SAUVER LES COLONIES DE VACANCES

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Monsieur le président,

Madame la ministre,

Mes chers collègues,

Je tiens au préalable à remercier le groupe CRC d’avoir porté ce sujet dans l’hémicycle. L’accès des enfants et adolescents aux vacances, dans une forme collective, demeure un sujet d’actualité et un enjeu central pour notre jeunesse et notre société. Je me demande d’ailleurs si, aux divers problèmes soulignés, fort justement, par Mme Pasquet, il ne faut pas ajouter celui du nom : le terme « vacances » fait toujours rêver, mais je ne suis pas certaine que ce soit encore le cas du mot « colonie » !

Selon l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes, un quart de la classe d’âge de cinq à dix-neuf ans est aujourd’hui exclue du départ en vacances, soit près de trois millions d’enfants et d’adolescents. C’est d’eux dont nous parlons aujourd’hui !

Dans un rapport, déjà cité, de juillet 2013, le député Michel Ménard dresse un état des lieux très alarmant de la fréquentation des colonies de vacances, en baisse depuis 1995, et ce indépendamment des indicateurs considérés : les journées, la durée ou le nombre d’enfants accueillis. Nous partageons ce constat d’une diminution des séjours collectifs corrélée à une très forte augmentation des inégalités.

Comment renforcer l’accès des mineurs aux loisirs et aux vacances ? Comment garantir un droit à des vacances pour tous sous une forme organisée ?

Selon nous, l’expérience du départ est fondatrice.

Partir ailleurs, en dehors de son milieu familial d’origine ouvre à l’altérité, de même qu’à l’apprentissage de la vie collective à travers ses règles et ses contraintes. On trouve là des similitudes avec les classes de découvertes, qui, malheureusement, sont également en diminution au sein de l’éducation nationale depuis 1999. Mais les colonies et « mini-camps » ont lieu pendant les vacances : les enfants et les adultes, rassemblés pendant plus de temps, peuvent entrer en relation à un autre rythme autour de projets co-construits et ainsi échanger, y compris sur la construction d’un futur proche.

Mais partir, c’est aussi faire l’expérience d’un autre lieu, quitter son horizon quotidien pour découvrir d’autres espaces : la mer, la montagne, des pays étrangers parfois, ou encore les espaces ruraux avec leur faune et leur flore.

Des enfants qui découvrent d’autres lieux, d’autres cultures, qui font l’expérience de la vie en collectivité et participent à des projets collectifs pourront mieux se projeter et imaginer un parcours de vie. Ils auront plus de facilité à entrer dans cette dynamique de « projet » si souvent valorisée de nos jours, y compris à l’école.

La baisse de la durée des vacances et du nombre de séjours frappe plus fortement les familles aux revenus les plus faibles et s’étend aujourd’hui aux classes moyennes, voire parfois aux classes supérieures, les parents renonçant à ce type de séjours pour leurs enfants en cas de chômage. Les difficultés économiques sont plus fortement ressenties par les familles des milieux populaires et modestes, c’est une évidence.

Comme cela a déjà été dit ici, il est probable que le changement de système mis en place pour les animateurs depuis 2011 ait quelque peu fragilisé le système. Ce changement a de fait induit une hausse des coûts des colonies de vacances, lesquelles sont peut-être devenues plus chères pour un certain nombre de familles. Cette explication vient s’ajouter à celles qu’a déjà données Mme Pasquet.

Pour nous, écologistes, deux leviers sont à actionner en priorité : refondre le paysage de l’animation et, dans un second temps, réfléchir à l’accompagnement et à l’aide au départ.

La réflexion sur la nécessaire refonte du paysage de l’animation doit aller de pair avec celles sur l’évolution des activités périscolaires et sur la professionnalisation des auxiliaires pour les enfants et les jeunes en situation de handicap, sans oublier celle sur les ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Dans ce contexte, le statut d’animateur volontaire pourrait trouver toute sa place. Il s’agirait d’un parcours limité dans le temps, permettant de découvrir une logique d’engagement dans des projets.

Un autre aspect mérite d’être souligné : les animateurs aujourd’hui souhaitent non pas plus de temps de repos, mais des rémunérations décentes. Peut-être la crise des vocations dans les colonies de vacances s’explique-t-elle par la faiblesse de leur rémunération ? Les directeurs de séjours préfèrent des animateurs impliqués, qui restent plus longtemps. Ils ne veulent pas passer leur temps à faire et à refaire des plannings, ce qu’ils font déjà beaucoup.

En outre, les associations, en tout cas celles qui nous ont contactés, sont favorables au statut de volontaire de l’animation. Elles souhaitent dans un premier temps une phase transitoire, durant laquelle plusieurs systèmes d’animation coexisteraient. Il est selon nous grand temps de repenser le statut des animateurs.

Il faut ensuite revoir l’accompagnement et l’aide au départ. L’accompagnement au départ doit se faire localement, en co-construction avec tous les acteurs. Cette démarche nous semble extrêmement importante. Il faudrait organiser plus de coopération de proximité.

Le rôle des communes est essentiel. Les caisses d’allocation familiales jouent un rôle stratégique, cela a déjà été dit. Or le modèle économique et social des CAF a été très fortement fragilisé, comme l’a expliqué la première intervenante.

L’État prétendant ne plus avoir les moyens de financer les séjours en colonie de vacances, il faut se tourner vers d’autres acteurs et les associer à ces séjours collectifs : les fondations, même si nous avons des réserves les concernant, et les comités d’entreprise, qui jouent un rôle stratégique. Or, si nous allons trop loin dans la modification des seuils sociaux, de moins en moins de comités d’entreprise seront opérationnels, et de moins en moins de structures pourront aider les enfants à partir.

En conclusion, nous considérons qu’il est important de redonner aux vacances collectives que l’on appelait autrefois les colonies de vacances un rôle de premier plan. À cet égard, nous sommes favorables à la proposition n° 11 du rapport de Michel Ménard, qui préconise de « développer des réseaux territoriaux de départs des jeunes en séjours collectifs, permettant le partage du coût des séjours par le jumelage des collectivités, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ou bien en ravivant les jumelages européens et internationaux dans ce domaine ». Nous jugeons cette proposition intéressante, même si, comme toujours, les initiatives à l’international profitent davantage aux jeunes de milieux privilégiés qu’à ceux de milieux modestes.

En fait, la véritable question de fond est celle des inégalités, lesquelles ont massivement explosé dans notre société. La question des colonies de vacances ne fait que refléter ces inégalités. Le non-départ « relègue » une partie de la jeunesse, celle qui a pourtant le plus besoin d’un espoir et d’un horizon.

Merci à nos collègues du groupe CRC d’avoir demandé l’organisation d’un débat sur cette question aujourd’hui !
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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