PROPOSITION DE LOI RELATIVE À LA PRÉVENTION ET L’ACCOMPAGNEMENT POUR L’ORGANISATION DES SOIRÉES EN LIEN AVEC LE DÉROULEMENT DES ÉTUDES

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le problème qui nous occupe aujourd’hui a déjà fait l’objet d’un certain nombre de mesures censées permettre d’y remédier. J’essaierai de vous montrer, au cours de mon intervention, pourquoi la proposition de loi qui nous est présentée ne nous semble pas, en l’état, opportune.

Oui, certains jeunes ont un problème majeur avec l’alcool. Je signale néanmoins que la moitié des comas éthyliques constatés dans les services des urgences concernent des collégiens ou des lycéens. Le dispositif de la présente proposition de loi ne couvre donc que 50 % du problème de l’alcoolisation chez les jeunes.

Oui, la pratique du binge drinking est détestable et dangereuse.

Oui, lorsqu’ils sont en état d’ébriété, les jeunes, qu’ils soient ou non étudiants, ont des conduites inappropriées, parfois criminelles, qu’il convient de condamner. La justice s’y emploie.

Oui, depuis vingt ans, les politiques de tous bords ont pris la mesure de ce problème. Je ne vais pas détailler, une nouvelle fois, les mesures qui ont été prises pour y faire face. Elles vont de la condamnation du bizutage dans la loi du 17 juin 1998 au décret relatif aux happy hours, en passant par la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance, sans parler des mesures prises par Mme Pécresse puis par M. Wauquiez. Il existe donc déjà un arsenal législatif pour lutter contre la surconsommation d’alcool chez les jeunes.

En l’état, le dispositif de la proposition de loi qui nous est soumise nous semble difficile à appliquer. Or, le propre d’une bonne loi n’est-il pas d’être applicable et appliquée ?

En premier lieu, on dénombre chaque année quelque 20 000 soirées étudiantes, dont 6 000 sont organisées au sein des écoles de commerce, sans compter les innombrables soirées d’anniversaire. Est-il envisageable que tous ces événements fassent l’objet d’une déclaration préalable auprès du chef d’établissement ?

En deuxième lieu et surtout, nous parlons ici d’étudiants, qui sont pour la plupart d’entre eux majeurs. Or, cette proposition de loi, qui sera certainement améliorée, nous semble traiter les étudiants, appelés à devenir rapidement des actifs responsables, comme des mineurs, voire des enfants !

En troisième lieu, la proposition de loi ne traite que du problème de l’alcool chez les jeunes étudiants. Le reste de la jeunesse ne mérite-t-il pas lui aussi toute notre attention ? Pourquoi ne se préoccuper que de l’alcoolisation des étudiants ? En effet, cette question concerne aussi un certain nombre de jeunes travailleurs, de jeunes chômeurs ou de jeunes SDF. Actuellement, selon les statistiques du Secours catholique publiées le mois dernier, 36 % des personnes aidées en urgence par cette organisation sont des jeunes, vraisemblablement confrontés à une suralcoolisation et, pour peu qu’ils disposent de suffisamment de moyens, au binge drinking.

En quatrième lieu, nous ne sommes pas favorables à ce texte en l’état parce qu’il nous semble porter une atteinte disproportionnée à la liberté de réunion, par exemple en vue de fêter un anniversaire. Nous ne comprenons pas comment une soirée privée, organisée dans un lieu privé, c’est-à-dire extérieur à l’établissement d’enseignement supérieur, pourrait faire l’objet d’une déclaration au chef d’établissement. Le lien d’une telle manifestation avec les études peut en effet n’être que très ténu.

Enfin, les soirées en question peuvent regrouper à la fois des étudiants et des non-étudiants, d’où une autre difficulté d’application du dispositif de la proposition de loi.

En résumé, même si le travail préparatoire accompli est extrêmement riche et permet d’attirer l’attention sur un grave sujet de santé publique, le présent texte nous paraît poser un certain nombre de problèmes.

L’alcoolisation rapide des jeunes est le symptôme d’une crise profonde. Cette proposition de loi ne s’attaque qu’à la partie émergée de l’iceberg. Pourquoi cette jeunesse boit-elle autant ? Voilà la question que nous devons nous poser !

Si nous sommes aussi réservés sur ce texte, c’est parce qu’il ne suffit pas de se donner bonne conscience en instaurant un régime de déclaration préalable qui permettra aux acteurs d’« ouvrir le parapluie » et de se défausser de leurs responsabilités.

Pour notre part, nous faisons un autre pari : celui de la prévention et de la coopération avec les associations et les mutuelles étudiantes. Encore faut-il qu’elles aient les moyens de mener des actions de prévention, car cette dernière a un coût. La proposition de loi ne comporte d’ailleurs aucun volet financier.

Sur un plan positif, nous souhaitons proposer trois axes de travail en vue de remédier à un problème dont nous ne nions nullement la réalité.

Tout d’abord, les soirées ayant quitté les écoles et les universités pour s’éloigner des centres-villes, nous pensons qu’il conviendrait de faire revenir au sein des établissements d’enseignement supérieur une partie de la vie étudiante, notamment les fêtes. Il n’y aurait alors plus lieu d’élaborer une loi, puisque le code de l’éducation et les règlements intérieurs des établissements suffisent tout à fait pour régler les problèmes liés à la vie étudiante.

Ensuite, nous souhaiterions que soit lancée une enquête approfondie sur la santé des jeunes, étudiants ou non, afin d’essayer de mieux comprendre les raisons et les ressorts de leur malaise. Cela permettrait d’étudier les moyens de développer la prévention, par exemple en assurant une prise en charge des jeunes en difficulté par les bureaux d’aide psychologique universitaires ou les maisons de la santé. Je reconnais toutefois qu’une telle politique a un coût.

Enfin, nous pensons qu’une authentique politique de la jeunesse doit s’adresser aux jeunes dans toute leur diversité : garçons, filles, étudiants, non-étudiants, demandeurs d’emploi. Une telle politique doit permettre d’ouvrir des perspectives en matière d’emploi, car les jeunes ne demandent qu’une chose : étudier en vue d’acquérir une formation puis d’exercer un métier. À cet égard, la piste des emplois verts est particulièrement intéressante.

En conclusion, les membres du groupe socialiste-EELV sont eux aussi favorables au renvoi du texte à la commission, qui permettra de faire mûrir la réflexion. Nous appelons à un travail de fond sur le malaise de la jeunesse dans son ensemble, afin d’essayer d’apporter à celle-ci ce qui lui manque peut-être le plus cruellement : de l’espoir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste-EELV.)

 

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