence de la proposition de loi, nous sommes réservés sur un certain nombre de points, je l’ai dit, mais le texte qui nous a été soumis est politiquement équilibré, juste, sensé et, dans son énoncé, en tout cas, respectueux des malades.

De ce fait, les membres du groupe écologiste le voteront presque tous, à l’exception d’une abstention. Nous exprimons ainsi notre satisfaction d’avoir collectivement trouvé l’équilibre intelligent sur ce sujet.

M. Alain Fouché. Je suis bien d’accord avec vous !

Mme Corinne Bouchoux. Ce n’est pas le texte dont rêve l’Association pour le droit de mourir dans la dignité, et j’en suis sincèrement désolée. Toutefois, on ne recule pas et, en ce moment, ne pas reculer, c’est déjà avancer ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et républicain, du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées de l’UDI-UC et du groupe Les Républicains.)

Crédit photo: Sénat

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