LES « INVISIBLES » DU SENAT ENFIN RECONNUS

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A l’occasion de l’examen de la proposition de résolution du Président LARCHER tendant à réformer les méthodes de travail du Sénat, le Groupe écologiste salue un texte qui permettra d’améliorer l’efficacité, la transparence et la visibilité du travail de la Haute Assemblée.

Le Groupe écologiste se félicite en particulier de la reconnaissance des collaboratrices et collaborateurs parlementaires dans le règlement du Sénat, jusqu’ici « invisibles », bien qu’essentiels dans le travail législatif et la vie du Sénat. Cet amendement, proposé par les écologistes, a obtenu la cosignature des groupes socialiste, communiste, ainsi que des présidents des groupes UMP et UDI-UC et a été adopté à l’unanimité.

Corinne BOUCHOUX, cheffe de file du Groupe écologiste sur ce texte a expliqué, à l’occasion de la discussion générale, qu’il s’agissait de coordination avec le droit en vigueur : « Le législateur doit être exemplaire dans son application de la loi, à commencer par le code du travail pour ses propres salariés ! »

Jean-Vincent PLACE, Président du Groupe écologiste, a défendu l’amendement en séance : « Cette reconnaissance, ce n’est qu’un petit pas sur le chemin d’une longue réforme qui devra voir le jour pour nos collaboratrices et collaborateurs, mais c’est un premier pas nécessaire. Chaque jour, ils nous accompagnent, nous assistent, préparent nos travaux… Bref, ils sont indispensables. Il ne pouvaient rester invisibles ! »

Cette avancée ne doit donc pas clore le débat sur le statut des collaborateurs et collaboratrices parlementaires, mais au contraire bien l’ouvrir.

Voir l’amendement

Corinne Bouchoux était l’invitée de 24h Sénat suite au vote de cette résolution. Pour voir la vidéo c’est ici (à partir de 12 minutes 30).

L’intervention de Corinne BOUCHOUX:

