INTERVENTION SUR LE PROJET DE LOI CRÉATION, ARCHITECTURE ET PATRIMOINE

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Mardi 9 février Corinne Bouchoux intervenait lors de l’ouverture du débat sur le projet de loi « liberté de création, architecture et patrimoine ».

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, madame, monsieur les rapporteurs, mes chers collègues, ce texte, cela a été dit tout à l’heure, répond à une forte attente et ressemble, d’une certaine façon, à un patchwork. Apporte-t-il les bonnes réponses aux attentes des artistes, des créateurs, des interprètes ? Quid de la place du public, des usagers, des amateurs, de ceux qui pratiquent toutes ces activités artistiques dont nous allons parler au cours de ces prochains jours. Nous veillerons, durant toute la discussion, à ce qu’un équilibre entre les acteurs soit pleinement trouvé.

Selon l’étude d’impact, ce texte offre un cadre rassurant aux professionnels de la photographie et aux autres arts visuels. Un oubli nous semble avoir été réparé en commission. Un mécanisme assure désormais la rémunération de ces auteurs pour les images que les moteurs de recherche et de référencement s’approprient sans autorisation, les spoliant ainsi de leur travail.

Si d’autres conséquences sur la précarité de leur situation persistent par ailleurs, cette réponse, reprenant l’article 2 d’une proposition de loi naguère repoussée, nous semble satisfaisante.

Même si la question relève, de fait, du domaine réglementaire, nous souhaitons relayer une inquiétude, qui peut sembler anecdotique mais qui ne l’est pas.

Madame la ministre, comment comptez-vous résoudre à l’avenir les difficultés auxquelles se heurtent les auteurs d’œuvres plastiques, graphiques et photographiques pour accéder gratuitement aux musées de France ? Pour eux, il s’agit là d’une nécessité professionnelle, d’un moyen d’aider et de stimuler leur création. Or la gratuité ne leur est pas concédée de manière uniforme. Pourquoi ne pas l’accorder aux plasticiens, photographes et graphistes assujettis au régime de sécurité sociale des artistes auteurs ? Je dis bien « assujettis », et non « affiliés ».

La reconnaissance de la notion de patrimoine immatériel, déjà retenue par l’UNESCO, va dans le bon sens.

Nous saluons également, dans le présent texte, la consécration législative de la protection des biens inscrits au patrimoine mondial. Mais qu’en est-il des réserves de biosphère classées au titre du programme MAB,man and biosphere ?

À nos yeux, ces biens et zones naturelles méritent l’application du même régime juridique de protection que celui qui concerne les biens de la liste mondiale. Nous comptons attirer l’attention sur ce niveau de protection, fondée sur une collaboration constructive entre l’État et les collectivités territoriales. Ce point nous tient particulièrement à cœur.

Des réactions locales et des oppositions fortes ont guidé l’adoption d’une disposition en commission, quant au conflit d’usage entre les moulins à eau et la restauration de la continuité écologique des cours d’eau. À cet égard, il nous semble prématuré de modifier la législation avant d’avoir mis à plat les véritables enjeux en présence.

Mes chers collègues, pour ce qui concerne les archives, nous approuvons les dispositions relatives aux dépôts. La mutualisation et la conservation entre les différents services publics d’archives constituent, elles aussi, une réelle et belle avancée.

Mme Maryvonne Blondin. Oui !

Mme Corinne Bouchoux. Les archivistes attendaient ces mesures.

En la matière, un autre progrès est à signaler. À l’heure de l’open data, modifier la définition des archives en précisant qu’elles englobent l’ensemble des documents et données permet de mieux prendre en compte les évolutions à l’œuvre. Grâce à cette clarification, on sensibilisera davantage les acteurs publics à la nécessité de sauvegarder également le patrimoine immatériel.

Enfin, la meilleure définition de ce qu’est un service public d’archives renvoie à un débat que nous devrons mener. Soyons cohérents : nous sommes sur le point d’améliorer l’accessibilité et l’ouverture des données publiques. Il faudra également évoquer les enjeux de formation et de professionnalisation ainsi que le renforcement des moyens humains, matériels et financiers, qui ne doivent pas être oubliés et sont nécessaires pour aider les archivistes.

Mme Maryvonne Blondin. Tout à fait d’accord !

Mme Corinne Bouchoux. Parallèlement, pour ce qui concerne l’archéologie préventive, nous demeurons aussi dans une forme d’ambiguïté : ce constat a été rappelé à plusieurs reprises.

D’une part, les collectivités territoriales souhaitent avoir davantage la main sur les opérations de fouilles, tout en devant faire face à des problèmes de financements. De l’autre, on le perçoit nettement, l’État entend à la fois réduire le montant de ses crédits et accroître son contrôle.

Dans un contexte où opérateurs publics et privés se partagent un marché de plus en plus réduit et compliqué, le présent texte ne tranche pas suffisamment ces questions politiques, sur lesquelles nous pouvons avoir des désaccords.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Ah bon ?

Mme Corinne Bouchoux. Veillons cependant à ne pas fragiliser ces services, qui travaillent avec beaucoup d’application.

Mme Françoise Férat, rapporteur. Tout de même, il est bon de le souligner !

Mme Corinne Bouchoux. Madame la ministre, nous avons le sentiment qu’avec ce projet de loi on a quelque peu tendance à mettre en concurrence les professions entre elles. Architectes, géomètres, aménageurs, maîtres d’œuvre, paysagistes : nous avons besoin de tous. À nos yeux, l’enjeu n’est pas de les opposer mais de les faire coopérer, pour mieux articuler leur action. Tous ces acteurs doivent travailler main dans la main au service de la culture, du patrimoine et de nos paysages.

Au total, nous veillerons à ce que l’intérêt collectif et l’intérêt général sortent gagnants de ce travail législatif, à ce que la biodiversité de notre patrimoine soit préservée et à ce que l’on assure un équilibre entre la conservation de l’existant et les nécessaires évolutions ! (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – M. Jean-Pierre Sueur applaudit également.)

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture. Très bien !

 

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