INTERVENTION SUR LE PROJET DE LOI RELATIF A LA GRATUITE DE LA REUTILISATION DES INFORMATIONS

2015 10 05 CMP 2e dividende

 

Intervention de Corinne Bouchoux lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public adopté définitivement le 17 décembre par le Sénat.

Madame la présidente,
madame la secrétaire d’État,
mes chers collègues,
des champs nouveaux sont ouverts grâce à la transposition de la directive du 26 juin 2013 non seulement au contrôle citoyen, qui s’exerce grâce à chacun et grâce aux journalistes et aux associations, mais également au développement de services innovants, à partir de la réutilisation de données publiques par tout un ensemble d’acteurs, collectivités locales, établissements culturels, entreprises privées, etc.

Le projet de loi qui nous réunit nous permet d’avancer, puisqu’il pose le principe de la gratuité de ces informations, mais il contient aussi de nombreuses exceptions, notamment avec la possibilité des redevances, que nous aimerions voir disparaître à terme. Nous progressons à petits pas, madame la secrétaire d’État : nous espérons que, à l’avenir, ces pas seront un peu plus toniques…

S’agissant de la méthode, nous avons procédé par saucissonnage en trois morceaux. Si nous pouvions essayer de traiter en un tout cohérent les différents aspects d’un même problème – dans le cas d’espèce, l’open data –, il nous semble que cela pourrait être de nature à rassembler les membres de différentes commissions et à permettre un débat intéressant. Toutefois, il fallait parer au plus pressé, et nous le comprenons bien.

Le Gouvernement a fait le choix d’affirmer le principe de la gratuité. Vous avez expliqué, madame la secrétaire d’État, les raisons pour lesquelles nous ne sommes pas allés plus loin en matière de redevances. Nous rappelons que nous souhaitons une réflexion sur ce sujet, notamment à l’occasion des textes de loi annoncés et que nous présenteront Mme Lemaire et M. Macron.

Nous avions proposé, comme d’autres d’ailleurs, un mécanisme qui aurait pu être appelé « premium » et qui aurait permis une entrée progressive dans la gratuité. Vous nous avez demandé du temps ; nous vous faisons confiance, madame la secrétaire d’État, mais nous souhaitons vivement que ce mode d’accès « premium » puisse au moins être étudié et que sa faisabilité soit mise à l’épreuve des faits.

Nous sommes satisfaits du travail de tous les rapporteurs concernant l’obligation d’un décret pour réguler le principe – ou l’exception – des redevances. Cela a permis d’améliorer sensiblement le texte sur ce point, et nous remercions la commission mixte paritaire d’avoir maintenu cette disposition.

Le principe d’une révision tous les cinq ans des informations ou catégories d’informations soumises à redevances a également été conservé, ce qui va dans la bonne direction. Il limite à cinq ans la portée des décrets, afin d’assurer une transposition à la fois suffisamment progressive et suffisamment rapide.

L’impossibilité de mettre en place des redevances si un droit d’exclusivité a déjà été accordé pour les mêmes données est conservée, et nous nous en réjouissions.

Le seul bémol sur lequel je veux revenir concerne notre amendement, dont les dispositions permettaient de définir ce qu’est un fichier « aisément réutilisable ». Nous avions inscrit dans la loi la précision suivante : « c’est-à-dire lisible par une machine et pouvant être exploité par un système de traitement automatisé ». La commission mixte paritaire a apporté une simplification rédactionnelle en supprimant une partie de la définition qui, selon nous, la rendait plus sûre, mais peut-être avions-nous tort.

Comme le soulignait le rapport Refonder le droit à l’information publique à l’heure du numérique : un enjeu citoyen, une opportunité stratégique de la mission commune d’information présidée par Jean-Jacques Hyest, d’une manière générale, la réutilisation des données publiques est facilitée lorsque les formats sont lisibles et permettent à une machine d’assurer un très grand nombre de traitements avec une application.

Or les données ouvertes par l’administration le sont parfois sous un format nécessitant des mises à jour qui sont coûteuses ou techniquement complexes. Les données sont alors effectivement mises en ligne et consultables, mais elles ne sont pas réutilisables. À notre avis, c’est l’une des limites du dispositif que nous avons adopté.

Beaucoup reste à faire pour préparer la France aux enjeux du numérique et créer une véritable culture de la donnée publique au sein des administrations. Nous espérons, madame la secrétaire d’État, que la sensibilisation et la formation des administrations et des agents publics aux enjeux d’intérêt général de l’open data ne seront pas mises de côté. Le succès de la démarche d’ouverture des données publiques en dépend.

L’open data est non pas une punition, mais une opportunité pour l’administration de mieux communiquer en interne et d’être mieux comprise à l’extérieur. C’est donc une chance sur le plan démocratique, ainsi que sur le plan économique. Nous espérons ainsi que des dispositions spécifiques dans le projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires permettront d’insister davantage sur la formation des fonctionnaires à l’open data et donc de progresser plus rapidement dans cette voie.

Le projet de loi pour une République numérique est très attendu. Il permettra, nous l’espérons, d’aller plus loin que le présent projet de loi.

Nous remercions tous ceux qui ont contribué à ce débat d’une grande qualité, notamment Éric Bocquet, qui a attiré notre attention sur les vraies limites de l’open data : oui, l’open data, c’est la transparence, oui, ce sont des marchés pour demain, mais, attention, il faut agir avec prudence et discernement.

Mes chers collègues, ce texte démontre que nous pouvons ne pas être en désaccord sur tout et faire usage d’une intelligence collective avec de la bonne volonté !

Pour finir, je remercie les « petites mains » sans qui nous ne pourrions pas fournir un travail de cette qualité ; je veux parler de nos collaborateurs parlementaires. Je salue également tous les personnels du Sénat.

À tous, je souhaite de bonnes fêtes de fin d’année

 

Crédits photographie: Sénat

Remonter