M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.
Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre réunion d’aujourd’hui, M. Hyest l’a dit, vient d’une prise de conscience collective : si le Sénat ne se réforme pas, il sera à moyen terme mis en difficulté, voire condamné.
Un travail collectif a donc été mené ; il convient d’en saluer tous les animateurs, intervenus lors de longues séances de travail, ainsi que tous les auteurs des amendements présentés sur le texte que nous examinons.
Nos concitoyens attendent, bien sûr, de la transparence financière en matière d’utilisation de l’IRFM comme des moyens des groupes, et ce dans le respect entier de la Constitution.
Cela a été indiqué, le tableau de bord souhaité par certains n’est pas du ressort du règlement. Il s’agit néanmoins d’une attente exprimée par nombre de citoyens.
Les mesures aujourd’hui présentées, certes nécessaires, ne seront pas suffisantes si leur application réelle ne donne pas une autre image de la Haute Assemblée. Nous planchons ce jour sur nos méthodes, nos rythmes et l’organisation du travail, mais la forme n’est rien sans le fond.
Les travaux préparatoires à cette réforme ont établi que jamais le Sénat n’a autant travaillé, que jamais il n’a autant siégé. Et pourtant, son image dans l’opinion publique n’a jamais été aussi fragilisée. C’est un cruel paradoxe, notamment pour ceux qui y consacrent tout leur temps.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Eh oui !
Mme Corinne Bouchoux. Les experts et les juristes considèrent que la qualité d’écriture de la loi votée au Sénat est grande, que les jeux partisans sont moins clivants et caricaturaux qu’ailleurs, que la Haute Assemblée a longtemps été le défenseur des libertés individuelles et qu’elle est souvent un lieu de réflexion collective progressiste. La plupart des sénateurs ont une expérience solide de la gestion des deniers publics à différents échelons. Cela devrait être un atout.
Dès lors, par quel mystère ce travail législatif de qualité, cette expérience reconnue, cette expertise ne sont-ils pas – ou plus – compris actuellement par nos concitoyens ? Si nous partageons les vues exprimées sur l’ampleur de la crise actuelle, l’analyse des causes, et donc la nature des remèdes, pourra varier d’un groupe à l’autre.
Des lois sont votées en nombre, mais nos concitoyens n’en voient pas l’effet immédiat dans leur quotidien. Certains prétendent d’ailleurs, non sans raison, qu’il y en a trop. Remettre en perspective nos méthodes d’élaboration de la loi est donc une nécessité.
Comment travailler mieux, tout en respectant les voix dissonantes et minoritaires ? Comment rationaliser le travail ? Comment enrayer l’inflation des amendements, qui peuvent devenir une façon d’exister, d’être visible ? Comment optimiser notre temps, une denrée rare, et ne pas montrer au public un hémicycle vide, quand nous sommes en réalité réunis dans une autre salle du Sénat ? Comment éviter de siéger dans trop d’instances, dont certaines ne sont d’ailleurs pas indispensables ?
Les mesures qui seront débattues et adoptées ce jour vont dans le même sens : rénover pour travailler mieux en travaillant autrement. Il n’est pas possible de contester cette ambition, même si certains dispositifs, anodins pour des grands groupes, peuvent être plus sensibles pour les petits.
Nous partageons donc la finalité et l’état d’esprit qui ont présidé à tous ces travaux.
Cela étant, et c’est plus délicat à dire, voire sûrement aussi à entendre, nos concitoyens nous reprochent non seulement un mode de fonctionnement apparent, mais également le faste des locaux qu’ils sont pourtant très nombreux à souhaiter visiter et à admirer lorsqu’ils les découvrent.
Ce qui soulève aussi des interrogations, c’est ce que nous sommes sociologiquement, c’est-à-dire des individus avec une certaine expérience de la vie – c’est une qualité précieuse –, mais presque tous issus de milieux sociaux ou professionnels très voisins et globalement favorisés.
En 1979, la composition du Sénat comprenait seulement quatre femmes, contre 25 % depuis le dernier renouvellement. C’est positif, mais cela reste encore bien insuffisant. Le sujet ne relève pas de la réforme du règlement, mais il existe un lien entre les deux : il faut un Sénat mixte, comme la France est mixte.
Vous le savez aussi bien que moi, il n’y a encore jamais eu de questeur femme à la Haute Assemblée. Pourtant, dans les collectivités, nous, femmes, sommes souvent assignées aux domaines de l’intendance et de la gestion, et nous y réussissons fort bien.
Nous pouvons donc formuler l’hypothèse selon laquelle les critiques adressées au Sénat portent également sur ce que nous sommes : le produit d’une histoire politique. Une évolution est nécessaire.
Modifier des règlements et des usages dans le sens de la rigueur, de la transparence, d’une éthique irréprochable et de l’efficience, c’est indispensable. Pour autant, est-ce suffisant ?
Pour nous, écologistes, la logique institutionnelle est visiblement en bout de course.
Parmi les dispositions qui nous sont proposées aujourd’hui, il manquait – cela relevait d’un amendement de coordination – la reconnaissance des « invisibles » du Sénat. La loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique a prévu, et c’est heureux, les déclarations d’intérêts et d’activités des membres du Parlement qui doivent mentionner tous leurs collaborateurs, ainsi que leurs autres activités professionnelles. Il nous semblait par conséquent évident de reconnaître ces personnels dans notre règlement.
Cela étant, puissions-nous par les travaux de ce jour amorcer réellement une grande réforme de la Haute Assemblée qui contribue à faire évoluer notre méthode de travail et notre image.
Je conclurai en saluant une mesure que d’aucuns jugeront peut-être anodine, mais qui est importante pour d’autres : depuis deux jours, sont mises à disposition des cartes de « sénatrices », pour celles de nos collègues qui préfèrent être appelées ainsi plutôt que « sénateurs ». Les détails sont importants en République ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste, du groupe CRC et du RDSE.)

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