INTERVENTION SUR LES CREDITS DE LA MISSION « ENSEIGNEMENT ET RECHERCHE » DU PLF

2014 12 03 PLF ESR

Intervention de Corinne Bouchoux le mercredi 3 décembre 2014  sur les crédits de la mission  “recherche et enseignement supérieur” lors du Projet de loi de finances pour 2015. 

Ceux-ci n’ont pas été adoptés malgré l’adoption d’une série d’amendements identiques, dont celui du groupe écologiste du Sénat, rétablissant les crédits de la mission qui avaient été minorés de 136 millions par un amendement du Gouvernement adopté en seconde délibération à l’Assemblée nationale.

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les six rapporteurs ont finalement rapporté de façon très convergente sur les masses et les enjeux budgétaires qui nous réunissent ce matin.

Dans sa version initiale, les crédits alloués à la mission « Recherche et enseignement supérieur » par le projet de loi de finances pour 2015 présentaient l’avantage d’être à peu près constants par rapport aux autres années. Même si une augmentation réelle de ce budget aurait été souhaitable, on ne pouvait que saluer l’effort de stabilité dans le contexte de plan d’économies qui est le nôtre et dont nous ne nions pas l’utilité.

Seulement, force est de constater que nos collègues de l’Assemblée nationale, avec l’appui de fait du Gouvernement, n’ont pas entendu poursuivre cet effort et ont amputé – cela a déjà été dit à plusieurs reprises ce matin – de 136 millions d’euros les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Face à l’importance, au potentiel et aux enjeux majeurs que représentent l’enseignement supérieur et la recherche, il est impossible d’accepter une telle amputation. Ce constat a d’ailleurs été souligné à l’unanimité des membres de la commission de la culture, quelles que soient les sensibilités politiques.

Mme Maryvonne Blondin. Exact !

Mme Corinne Bouchoux. Nous n’avons pas la même vision de l’enseignement supérieur, mais nous avons tous la conscience aiguë que cela n’est pas possible. J’insiste tout particulièrement sur cette unanimité, au-delà de nos divergences d’opinions.

Les économies à réaliser en matière de finances publiques doivent être raisonnées et raisonnables. Il ne nous apparaît pas envisageable de faire des économies sur la jeunesse, pourtant désignée comme une priorité du quinquennat du Président de la République. Pour cette raison, nous nous sommes montrés et nous montrerons favorables à l’amendement visant à rétablir les crédits initialement prévus pour les universités et la recherche.

À cette diminution des crédits alloués à la MIRES s’ajoute par ailleurs la diminution, soulignée par Valérie Létard, du montant des contrats de projet État-région pour la période 2014-2015. Nous avons en particulier attiré l’attention de Mme Fioraso sur la situation très alarmante des CPER Pays de la Loire et Bretagne, dont les universités se rapprochent, et avons tiré la sonnette d’alarme quant au véritable massacre des sciences humaines, qui sont totalement ignorées de ces prochains CPER.

S’agissant de l’enseignement supérieur, il convient de saluer la priorité accordée en faveur de la réussite de tous les étudiants. À cet égard, l’augmentation des crédits alloués à la vie étudiante, notamment l’extension du nouvel échelon des bourses, en constitue un outil nécessaire et nous le saluons.

Néanmoins, nous appelons de nouveau votre attention, monsieur le secrétaire d’État, sur le fait que, une fois de plus, les étudiants en université sont moins bien traités que les étudiants en classes préparatoires aux grandes écoles. La différence reste en moyenne de 4 000 euros par étudiant. Cette disparité n’est, à notre avis, ni souhaitable ni tenable : il ne nous semble pas logique de donner plus de moyens aux étudiants les mieux dotés sur le plan scolaire et qui sont souvent issus de milieux privilégiés et de donner moins aux étudiants qui entrent à l’université.

À cela s’ajoute, malgré la volonté affichée de réussite de tous les étudiants, une inquiétude de la Conférence des présidents d’université.

En effet, d’après une estimation de cette dernière, les universités vont manquer de 200 millions d’euros. Or, depuis la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, qui a instauré l’autonomie des universités françaises, ces dernières ont toutes fait de très importants efforts de gestion et de rationalisation de leurs modes de fonctionnement et de modernisation. Il n’est donc pas possible de leur demander plus, alors qu’elles ont le sentiment d’être très mal récompensées de ces efforts en raison des coupes claires opérées à l’occasion de la seconde délibération à l’Assemblée nationale.

S’agissant de la recherche, à l’instar de ce qu’a dit notre collègue députée Isabelle Attard, je ne peux que souligner le décalage persistant entre l’intention affichée et la réalité.

Lorsque l’on examine en détail les restrictions budgétaires, on constate un traitement relativement favorable pour le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies renouvelables, ou CEA, et le Centre national d’études spatiales, le CNES, pour des raisons symboliques et louables – cela a été dit tout à l’heure – ; néanmoins, nous déplorons que le Centre national de la recherche scientifique, ou CNRS, ne soit pas davantage soutenu et que son budget soit moins bien traité que celui des acteurs précédents en proportion du nombre des actifs occupés.

Enfin, je voudrais revenir sur les difficultés rencontrées par les doctorants dans leur insertion professionnelle.

Notre collègue André Gattolin, dont je salue le travail, avait déposé, au nom de notre groupe, un amendement visant à restreindre le crédit d’impôt recherche accordé au personnel déclaré comme « chercheurs et techniciens de recherche » non titulaire d’un doctorat. Cette restriction se serait appliquée dans la limite de cinq fois le montant des dépenses de personnel afférentes aux chercheurs diplômés d’un doctorat. Cette proposition nous semblait encourageante et nous regrettons qu’elle n’ait pas connu de suite.

Les chercheurs français, malgré certains progrès, se heurtent également à un obstacle : la diffusion de leurs travaux de recherche. Alors que certains souhaitent rendre accessibles ces travaux au plus grand nombre par le biais d’archives publiques, la conciliation est encore très difficile avec les gros éditeurs privés.

Enfin, nous voudrions vous alerter, monsieur le secrétaire d’État, sur les limites du big is beautiful. Si les regroupements, tels qu’ils s’opèrent actuellement, ont pour seul but la réalisation d’économies d’échelle, ils risquent à long terme d’épuiser les acteurs et de décourager ceux qui croient en l’avenir de la recherche publique et de l’université.
(Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste. –Mme Mireille Jouve applaudit également.)

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