« Le sexisme ambiant, les stéréotypes, sont source d’une forme de violence parfois réelle, parfois symbolique, qui pénalise toute la société, les femmes, mais aussi, finalement, les hommes »

Corinne Bouchoux c Senat

Intervention de Corinne Bouchoux lors de la Discussion Générale sur le PJL égalité entre les femmes et les hommes.

Seul le prononcé fait foi. (4 minutes)/ 16 septembre 2013

 

M. le Président ou Mme La Présidente, Mme La Ministre, Mesdames les Rapporteures.

Mes chers Collègues

Merci tout d’abord d’avoir un peu rallongé la discussion générale pour un débat dont la place ne nous semble pas moins centrale que la question du cumul des mandats… Même si il y a un lien vraisemblable entre l’action du législateur et l’égalité entre les hommes et les femmes…

Nous n’aborderons pas ici la question des droits des personnes TRANS, et le ferons à la faveur d’amendements, mais nous voudrions faire le rappel du fait que pour 10 000 à 40 000 personnes en France la question de l’égalité entre les hommes et les femmes se pose sous un prisme particulier, ne les oublions pas dans notre propos. La question du changement d’état civil est un enjeu central.

Les inégalités hommes/femmes, malgré les avancées législatives de tous ordres, restent nombreuses et inacceptables. Outre l’injustice morale et éthique qu’elles posent, il y a un gâchis économique et social qui touche tous les secteurs.

L’univers de la culture n’est pas épargné et le rapport de Reine PRAT avait, il y a quelques années, pointé de nombreuses aberrations et avait listé tous les secteurs où la place des femmes n’est conforme ni au vivier ni à la volonté des femmes d’exercer des fonctions de responsabilité…

Alors que 20 % des cinéastes sont des femmes, de nombreux festivals présentent des sélections sans aucune réalisatrice.

Ne parlons pas ici de la polémique sur les nominations des responsables d’établissements publics où un homme pour se maintenir proposera « soudainement » un ticket avec une femme. Si le talent n’a pas de « genre », les postes stratégiques ne sont occupés que par très peu de femmes.

Le monde de l’art et de la culture joue un rôle majeur dans l’évolution des mentalités et des pratiques, c’est un vecteur et un moyen pour faire reculer les stéréotypes sexistes ET homophobes, car les deux sont souvent reliés.

Nous soutenons cette loi car elle porte le projet structurant d’une société avec une meilleure répartition des rôles et des responsabilités. Le sexisme ambiant, les stéréotypes, sont source d’une forme de violence parfois réelle, parfois symbolique, qui pénalise toute la société, les femmes, mais aussi, finalement, les hommes.

Si la loi peut beaucoup, elle ne peut tout, et de nombreuses initiatives des équipes municipales peuvent remédier, par exemple, au manque de reconnaissance symbolique que représente une toponymie très masculine. Donner des noms de femmes aux rues, cela ne coûte rien et a un impact sur les esprits et les imaginaires.

Ainsi donner 2/3 des noms de rue à des femmes (sachant que 95 % à 98 % des noms de rue sont dédiés à des hommes !) ne relève d’aucun pouvoir normatif –et c’est heureux- mais de telles initiatives marquent les esprits. Même chose pour les écoles ou établissements scolaires.

Il y a donc un travail en amont à faire y compris dans les programmes scolaires pour faire le rappel que le monde est mixte ! Parfois, à feuilleter certains manuels (très illustrés et documentés ce qu’il convient de saluer), on a l’impression que les femmes n’y existent pas…

Les filles manquent de modèles de femmes scientifiques, leur en donner les aideraient à s’engager dans ces carrières encore trop masculines.

Des initiatives régionales (Institut Emilie du Chatelet) ou universitaires, comme MUSEA, tentent de remédier à cette carence, mais le travail à effectuer reste, en la matière, encore assez conséquent.

Enfin, concernant la dimension éducative de l’égalité hommes femmes, l’école est dans un rôle stratégique et paradoxal. Dans les sections enfantines, il n’y a que des enseignantes et, dans l’enseignement supérieur, une forte majorité des professeurs sont de sexe masculin.

Une meilleure mixité du corps enseignants est nécessaire car c’est aussi –ainsi- que se construisent les élèves. Il y a aussi bien sûr la question du milieu social et de l’insuffisante représentation des « diversités ».

Les écarts de salaires, les écarts de trajectoires après quelques années de carrière, sont des violences faites aux femmes qui s’ajoutent aux maltraitances que certaines subissent au quotidien.

Il nous semble indispensable que cette loi soit adoptée et qu’elle soit portée à la connaissance du public, y compris dans les ESPE qui forment les enseignants de demain. Seule l’éducation, la co-éducation, une réflexion sereine feront avancer ce chantier qui était déjà, au début du XX siècle, un enjeu majeur.

Et mes chers collègues, si nous devons avancer par la loi sur ce sujet, nous devons aussi ICI MEME évoluer pour faire une place plus importante aux femmes qui ne sont aujourd’hui toujours que 22 % dans cette honorable assemblée et moins de 22 % aux postes de dignitaires et responsables de cette Institution.

Si nous voulons légiférer pour la société, aller vers la mixité dans les domaines de la culture et de l’éducation (seulement 6 femmes sont présidentes d’Université), il faut que nous les éluEs soyons aussi capables de faire ce que nous demandons au monde de la culture, de l’école, de l’université, de faire : de partager l’exercice des responsabilités.

Et même si on peut comprendre qu’un Maire (les femmes cumulent beaucoup moins selon le classement d’un hebdomadaire la semaine passée) soit très attaché à sa fonction, si nous voulons enfin favoriser la diversification, nous devons ici et maintenant nous appliquer ce que nous proposons pour toute la société. Une égalité plus réelle entre hommes et femmes ne sera pas un remède magique à la crise du système socio-économique que nous traversons, mais sans plus d’égalité, nos sociétés sont condamnées. Cette loi et le féminisme sont des chances et non des contraintes.

Je vous remercie de votre attention.

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